On ne change pas...

         On ne change pas, on met juste des costumes d'autres sur soi. Nous avons tant de fois échangé nos poses de défense et de combat. Mon regard obscur s'est tant de fois caché derrière ton sourire  lumineux, mes cicatrices aussi profondes soient elles ne paraissaient rien face à l'un de tes bleus. J'ai gravé ces craintes où règne ton apparence, ton visage de petite qui me ressemble car je sais que tu es là. Je t'entends parfois, ce ton faussement insolent qui s'entête et qui répète: "On ne se quitte pas."
        On n'oublie jamais, on a toujours un geste qui trahi qui l'on est. Chaque gémissement, chaque tremblement que mon corps produit semble venir de toi. Un temple à ta gloire où se mêle ordre et chaos, ton calme équilibrant ma nervosité, la beauté de tes yeux où s'est noyé la laideur de mon âme. Je connais tellement ça, se recroqueviller, inquiets, on ne se parle que tout bas.
          Je ne change pas, j'enfiles juste ton masque et puis voilà. Ça ne change rien, tout mes efforts ne m'ont pas transformé en copie de toi. De cette petite fille, apeurée, solitaire, qui pleure accroupie sur les pavés en tremblant de froid. Et si j'insiste tant sur ce soir là, c'est que depuis tu apparais pour me regarder faire, pour pouvoir veiller sur moi.