Panacea

abelard

J-20

                         « A ceux qui liraient ceci, je leur dois la plus grande franchise. Nous avions tort. Malgré notre confiance en le futur, nous étions plein d’orgueil, de fatuité et de certitudes. Justin m’avait dit un jour que les scientifiques et leur blouse blanche étaient les prêtres du vingt-et-unième siècle. Nous pensions détenir les clés du Paradis alors que nous n’avons en définitive qu’ouvert les portes de l’Enfer. Si Dieu existe, qu’il nous pardonne. J’assume l’entière responsabilité de mes actes malgré le fait que je ne sois qu’un modeste rouage de la machine broyeuse de vie que nous avons lâché sur le monde. Je rejoindrais sous peu le premier cercle des Enfers, celui réservé aux seuls traitres à leur race.

 

                         Je te hais Franck Malory, j’écris ceci pour que tous les survivants sachent bien quel monstre tu es. Je sais que tu as survécu, j’espère qu’ils te trouveront et te feront expier tes péchés dans le sang et la douleur. Je n’ai qu’un seul regret alors que je couche ces mots sur ce mauvais papier, je ne serais plus là pour contempler ta fin.

 

                                                                                                                                                       Henry Crawford,

                                                                                                                                                       Le 21 Décembre 2012 »

                         Une brise paisible soufflait sur la mangrove qui recouvrait le sud de l’île tel un manteau inextricable de racines géantes. Le climat doux et humide de ces terres convenait parfaitement aux membres de la tribu des longues jambes qui aimaient y venir élever des crevettes bien grasses. Isia et Dak – respectivement, neuf et sept ans – profitaient du soleil à l’ombre des palétuviers rouge qui composaient la majeure partie de cette forêt encore immature. Le jeune garçon apprenait à lire sous la supervision de sa grande sœur ; c’est lui qui tenait fébrilement l’épais tas de feuillets salis et jaunis par le temps et les vicissitudes du passé. La jeune Isia écarta d’un doigt la mèche cendrée qui lui barrait le visage.

-          « Pourquoi tu veux toujours commencer par la fin Dak ? c’est pas drôle… reprends depuis le début tu veux ! ».

-          « Mais on la connait par cœur cette histoire, et puis je l’aime pas, c’est trop triste. Pourquoi tu veux que je la lise une fois de plus ? ».

-          « Parce que tu ne sais pas encore bien lire… tu sais ce que nous dis papa ! ».

-          « IL FAUT TOUJOURS RESPECTER LES TEMOIGNAGES DU PASSE !»  dirent les deux enfants d’une seule et même voix. Dak leva les sourcils de lassitude alors que sa sœur continua d’un ton docte.

-          « Papa nous a toujours dis que les vieux textes étaient très rare, nous avons de la chance d’avoir trouvé ces vieux bouts de papiers, tu ne crois pas ? ».

-          « Ouais-ouais ! ».

-          « Reprends le début de l’histoire, ça commence le 2 Décembre… ».

-          « Nan, c’est le premier ! ».

-          « Ah oui, tu as raison » dit Isia en froissant maladroitement les pages du fragile manuscrit à la recherche de la première de celles-ci. «  LA ! lis ! ».

                         Le jeune Dak s’exécuta, il devait être environ seize heures. Pourquoi devait-il encore lire cette horreur ?

                         « Journal personnel d’Henry Crawford, Chercheur en Virologie appliquée, University of London, Angleterre.

                         1 Décembre 2012,

                         8h32.

 

                         Nous y sommes.

                         Notre chef d’équipe, Franck Malory, avait réussit à isoler l’anomalie. Nous sommes – j’en suis certain – à la veille d’une découverte majeure dans notre éternelle quête de la panacée. Je me sens un peu comme Armstrong lorsqu’il a pour la première fois foulé le sol lunaire, il-y aura un avant et un après Pandora.

                         Je n’aimais pas ce nom, pour tout ce qu’il signifiait à mes yeux. Franck avait un autre point de vue ; pour lui – ce minuscule brin d’ADN survivant de la dernière ère glacière était l’espoir qui restait au fond de la boite. Et cette boite de Pétri justement, était la culture la plus convoitée de toute l’université. Elle défrayait la chronique de la gazette universitaire depuis près de deux semaines… trouveraient ou trouveraient pas ? Nous avions identifié notre agent mutagène, nous l’observions à la recherche d’une réponse et je présume – aujourd’hui – qu’il en faisait autant avec nous. Nos bactéries modifiées génétiquement à l’aulne de cette découverte répliquaient avec vivacité ce modeste brin pluri centenaire. La phase deux des tests allait pouvoir commencer, une importante cargaison de souriceaux allait se voir inoculer des souches de Peste, Variole ou Ebola.  Nous touchons au but, bientôt, nous saurons.

 

                         10h07

 

                         Mon assistant Justin Barnes a terminé de préparer la salle d’expérimentation stérile dans laquelle nous allons travailler. Notre protocole prévoit trois groupes témoins de rongeurs, tous infectés à divers degrés avec les pathologies les plus mortelles dont Mère Nature est la génitrice. Nos bactéries mutantes seront envoyées au front à partir de 11h15. Les défenses immunitaires réduites des souriceaux devraient accélérer tant la période d’incubation que l’avènement des symptômes les plus violents dans notre groupe numéro un. A ce titre, Justin, Franck et moi-même somment tombés d’accord sur l’utilisation exclusive dans ce premier groupe d’une souche d’Ebola particulièrement virulent dont la période d’incubation maximum pour un adulte en bonne santé n’excède pas les deux à vingt-et-un jours.

 

                         Nous devrions être fixés avant minuit. Il me tarde déjà d’y être.

 

                         13h42

 

                         Nous avons reçu la visite du doyen en fin de matinée. Nous avons à peine eut le temps de prendre un frugal déjeuner, aucun de nous trois ne peut rien avaler tant la tension nerveuse se lit sur nos visages. Le souriceau 1-A-27 présente les premiers signes de fièvre hémorragique. Franck semble penser que ce rejeton précoce paye cher son rachitisme.

 

                         14h28

 

                         1-A-27 est décédé de l’infection. Pandora n’a pas eut l’effet escompté. « Non contributif » a inscrit Franck sur le bloc plastique, sorte de cercueil miniature dans lequel il a placé le corps de l’animal avant de le jeter dans le bac sanitaire dédié à l’incinération. Les autres cobayes seront-ils plus prometteurs ?

 

                         17h01

 

                         Rien.

 

                         Notre groupe un a reçu Pandora à 11h15 comme le prévoyait le planning, soit moins de dix minutes après l’inoculation du filovirus. Nos souriceaux – à une exception près – sont toujours de ce monde. Justin est chargé de monitorer les fonctions vitales de nos rongeurs heures par heures. S’il avait cédé aux lubies de Franck, s’eut été minutes par minutes sous une loupe dermatologique.

 

                         J’aimerais tant pouvoir faire profiter de ces instants historiques au plus grand nombre, mais voila, tout ce qu’y me fut permis c’est de consigner mes observations dans un journal… »

-          « Le 1-B-32 doit faire une petite apnée Henry, viens voir ça… ».

-          « Tu crois ? ».

-          « Oui, regarde ! ».

                         Franck était dans le bureau du doyen, nous savions celui-ci inquiet surtout à cause des aspects légaux et sécuritaire de ces expérimentations. Le grand Franck Malory allait baratiner l’ancien comme à son habitude tant il était préoccupé par la paternité de cette découverte plus que par ce qu’elle pouvait offrir à l’humanité. Nous allions éradiquer toutes maladies de la planète, l’immortalité peut-être au bout du chemin…

-          « C’est juste une petite faiblesse, il va bien Justin ».

-          « Tu crois ? ».

-          « Oui. Il faut que je prenne l’air, sinon je vais faire une grossesse nerveuse, je te laisse ».

-          « D’accord, tu as un quart d’heure ».

                         17h32

                         Je m’étais assis sur le planning des pauses permises par notre despotique chef de labo et en grillait une au balcon de mon bureau. Il fallait que je me calme ou mon asthme allait remettre ça. A cet égard, commencer à fumer était probablement une idiotie de plus à rajouter à mon palmarès pré-doctoral.  J’allais peut-être mourir là, aujourd’hui à cause d’une toute petite chose comme cette cigarette.

                         Des bruits de pas précipités se firent entendre. Je reconnaissais sans l’ombre d’un doute la foulée caractéristique de Justin, le sport n’avait jamais été son fort. La porte de mon bureau s’ouvrit à la volée alors que je me retournais la cibiche encore au bec.

-          « ON L’A ! ».

-          « Quoi ? ».

-          « ON L’A JE TE DIS !! ».

-          « MAIS QUOI ? c’est bien trop tôt… calme toi et raconte moi tout, ok !? ».

-          « Tous les autres rats du groupe 1 sont viables, j’ai tout vérifié, je ne pouvais pas attendre, c’était trop dur, alors j’ai fait des prélèvements, le virus est anéantit, PLUS AUCUNE TRACE !! » Justin ne pouvait contenir sa joie et son excitation. Il se trémoussait comme un élève de primaire voulant aller se soulager.

-          « Du calme Justin, tu sais ce que va dire Franck, qu’en est il des autres groupes ? Le groupe 3 en particulier, celui qui n’a reçu que le Pandora. Comment sont-ils ? ».

-          « Au… aucun soucis, ils vont bien, ils sont alertes et réactifs je te dis. Je dois faire des tests ».

                         Le laborantin ne m’écoutait déjà plus et il repartit de plus bel en direction du labo sans plus attendre, me laissant seul avec ma surprise. Malory ! Je devais le dire à Franck au plus vite avant que ce pauvre Justin ne commette un impair sous le coup de l’excitation. Il-y-avait des règles, un protocole précis à suivre si l’on voulait que nos pairs reconnaissent nos travaux et cette découverte. Je quittais le bureau en courant à mon tour, j’en oubliais la cigarette à moitié éteinte à ma bouche. Le deuxième étage. Non ! Malory se trouvait peut-être encore avec un responsable, l’administratif était au cinquième, j’empruntais l’escalier.

                         Personne.

                         Le bureau du doyen était vide, celui de Franck également, je descendais, quelque peu essoufflé, les marches qui me menait au labo, ils ne pouvaient qu’être là. J’entendis une détonation. Courte, subite… celle d’une arme à feu. La grande double porte était ouverte d’un pan, le groom ne pouvait faire son office à cause du corps du doyen qui gisait là – ensanglanté – les mains crispées sur sa poitrine immobile. Je ne vis rien de plus tant mes yeux ne pouvaient se détacher du regard mort du vieil homme. Une voix retentit.

-          « Ecarte-toi Justin, je n’ai rien contre toi, mais je n’hésiterais pas une seconde, crois moi ! ».

-          « Une… UNE ARME ! Comment as-tu fais rentrer une arme sur le campus ? ».

-          « HORS DE MON CHEMIN ! ».

                         Franck Malory frappa violement la tempe de Justin Barnes avec la crosse de son Glock qui s’écroula sur le sol. Le timbre mat de la chute du corps me tira de ma torpeur et je fis face à son agresseur. Franck tenait une valisette métallique sous son bras gauche et pointait son arme sur moi à présent.

-          « Et toi docteur, envie de jouer aux héros ? ».

J-19

-          « Arrête de vouloir sauter des pages Dak ! ».

-          « Mais je l’aime pas cette partie là de l’histoire. On peut sauter ce passage, dis !? ».

-          « Nan ! prends ça ! », La jeune Isia passa un petit paquet de feuilles froissées à son frère.

-          « Dis ! ».

-          « Quoi ? ».

-          « Il est encore en vie le jeune au drôle de nom d’après toi ? ».

-          « Justin ? Bien sur que non, voyons, réfléchis un peu. Cela doit faire plus de cinq-cents saisons que tout ça à eut lieu… oublie-ça et lis ! allez ! ».

                         La jeune fille sortit d’un sac de peau à ses coté une paire de gros fruits rouges à la chair fruitée et fibreuse et en tendit un à son frère.

                         « Journal personnel d’Henry Crawford, Chercheur en Virologie appliquée, University of London, Angleterre.

                         2 Décembre 2012,

                         6h30.

 

                         J’aurais pu l’arrêter.  J’aurais du l’arrêter. Les officiers de Scotland-Yard furent très compréhensifs. Trop, peut-être. Toute cette politesse et cette retenue cachait quelque chose. L’on m’avait interrogé dans la nuit. Tout n’avait pas été passé en revu et les choix des questions qui me furent posées étaient très révélatrices. Comment avez-vous réagit face à la menace ? Avez-vous vu Mr. Malory tuer le doyen ? Quel était son arme ? Sur ce qui avait disparu dans le laboratoire ou sur le Pandora, pas un mot. Les enquêteurs de sa Majesté semblaient pourchasser un simple braqueur, un meurtrier de plus dans les colonnes d’un tabloïd de supermarché à la une de ce jour. Pourquoi ? Je n’avais pas confiance en eux.

 

                         8h42

 

                         Je suis retourné dans le laboratoire. Comme je l’avais prévu, celui-ci avait été vidé de toute substances et matériels avec méthode. Il-y-avait une chose néanmoins que je n’avais pas dis aux chiens de chasses de la couronne. Je suis presque fluent en Mandarin.

                         Il-y-avait ce feuillet dans le labo. Avant les faits, je n’y avais pas prêté attention, pensant qu’il s’agissait d’une vulgaire notice d’imprimante oubliée là. Il n’en était rien. Avant l’arrivée des enquêteurs, j’avais eut la primauté de fouiller le labo moi-même après la fuite de Franck. Ma mémoire eidétique ne m’a jamais fait défaut. C’était un mail d’un certain Chau-Li ou Shen-Li, je ne sais plus… un type de l’ambassade Chinoise, délégué à quelque chose. Cela n’avait que peu d’importance en fait. Ce qui en avait – par contre – c’était que ce Mr. Li donnait rendez-vous à Malory sur les docks de Kowloon à Hong-Kong ce 3 Décembre à 9h00. Entrepôt 27B. Si je prenais un vol sans escale sur l’heure, je pourrais peut-être y être dans les temps. Du moins, je l’espère. Je tente le coup.

 

                         10h09 – Terminal 2 à l’embarquement, Aéroport d’Heathrow

 

                         Je consigne dans mon journal ma rencontre avec Mr. Thomas Aden. Ce type a surgit comme un diable de sa boite… Mais peut-être devrais-je en parler en commençant par mon arrivée à l’aéroport. Quelque-chose n’allait pas. »

                         Le chaos régnait à l’aéroport ; mon équipée commençait mal. Une nuée désordonnée de véhicules prioritaires noyait l’entrée du lieu dans une cacophonie de sons et un kaléidoscope de couleurs criardes. Pompiers, médecins, polices, ambulance et je ne sais qui encore, ils étaient tous là. Je décidais de m’approcher d’un secouriste poussant un brancard bâché.

-          « Excusez-moi ! que se passe t-il ici ? ».

-          « Ecartez-vous monsieur, le lieu est fermé au public, l’on place un cordon de quarantaine d’urgence, vous ne devez pas rester ici, n’avancez pas au-delà de cette ligne ».

-          « Je suis médecin, il-y-a une urgence ? ».

-          « C’est une alerte épidémie, on ne sait pas encore ce que c’est mais ça se propage vite… vous ne pouvez rien faire, maintenant, soyez gentil et laissez moi bosser docteur ! ».

                         L’homme m’écarta de sa route sans ménagement. La tension était palpable, l’atmosphère toute à la concentration de ceux qui travaillaient ici-bas.

-          « Mr. Henry Crawford ? ». Je sursautais à la question ; en me retournant je faisais face un homme au costume anthracite impeccable droit sortie de Savil Row’s.

-          « Pardon ? ».

-          « A moins que vous ne soyez Mr… », il sortit un petit calepin de sa poche droite, « Justin Barnes ? ».

-          « Je suis le premier, qui me demande ? Je suis pressé ».

-          « Vous n’imaginez pas à quel point Mr. Crawford. Je me nomme Aden, Thomas Aden. Je suis l’avoué de Mr. Ross. Je désirerais m’entretenir avec vous dans les plus bref délais ».

-          « Navré mon vieux, mais j’ai un avion à prendre, et cela ne peut attendre… ».

-          « Cela me semble compromis », dit-il en haussant les épaules avec un demi-sourire.

-          « Vous voulez me parler ? je dois être à Kowloon, Hong-Kong avant huit heures demain matin !! ».

-          « Si c’est ce que vous désirez, alors, veuillez me suivre ».

                         L’homme m’entraina par le bras vers une limousine grise garée non loin de là. Curieusement, je ne me sentais pas de protester, j’avais l’étrange sentiment que cet homme et moi serions à l’heure au rendez-vous. L’homme s’assis sans surprise avec moi à l’arrière de la limousine. Le chauffeur démarra pour une destination inconnue.

-          « Vous avez… », hésitais-je.

-          « Un jet privé long-courrier ? Oui ! », répliqua t-il avec un nouveau sourire sec.

-          « Pourquoi me cherchiez-vous ? Savez-vous seulement ce que je cherche à faire ? ».

-          « Oh ! moi oui… mais vous, le savez-vous ? ».

-          « Epargnez-moi ça, l’on dirait une réplique tirée d’un mauvais film… ».

-          « Je crains que tout ceci ne soit très sérieux Mr. Crawford ». Je scrutais le regard de l’homme dans le sourd espoir de savoir s’il me baladait ou non.

-          « De quoi parle-t-on ? », tentais-je pour lui tirer les vers du nez.

-          « Rien de moins que de la fin du monde, ou du moins de notre espèce il semblerait ». Je ne bronchais pas, curieusement – la encore – mon instinct savait qu’il allait dire cela.

-          « L’Aéroport ? ».

-          « Oui ! indubitablement… J’imagine sans peine que Mr. Malory a répandu la formule dans la zone de transit, mais ce n’est qu’une supposition bien sur ».

-          « C’est dingue ! ». L’avoué soupira avec force à ma réflexion.

-          « Pour ma part, ce que je trouve dingue c’est que les autorités vous laisse jouer aux apprentis sorciers avec un virus endormi dans une carotte glacière vieille de plus de cinq-cents ans. », il me renvoya un air à la fois accusateur et désolé, « Les scientifiques ! ».

-          « Epargnez-moi le comité d’éthique sur le tard. Qu’est-ce que vous savez à ce propos ? ».

                         Aden semblait absent, son regard léchait la vitre teinté et observait encore ce qui se profilait au-delà. Il ne chercha pas à poursuivre plus loin notre conversation et déjà la limousine ralentissait. Nous sortîmes du véhicule et c’est une piste ou trônait un imposant jet gris acier triréacteur  qui nous attendait là. Je décidais de suivre le mouvement et nous embarquâmes tout deux dans le petit palace volant. Aden me proposa un doigt de Brandy. Je ne refusais pas.

-          « Ok mon vieux, crachez le morceau à présent, j’aimerais savoir dans quoi je m’embarque ? ».

-          « Pour faire simple… »,

-          « Oui simple ! », le coupais-je.

-          « En résumé donc, votre Université se voit doter en matériel et « consommables » chaque année par un panel très restreint de donateurs aussi anonymes que généreux ».

-          « Oui, notre doyen est plutôt chiche sur ses sources ».

-          « En effet ! Une volonté de mon employeur et de beaucoup d’autres j’imagine ».

-          « Et alors ? ».

-          « Le carottage vient de nous, nous vous avons envoyé cet échantillon sans savoir ce qu’il contenait… à vous et à de nombreuses autres universités dans le monde. Seul deux d’entre-elles ont trouvées le minuscule rescapé qui est la source de nos problèmes actuels ».

-          « Lesquelles ? ».

-          « La votre, et celle de Pékin ».

-          « Je ne comprends pas… pourquoi Malory aurait-il été payé pour rapporter tout ce matériel en Chine alors ? ».

                         Il ne répondit pas, mais je compris à son regard qu’il n’en savait pas plus que moi à ce propos. Nous nous retirâmes tout deux dans les méandres de nos pensées alors que le jet décollait. Un profond sommeil fondit sur moi comme une bête féroce alors qu’Aden mettait à son oreille un petit écouteur noir. Combien de temps s’écoula ? Je fus réveillé en sursaut par une main crispée sur mon avant-bras. Aden – toujours l’écouteur à l’oreille – me secouait nerveusement.

-          «  Nous sommes en approche finale… ».

-          « Mmm… Qu’y-a-t’il ? vous semblez nerveux ? ».

-          « Je suis resté branché sur BBC News pour prendre des nouvelles du pays ».

-          « Et… ».

-          « Près de 27 morts ; ceux d’Heathrow. Plus de 50 décès et 200 cas d’infections par notre virus sur l’Université et au-delà, la situation se dégrade vite ».

-          « Dépêchons-nous de mettre la main sur ce fou alors ! ».

                         Une pléiade de sentiments contradictoires envahie mon crâne alors que nous changions de véhicule. Un ruban de bitume défilait sous nos pieds, qu’allais-je faire ? J’étais fou d’être venu jusqu’ici la fleur au fusil, qu’espérais-je au juste ? Malory… les Chinois, ils nous tueraient. Les ténèbres m’étreignirent une fois de plus, j’étais tellement las.

-          «  27-B ! », Le ton sec d’Aden me réveilla de nouveau, « Vous avez une mine affreuse ».

-          « Qu’avez-vous mis dans ce Brandy au juste ? », je tentais d’afficher un sourire complice.

-          « Il faut y aller ! ». Aden sortit de la voiture ; l’oreillette avait disparue au profit d’une sacoche en cuir quelque peu usée, je l’imitais.

                         Le soleil du matin pointait à l’horizon, la zone portuaire s’étirait tel un fantôme d’acier déchiré par les ombres. Une voiture de location rouge vif se trouvait déjà là. C’était lui. Aden ouvrit la sacoche et me montra discrètement les deux calibres chromés qui s’y trouvaient, il en mit un dans son dos à la ceinture, je fis un signe négatif de la tête. La porte du sedan s’ouvrit sur un Malory qui nous jeta un regard sans surprise.

-          « L'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix, et en sortiront. Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement ».

 

                         Aden et moi restions de marbre, ma vu se brouillait mais j’aurais juré voir que les yeux de Malory avaient une teinte jaunâtre des plus malsaine.

 

-          « Jean était un homme inspiré, n’est-ce pas Henry ? Je suis heureux que tu sois là ».

J-18

                         « Journal personnel d’Henry Crawford, Chercheur en Virologie appliquée, University of London, Angleterre.

                         3 Décembre 2012,

                         Entre 7 et 8h.

 

                         Franck Malory avait perdu la raison, j’en étais à présent intimement persuadé. Comment un scientifique et un universitaire aussi chevronné avait pu se prendre pour un des quatre chevaliers de l’Apocalypse et citer les saintes écritures après avoir répandu un poison dans l’atmosphère. Si seulement la situation avait été aussi simple que cela, mais – une fois de plus – ma chute allait être à la mesure de mon ignorance.

 

                         J’ignore si tout cela à une quelconque importance, tout était peut-être écrit par avance. Ceci est notre histoire et je me bornerais donc à la coucher sur le papier, même s’il doit bruler et disparaitre comme tout le reste ».

                         Aden avait posé sa sacoche sur le sol entre lui et moi. La possibilité me restait ouverte mais je m’y refusais, il devait y avoir un moyen de tout arrêter, ici, et maintenant !

-          « Mr. Malory, je me nomme Thomas Aden, je suis venu vous proposer un marché, qui – j’en suis sur – vous sera plus profitable que celui qui vous à mené ici », il écarta les bras en signe de bonne volonté, « Pouvons-nous en discuter ? ».

-          « Qui est cet homme Henry ? » répondit Malory sans cesser de me fixer de ses yeux déments.

-          « Je… ».

                         Malory dégaina vif comme l’éclair l’arme qui avait déjà tué le doyen et tira un unique projectile sur Aden, il avait fait cela sans même se départir de son sourire à mon attention. Ce dernier eut plus de réflexe que je ne le pensais et il y eut une autre détonation. J’étais paralysé, je n’avais pas cillé – pas par sang-froid – mais étreint par une terreur sourde et primale. Aden s’écroula raide mort, je ne voyais pas ou il avait été touché. Malory – quant à lui – avait prit une balle à l’aine.

-          « Tu vois ? je ne souffre même plus… ».

-          « C’est de la folie, tu t’es inoculé le virus ? ». Je devais détourner son attention et me saisir de cette arme dans la sacoche mais mon corps refusait toujours de se mouvoir. Malory braqua l’arme encore fumante vers moi.

-          « N’avons-nous pas joué déjà cette scène Henry ? », il étreint sa blessure au coté. Le saignement ne semblait pas vouloir s’arrêter, « Nous allons attendre ensemble nos amis de l’Empire du Milieu et découvrir de quoi l’avenir est fait… ».

-          « Tu es fou, cette bactérie mutante va tuer des millions de personnes avant qu’un traitement ne soit trouvé ; je ne peux pas croire que tu as fais ça ! ».

-          « Tu ne comprends rien à rien Henry Crawford ! D’ici la fin du mois, tout au plus, nous allons ouvrir – toi et moi – une nouvelle ère pour toute l’humanité ». Un léger voile flou passa dans son regard et je profitais de ce laps de temps pour saisir la sacoche à la volée et couru en direction d’un gros container jaune qui jouxtait le bâtiment le plus proche.

                         Malory ouvrit le feu. Combien de balles ? Je ne sais plus. J’étais entier, haletant derrière le container. La porte du bâtiment à quelques pas de moi était close. Je me saisis de l’arme de la sacoche et vit par la même que la radio à oreillette d’Aden se trouvait également là.

-          «  Je ne suis pas ton ennemi Henry, je veux partager ces moments avec toi. IL EST EN NOUS ! ».

                         Je mis la radio à ma ceinture et branchait l’oreillette sans pour autant allumer l’appareil. Un chargeur. Une quinzaine de balles tout au plus, allais-je savoir m’en servir au bon moment. Il fallait que je me calme. Les pas de Malory s’approchaient.

-          « Pourquoi vendre la souche bactérienne aux Chinois, ils l’ont déjà découverte, CA N’A PAS DE SENS !! ».

                         Je tirais trois balles dans la serrure de la porte et me précipitais – épaule en avant – sur cette dernière. Choc et douleur, j’avais regardé trop de mauvaises séries. Malory apparu soudain de l’angle mort le plus proche. Echange de tir, je me rabattais avec l’énergie du désespoir  derrière un autre container, rouillé celui-là. Je tâtais mon ventre par réflexe pour vérifier que je n’avais pas été touché. Rien.

-          « Pose-toi cette question Henry… Pourquoi suis-je encore en vie ? L’incubation du Pandora n’excède pas vingt-quatre heures et de nombreuses personnes sont déjà mortes », dit-il calmement tout continuant à me suivre à pas de loup.

-          « Tu es le patient zéro de ce pathogène ! », mes mains tremblaient mais je me remettais à courir et passais deux container plus petits vers une zone – hélas – plus dégagé.

-          « JE SUIS DEJA MORT HENRY !! », mon cœur s’arrêta un battement. Pourquoi croyais-je subitement que si j’arrêtais de fuir il ne me tirerait pas dessus. Il approchait.

-          « Personne ne s’en ai aperçu et je me suis réveillé dans l’avion ! Ce n’est qu’un sommeil, une torpeur temporaire dont tu ressens déjà les prémices. Tu vas mourir et te relever pour l’heure du jugement. A quoi bon fuir ».

-          « …Et nous saurons bientôt qui est le juste et qui est l’impure, c’est cela ?? ». Je ne bougeais plus, tout allait se jouer ici et maintenant. J’armais le percuteur de mon arme.

                         Malory n’avançait plus. Un silence annonciateur baignait l’endroit et les bruits du port paraissaient étouffés au loin. J’avais perdu la notion du temps, seul la mort m’obsédait à présent. La mienne, mais pas uniquement… Malory reprit la parole sans avoir avancé plus – du moins – je le supposais.

-          «  Ils sont en vie, tu sais ?!  Heathrow, l’université… et ailleurs. TOUS VIVANT ! je suis prêt à parier que cela défraie la chronique en ce moment à Londres. N’aimerais-tu pas savoir ? Ne penses-tu pas que tu fais fausse route mon ami ? ».

                         Non. Impossible… et pourtant. Quelque chose en moi voulait croire Franck Malory depuis le début de cette funeste journée. La radio. J’allais me mettre en danger si je prenais le temps de l’écouter. Plus un bruit. Il fallait que j’en ai le cœur net.

-          « Okay Franck, tu as gagné, je veux savoir ! », je sortais les mains en l’air et déposais l’arme au sol, «  J’ai une radio, laisse moi vérifier par moi-même tu veux ? ».

-          « ENFIN ! Te voila redevenu raisonnable », dit-il en me braquant une fois de plus avec son arme.

                         Je ne tentais rien à son encontre et mettais en marche délicatement la petite radio d’Aden. Elle fonctionnait encore ! Après quelques crachats, je captais le BBC World Service.

                         « …9h30 hier matin, le Premier Ministre se refuse à toute déclaration pour le moment et les autorités sanitaires nous assurent que l’infection à été circonscrite dans un périmètre restreint autour des trois foyers principaux de Malet Street, Hounslow et Southfields ».

 

-          «  Southfields ? ».

-          « Il fallait bien que je passe prendre quelques affaires Henry ! ». La tête me tournait et je vis des étoiles en plein jour.

                         « …incroyable que cela puisse paraitre, les malades déclarés cliniquement mort il-y-a trois heures se sont réveillés il-y-a peu nous dit-on… ATTENDEZ !! L’Hôpital centrale ou séjourne le plus gros des infectés serait en proie à une attaque terroriste. Nous… Nous avons quelques difficultés à… ». Malory m’arracha la radio des mains. Il avait rangé son arme.

-          «  Tu vois, je te l’avais dis… CA A COMMENCE !! Nous sommes à un tournant historique de notre siècle, Henry, tu saisis ce que cela implique… Je ne suis pas un désaxé qui croit avoir entendu sonner les trompettes de Jéricho, CROIS MOI !! ». Malory se cramponnait à mon bras maintenant, la radio tomba et se brisa sous le choc. Mon souffle devenait court, je sentais que je pouvais défaillir à tout instant. Je devais…

-          « Tu croies vraiment que je voulais laisser cette découverte majeure au Chinois ? J’ai renversé des fioles dans la salle de transit de l’aéroport à Londres pour que tout le monde profite de ses bienfaits… Tu imagines ?? plus de maladie ! plus de souffrance ! ». Je repoussais violement la poigne de Malory.

-          « TU ES FOU A LIER !! ».

-          « Pandora va se répandre sur le monde tel une nuée bienfaitrice, une telle manne ne pouvait être vulgairement racheté par les Chinois, tu comprends ? Ils voulaient que je récupère tout pour que seule leur souche subsiste. Je vais leur vendre… mais ils ignorent que je l’ai déjà répandu. Cela pourrait venir de n’importe quelle autre université, ils croient nous avoir tous acheté, ILS SE TROMPENT LOURDEMENT ! ».

                         C’était fini. Dans un dernier effort, j’armais mon poing et envoyais un uppercut du droit dans la mâchoire de Malory. Il resta debout un instant la surprise se lisant dans ses yeux et tomba à la renverse. Je fuyais de plus bel, j’en oubliais la sacoche, l’arme, tout… A quel moment les ténèbres m’ont pris ? Je ne me rappel plus précisément. Dans mon délire, mes jambes me portaient toujours. Je courais. Je fuyais ce cauchemar à perdre haleine. Je courais avec la mort aux trousses, je pouvais presque la voir. Il fait si beau… pourquoi ce ciel si bleu ? À peine une brise. Je suis bien.

-          «  Incorrigible ! », une voix me parvenait du lointain, «  Tu es incorrigible ».

-          « Fr… Franck ? ».

-          «  Nos amis sont là à présent, ils veulent te parler, tu seras ma caution Henry ! ».

                         La lumière m’aveuglait. Je regrettais aussitôt les ténèbres. Malory avait bandé sa blessure mais il avait toujours l’air mal en point. Il-y-avait ces yeux jaune… comme un ictère. Anémie ? Défaillance hépatique ? J’en doutais. Avais-je moi aussi ces yeux là ? Trois hommes de petite taille me saluèrent alors que Malory m’aidait à me relever. L’état de nos deux tenues témoignait de l’affrontement passé. Froissées et tachées de sang, je me demandais comment nos hôtes nous considéraient. Ils demeuraient impassibles.

-          « Bonjour Mr. Crawford », dit le premier, « Nous avons beaucoup entendu parler de vous, c’est un honneur pour nous de vous rencontrer, vous et Mr. Malory ».

-          « Si vous le dites ! », Je massais mon crane et m’éloignait de Malory, « Que voulez-vous ? ».

-          « Mr. Malory nous a signifié que vous étiez une équipe de trois sur le Projet Pandora à Londres. Vous avez atteint le stade deux des expérimentations puis Mr. Malory vous a dérobé le matériel et est venu à ce rendez-vous… Est-ce bien ce qui s’est passé ? ».

-          « Oui, c’est bien ce qui s’est passé… ça et quelques meurtres ».

-          « Parfait ! Voyez-vous, Mr. Malory s’est quelque peu trompé sur nos intentions Mr. Crawford. Votre souche nous intéresse, mais VOUS plus encore ». J’avais récupéré mes esprits mais j’aurais préféré qu’il n’en fût rien. Les trois hommes qui nous dévisageaient avaient les yeux jaunes.

  • Merci à vous deux pour vos commentaires.
    Il est vrai que je l'ai posté un peu vite. J'ai agis sous le coup de l'impulsion ; advienne que pourra.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Lionvert

    abelard

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