"Out of many, one people"
Suzanne Saquer
Les voyages, c’est ma drogue. Et mon meilleur anxiolytique a de loin été la Jamaïque. Mais non ! Que croyez vous ?! Pas parce que les nuages au dessus de notre tête viennent de là bas !
A l’origine, je partais en quête de l’autre et c’est moi même que j’y ai trouvé. Belle rencontre. J’étais en mission humanitaire dans un orphelinat et je vivais chez des locaux non loin de là. L’adaptation à l’autre, qui est en réalité un moi mais qui vit différemment, n’est pas si compliquée à réaliser. Je me suis très vite sentie chez moi. Au bout de quelques jours, je faisais partie de la famille. J’avais des frères et sœurs, et bien plus, tous les enfants de l’orphelinat étaient les miens. C’était magique. J’ai eu une bouffée d’amour partagé en un temps lumière. Je dis pas que ça a été facile car dans ma vie estudiantine je suis plutôt sauvage et solitaire. C’est là qu’entre en jeu la rencontre avec mon autre moi qui a su se plaire dans cette situation et qui plus est, s'est ajouté à mon moi actuel.
Un aspect de la Jamaïque que j’ai particulièrement adoré est son coté « peace and love ». Non, ce n’est pas juste un stéréotype rastafari. Les gens sont simples, lents, ils prennent le temps de vivre et de faire la vie. Et, au risque de me répéter, pas besoin de s’enfumer pour nager de cette ambiance.
Après m’être imprégnée de l’amour de mes enfants et de ma famille, je voulais aller plus loin dans les terres. Voir la Jamaïque profonde, m’y perdre. Je suis donc partie, plusieurs weekends avec mes copains de la mission. On n’avait rien, on dormait dans de vieux motels peu recommandables, on n’avait presque pas de sous alors on mangeait ce qu’on nous vendait de pas cher sur les plages. On se laissait tous aller à rêvasser et on s’abandonnait à cette culture mystique. Nous vivions en état de rêve éveillé. Tout était trop beau pour être vrai. Les couleurs de la jungle étaient comme du fauvisme à la Roch. Et ces verts ! On flottait dans une palette de peinture qu’on dégustait ensuite.
La cuisine était divine. Une symphonie de saveurs dans chaque bouchées, épicées par des herbes inconnues en occident. Ma mère d’accueil m’avait enseignée ses secrets, mais à peine revenue dans ma campagne ch’timi j’avais déjà perdu tout l’exotisme des ingrédients. Je me suis finalement rabattue sur une tarte au maroilles. Rassurez vous, accompagnée d’un verre de rhum brun, j’étais de nouveau sur les plages de sable fin. Ce souvenir est mon seul matériel. Où plutôt était. Il n’a pas fait long feu. Je me suis fait voler mon appareil photo deux jours avant de quitter le pays, ma mémoire est la dernière survivante de ce voyage, j’ai jeté la bouteille vide.
Après cette escapade j’étais apaisée, rassurée, tranquille, pleine de confiance en moi. Ce voyage m’avait rouvert les yeux sur un monde que je fuyais. J’ai appris à prendre les choses les unes après les autres et ne plus me laisser manger par les événements. C’est moi qui contrôle mon espace temps et mes envies. Parfois je suis face à ces vieux visages maussades du quotidien. Alors je ferme les yeux et je revois la quiétude jamaïcaine. Je souris.