Opération spécieuse

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Hommage aux Ukrainiens sous forme de parabole humoristique

Tout commença comme une plaisanterie, le 29 février 2024. La France décréta un embargo contre le royaume de Belgique. Les exportations de pommes de terre ou de frites surgelées furent prohibées. Bruxelles y répondit la semaine suivante en interdisant que leur trésor national, la bière, ne franchisse l'outre-Quiévrain.

Un ballet incessant se forma à la frontière, des trafics fleurirent pour se fournir. On vit errer des camés qui n'hésitèrent pas à prétexter une retraite chez les trappistes de Chimay ou d'Orval pour avoir leur dose. A l'opposé, McDonald's France vit exploser les demandes de citoyens brabançons pour rejoindre le rang de leurs équipiers.

Malgré la propagande du gouvernement français pour promouvoir les vins du Languedoc, rien n'y fit. Les stades de foot se vidèrent à la vitesse d'un fut à un concert d'Adamo qui, personnellement, préféra migrer vers sa terre natale sicilienne, plutôt que de rester le cul entre deux chaises.

Les nationalistes flamands se frottèrent les mains. Ils soufflèrent sur les braises par une série d'attentats. Ils espéraient déclencher un conflit entre les deux nations pour acquérir leur indépendance. Le 5 avril, ils déposèrent au sein de la Commission 35 kilos de maroilles. Cette action déclencha une alerte à l'arme chimique et une demande de résolution de l'ONU pour que les fromages qui puent soient considérés comme des armes létales.

Pour répondre à cet affront, on brula les ouvrages de Nathalie Nothomb et de Philippe Geluck en place publique. Pour montrer sa grandeur culturelle, on créa au Collège de France une chaire de blagues belges. On décida que le 10 juillet, en souvenir de la glorieuse victoire de 2018 en demi-finale, serait jour de fête. Sur les réseaux sociaux, des blagueurs influencèrent la population crédule en rappelant le passé nazi de leurs ennemis, notamment les méfaits perpétrés par la 28e division SS Wallonien.

 La crise atteignit son paroxysme le 4 mai – date qui n'est pas choisie au hasard par l'auteur. Il s'agit du jour de son anniversaire et espère que son lectorat saura s'en souvenir pour lui fournir sous le manteau des moules au jus. La vidéo d'un bouffeur de grenouilles urinant à la raie du Manneken Pis fit le tour de la toile et scandalisa le monde entier. Les tentatives de conciliation sous la houlette des Russes échouèrent. Les relations diplomatiques furent rompues.

Le 6 mai, les troupes hexagonales se mirent en branle. Sous prétexte d'une missive adressée par le Luxembourg au roi Philippe l'exhortant à garder la patate, elles violèrent la neutralité du Grand-Duché. Le lendemain, elles atteignirent, sans rencontrer la moindre escarmouche – sans se gaufrer en somme – les faubourgs de Liège.

Toutefois, la résistance s'organisa rapidement. A Charleroi, on sortit du trou pour se calfeutrer dans les caves. Les Carolos ne restèrent pas sur le carreau. Bien qu'on y rencontrât beaucoup de têtes de Turcs, Marchienne-au-pont fut héroïque. Il fallut trois mois pour déloger les soldats de la brigade Tiesse di quette de la friche industrielle de l'usine de La Providence.

Les guerres ont leurs lots d'exactions. De nombreux cas de sévices ont été rapportés. On força les habitants de Huy à se saouler à la Kronenbourg ou à la 1664. Le 3 juin, le bourgmestre et le conseil communal de Soignies subirent les pires atrocités. Après leur avoir fait ingurgiter du livarot et du langres, on les obligea à danser devant leurs administrés un French Cancan endiablé.  

Après une année de conflit, les positions sont arrêtées. Sur un front de 25 kilomètres d'est en ouest, soient à peu près la moitié de la Belgique dans sa longueur, on a creusé des tranchées dans les champs de betteraves. La Belgique ne cède pas. L'ancien comique troupier Benoît Poelvoorde nommé premier ministre sait galvaniser son peuple. Les aides d'autres nations qui craignent les visées expansionnistes de la France permettent à la petite nation de tenir. Monaco a envoyé des fonds grâce aux subsides dégagés par les concerts de soutien de la princesse Stéphanie. En Suisse, l'opération lingot jaune instituée par l'épouse de l'illustre inconnu Alain Berset (le président de la Confédération) a remporté un franc succès chez les Romands.

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