On écrit

On écrit jour après jour jusqu'au moment où l'on a l'impression qu'on écrira plus jamais, drôle de sensation où tout s'arrête et l'on se retrouve vide à l'intérieur de soi, enfin presque. L'inspiration n'y est plus, ce n'est même pas la peur de la page blanche, rien ne répond quand on appelle, que l'on frappe à la porte de soi-même. C'est compter sans son jardin secret, tout est calme, transparent, tout repose comme les champs en hiver, la terre froide quant à elle s'endort pour un profond sommeil, on est tel un animal qui hiberne. N'empêche que sur la place aujourd'hui, les arbres étaient en fleur, des fleurs roses, étaient-ce des cerisiers du Japon? Guetter encore les magnolias devant ses fenêtres, les bourgeons restent fermés, ce n'est pas la fin de février, mars sera plus clément, on l'espère. Etre à la limite de la pluie, de la neige, on veut profiter des rayons de soleil tant qu'ils sont encore là, les personnes âgées s'assoient sur les bancs du parvis de la nouvelle mairie.

Veiller tard le soir, non pas à la recherche de ces mots qui ne viendront pas, un texte vous donne l'impression d'aboutir à quelque chose tandis que vous l'écrivez, vous regardez l'heure qui tourne fatalement et vous vous dépêchez de le finir comme on se dépêche de vivre parfois. Se dépêcher d'écrire, trouver les mots dans la hâte de mettre le point final celui qui conclue tout, celui qui suit les derniers mots. L'écriture se fait petite mais encore compréhensible. Etre lu pour vivre, pour exister encore, c'est comme saluer son voisin, on existe à travers un "bonjour" même si la petite fille toute à son vélo vous a oublié alors qu'il n'y a pas si longtemps elle vous envoyait des baisers de sa petite main adorable et délicate.