Page blanche
fionavanessa
La boule dans la gorge, vous connaissez ? Pas la pomme d'Adam, non messieurs, celle qui ressemble à s'y méprendre à une page blanche, rien ne passe la rampe…
Je sais par cœur d'où me vient cette difficulté à avaler.
Faire avec. Sourire. Faire des crêpes. Ecrire.
Même sans avoir le cœur à ça.
Mon sourire un peu forcé finit, à la lueur des sourires que l'on me renvoie dans ma journée, par venir un peu plus naturellement. M'aide à ne pas m'attarder sur ce qui ne va pas mais sur l'eau qu'il y a tout de même dans mon verre à moitié vide, à moitié plein. M'aide à respirer, à ne pas m'agripper aux choses passées et à garder les mains ouvertes.
Sauf pour tenir le fouet et le saladier de la pâte à crêpes.
Let it go…
Je sais bien que c'est par là que je vais, même à reculons…
Je sais aussi que cette boule dans ma gorge, cette incapacité temporaire à écrire devant la page blanche, sont des aveux.
Est-ce que je veux être cette personne qui avance et qui respire sans toi ? Non. Mais je suis cette personne qui respire sans toi, qui avance un petit pas sans toi.
Et au détour d'une minute, d'un détail dans le paysage de ma journée, je suis aussi celle qui fait le pas arrière du tango, quand tu te rappelles soudain à moi, sans que personne ne le devine.
With or without you. I can't live with, or without you. Les deux à la fois.
Comme dit mon grand frère Luc Dietrich, c'est cela, l'amour, un grand courage inutile.
Je m'applique à n'en vouloir à personne. A dire le vrai à mes amis, c'est-à-dire reconnaître que j'ai le cœur chagrin, l'âme distraite, et que je n'oublie rien, et que si la page se tourne, mon cœur le sait à peine. Il ne sait pas se dédire et se serre quand je pense à toi. J'avoue que tu es là, tout près, puisque je t'ai à l'esprit, puisque tu m'as faite ce que je suis, puisque je t'aime et te prends sous mon aile, dans ma poche, sous mon oreiller, entier, sans question, même si dans la vraie vie ça ne se peut pas. Tu m'es cher, même absent. Et le monde est plein d'amis et de beauté, mais résonne trop vaste sans toi. Résonne en creux.
Pas envie de faire de littérature. De faire état de moi sans toi. Mes idées de textes restent en rade les unes après les autres. Laisser mûrir, lâcher prise. Faut d'abord avaler le présent. La page blanche à présent. Ici et maintenant me donnent le vertige car ici c'est ici où tu n'es pas, mais ici c'est où je suis et là où je suis, tu y es bien souvent un peu.
Bien sûr que je pleure, mais cela me lave les yeux, me ramène à l'essentiel. M'aide à ouvrir la bouche et respirer.
Mais je souris aussi, à rien en particulier, c'est ma tendresse pour toi qui désoeuvrée se manifeste, te fait signe, loyale, sans que tu puisses le savoir, sourit aux anges peut-être.
C'est l'idée qu'aujourd'hui, ce que je suis, tu n'en sauras rien, ce que tu es, je n'en saurai rien, et c'est ainsi, vaille que vaille. Nous serons les pièces opposées de l'échiquier, reine blanche et roi noir. Laisser la page d'écriture blanche, c'est hésiter à écrire qu' aujourd'hui est un jour sans toi, encore un, c'est aussi reprendre son souffle après la tempête, c'est avouer mon amour meurtri, c'est aussi prendre le temps d'une respiration avant de se mouvoir d'un pas plus sûr vers demain.
Toutes ces personnes dans mon coeur, qui ne sont plus, ou qui sont absentes, et que je continue de prendre avec moi, ou bien dans les pas de qui je marche, avec qui je me promène à travers les jours ; Jacques et Laure, mes grand-parents chéris, Pierre mon tendre maître d'art, Geneviève et Micheline, vous mes bonnes fées, Elisabeth, mon amie qui n'es plus, toi, qui es toi, mais loin de moi. Vous êtes mes trésors invisibles à la vue, vous êtes la lueur de mon œil, vous êtes ce petit parfum qui rend l'instant précieux, même lorsque c'est sous le signe de l'absence.
Et puis il y a les vivants qui sont un poids mort à mes yeux. Mes parents, trop toxiques. Mon compagnon passé, trop toxique. Je crois que je suis en paix avec eux, je ne leur en veux pas, je les plains même de ne pouvoir que faire mal sans comprendre ce qu'ils font. Je veux juste mettre mes pas dans d'autres chemins, aller ailleurs où l'on respire mieux. Et si ce sont des fantômes et des absents qui m'accompagnent, qu'importe. J'aime mieux mon Luc, mon Albert, mon Will, ma Geneviève, ma Laure, pour moi leur nom résonne, leur trace est imprimée en moi, tout comme la tienne. J'aime mieux t'avoir rencontré même si nos chemins divergent. J'aime mieux connaître ton regard et tes gestes, amour, et si tu me manques, il y a aussi une part de sérénité en moi qui provient de ces impressions que tu m'as laissées, de ces instants vécus. Au moins je n'ai pas été sourde, aveugle et muette, paralysée et de glace. Alors sache que tu es encore du voyage.
"I heard a voice in middle night
· Il y a presque 5 ans ·calling my name. T'was in a room
Where darkness fled from blissful light,
So I escaped my awful doom"
Ecrit d'un trait à l'instant, inspiré par votre texte, je sais pas !
PS: Je suis français, et angliciste de formation...
astrov
C'est touchant, et très bien écrit. Un plaisir de t'avoir relue
· Il y a plus de 7 ans ·Bryan V
Merci Bryan
· Il y a plus de 7 ans ·fionavanessa
un beau texte
· Il y a presque 8 ans ·Hi Wen
Merci
· Il y a presque 8 ans ·fionavanessa
Il est des moments Fiona où l'on a l'impression de ne pas voir le bout du chemin ... et crois moi je sais de quoi je parle ... puis un jour, tout s'éclaire ... Je sens du positif cependant ... courage à toi, je t'embrasse
· Il y a presque 8 ans ·marielesmots
Oui Marie, merci ma belle, pour ton petit mot et pour ta lecture.
· Il y a presque 8 ans ·fionavanessa