On est au lac

Alain Caron

Tiens, je suis allé à la ressourcerie cet après-midi, je cherchais à revendre les tuiles. Mais, ils n'en voulaient pas alors j'ai cherché un prie-Dieu, tu sais cette demie-chaise, le truc capitonné où tu mets tes genoux dessus comme les vieux. Je trouve ça pas mal comme objet. J'en ai vu un quelque part et j'ai vraiment trouvé ça bien, mais je sais plus où.

Il n'y en avait pas. Je suis revenu avec des bières… Je sais, je fais des trucs bizarres quand t'es pas là, je zone un peu, je traîne ici et là. Rien de bien méchant. Je suis seul de cœur.

« Nous, on est au lac ». tu m'as envoyé ce message tout à l'heure. Tu es parti avec les enfants. C'est loin Biscarosse. Je suis sûr que tu vas me ramener une planche de surf ou du sable.

Du sable, c'est bien. La planche, je saurais pas où la ranger d'ailleurs. Je suis en désordre quand t'es pas là.

Les enfants me manquent aussi même si ça fait bien moins de bruit ici. Je les entends pas d'ici. Je vieillis. J'entends plus tout tu sais. Tu ne me crois pas mais c'est vrai, je vieillis. J'aurais tant aimé m'aligner avec les enfants sur le sable et au top départ, foncer vers l'océan en évitant la vague qui te cisaille et te renvoie d'où tu viens. A mes faiblesses.

J'aurai dû venir quand même et plaquer ce boulot de merde. Il n'y a rien de bien à soigner les gens. Beaucoup de frime pour pas grand-chose. Finalement, chirurgien, c'est de la merde.

Tu me manques. Je fais des trucs mais tu me manques.

J'ai rangé l'armoire de l'entrée de la cave, tu sais, les cartons de mes parents et j'ai organisé tout ça un peu mieux. Enfin, un peu. J'ai des idées d'aménagement du salon, je t'en parlerai. Tu verras, je suis sûr que ça va te plaire. Au fait, Caro a appelé et elle propose de nous voir en septembre pour la Braderie. Leurs enfants ne sont pas là non plus, pas de petits enfants en garde, tout est ok pour tout le monde. J'ai dit oui.

Il a fait beau toute la journée, juste un peu de pluie vers le soir. J'étais à l'abri. J'ai lu un bouquin sur JKF et écouté une belle chronique sur France Inter, c'était sur le baiser. Je te raconterai.

Embrasse élo et Lilli, dix milles baisers de leur papinounet préféré, embrasse Fred et Pierre, un gros câlin à ma grande fille et une attention identique à ce pataud de beau-fils qui ne comprend rien à rien. Je sais pas comment tu fais pour le supporter quinze jours. Bref, reviens moi vite, j'ai hâte de croiser ton regard et de te serrer contre moi.

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