Papa

willofchange

Nous avons parfois une manière brute de pomme dans nos réactions instantanées et elle nous montre la vie d’une façon. Et si nous changions cela pour prendre le temps de la voir peut-être différemment.

Nous avons tous eu une enfance plus ou moins heureuse mais cela ne se comprends que bien des années après.


Il faut savoir que mon père était un homme intelligent, cultivé et directif et qu'en tant que bon mâle alpha d'origine sicilienne, il était dur mais juste et qu'il fallait l'écouter et retransmettre ses demandes, faute de quoi il faisait son rôle d'éducateur.


Il n'était pas pour de longs discours ou de longues explications et comme son enfance n'en avait pas été dotée, il n'en mettait pas dans la sienne.

Comme tout enfant, je n'avais pas toujours été un modèle d'exemplarité et de ce fait en tant qu'aîné, j'en avais subi l'apprentissage et les erreurs que commettent certains parents dans leurs débuts.


J'avais malgré certains souvenirs difficiles bénéficié d'un commencement de vie heureux, après tout le bonheur est perçu différemment selon chacun.

Ce passage indocile avait fait que nous avions mis environ une vingtaine d'année à avoir une vraie complicité père/fils.


Étant militaire et vivant des moments très durs en missions extérieures à ce moment là, la cellule famille du régiment dont je faisais parti avait contacté nos proches pour rassurer l'entourage de ceux pour qui tout allait bien et annoncer les mauvaises nouvelles aux concernés.


Dès mon retour « c'était il y a près de dix huit ans et je m'en souviens comme si c'était hier », mon paternel était venu me voir pour me dire ces mots :

« Je t'ai connu bébé, enfant et adolescent, tu es parti de la maison depuis près de deux ans et je n'ai pas envie de passer à côté de ta vie d'adulte.

J'ai fais des erreurs c'est vrai, mais pardonne-moi, et si tu le veux bien, repartons sur de nouvelles bases à partir d'aujourd'hui. Tu es d'accord ? »

Pour la première fois de ma vie, je le découvris penot et voyais ses grands yeux bleus se remplir de larmes.


De le voir se dévoiler et se confesser comme cela me touchait profondément et avec ce que je venais de traverser je n'avais rien pu dire ou faire d'autre que de le prendre dans mes bras et le serrer très fort tout contre moi.


De ce jour là était née notre connivence.

Nous étions tous deux des solitaires, amoureux du sport et épicuriens et de ce fait, nous avions énormément à rattraper et partager.


Pendant plus d'une douzaine d'année, nous nous étions retrouvés et avions mis en commun nos jours de repos afin de faire des sorties sportives via des évasions de plusieurs heures en vélo de route ou alors pour nous retrouver autour de tablée intimiste ou familiale.


Il était devenu mon binôme de jeux, mon conseiller de vie, celui sur qui je me reposais pleinement et sur qui je savais que je pouvais compter à mille pour-cent.


Puis un jour, mon téléphone sonna alors que je travaillais. Un collègue de travail d'un village proche de chez les miens m'expliqua que mon père venait de tomber dans le coma et qu'il devait rapidement se faire hospitaliser.


Cette nouvelle me fît prendre des risques maîtrisés pour arriver sur les lieux très rapidement avant son transport vers un centre hospitalier et constater par moi même de ce qu'il lui arrivait.


Après plusieurs jours de léthargie et de soins, le corps médical lui trouvait un glioblastome de niveau quatre de la taille d'une balle de golf, soit une tumeur cérébrale au degrés le plus haut.

Cette annonce dramatique m'affaiblissait terriblement mais l'espoir qu'elle soit opérable me laissait malgré tout optimiste.

Je connaissais très bien le devenir de ce genre de tumeur mais je ne voulais pas croire que mon modèle puisse accuser suite à cela.


Quelques jours plus tard, il se fît opérer et tout avait été pour le mieux pendant près d'un semestre grâce aux différents traitements exercés.

Malheureusement, après près de six mois, il fît le même épisode de sommeil que la première fois, mais ce coup là, l'excroissance était revenue et faisait la taille d'une orange.


Il n'était plus questions d'opération car trop peu de temps c'était écoulé depuis l'opération passée et il était encore trop faible. Son spécialiste lui proposait donc différents protocoles américains « injections de produits tests fait contre signature de décharge » puisqu'il ne restait finalement que ce genre de techniques à essayer.


Commençait donc pour lui l'enfer des allers/retours thérapeutiques en taxi... et de ses dires, c'était très dur car la médication était douloureuse et qu'il se rajoutait le fait de voir le nombre de personnes qui l'accompagnaient se diminuer à chaque trajets, de vivre ça l'abattait moralement.

Le jour ou il s'était retrouvé seul lui avait fait prendre la décision d'arrêter les allés et venus pour débuter des soins à domicile.


J'avais consacré toutes mes nuits et jours de repos pour relayer ma mère qui affrontait ça seule auprès de lui.

Je l'aidait pour les repas, les toilettes intimes, les changes, lui tenir compagnie ou encore pour tout mettre en œuvre pour qu'il se sente le mieux possible.


Étant présent à ses côtés pendant ces longs mois difficiles, je l'avais accompagné pour aller voir différents spécialistes dont  notamment un psychomotricien à plusieurs reprises, je vous avoue que de le voir se consumer de jours en jours comme ça, lui qui était si intellectuel et réfléchit, m'affectait horriblement.


On nous avait proposé une aide à domicile pour nous soulager sur les derniers mois et celle-ci nous avait demandé pourquoi est-ce qu'on ne le mettait pas dans une structure spécialisée pour la fin de vie.

J'avais gentiment répondu à cette personne qu'il s'était pleinement occupé de mon petit frère et moi quand nous étions enfant et que je pouvais donc lui rendre la pareille.


Après quatorze mois de lutte alors qu'il ne se levait plus et ne parlait plus... Il décida de serrer les dents pour ne plus combattre et ne plus s'alimenter.


Ce jour là, j'avais profité d'être seul à ses côtés pour lui dire que je comprenais son choix et je lui avais exprimé toute ma gratitude quant à l'éducation qu'il m'avait prodigué, car même si nos débuts n'avaient pas été rose tous les jours, je pouvais être fier de l'homme de valeurs et de principes qu'il avait fait de moi.


Des larmes avaient coulées le long de ses joues et après lui avoir séché je lui avais prodigué une longue étreinte pleine de tendresse, de respect et d'amour.


Quelques jours plus tard, il nous quittait... Ce jour là me fît poser un genou à terre à son chevet, j'avais été terrassé par son dernier souffle et ce même si je savais que cet instant était inéluctable.


Aujourd'hui je suis père de trois garnements et je comprends désormais pourquoi il réagissait comme il le faisait.


Ce n'était en fait que par amour qu'il me refusait telle ou telle chose car il ne voulait que me protéger et non me restreindre.

Mais pour comprendre ça j'ai dû devenir père à mon tour et découvrir que la peur de ce qu'il peut arriver aux siens peut nous faire faire bien des erreurs.


Je m'en veux parfois de ne pas avoir pu profité plus longtemps de lui avant qu'il ne décline ou encore d'avoir pensé ce que j'ai pu penser du fait de ma jeunesse.


Les années sont passées mais le manque, la peine et son absence sont encore tellement présent... et ce même si nous mettons un masque adapté en fonction des situations que nous vivons ou des personnes amener à être à nos côtés selon les moments.


Je conclurai en vous disant de relativiser et de prendre soin de vous, des vôtres et de ne jamais partir d'une pièce ou quitter une personne que vous chérissez en étant fâché car on ne sait jamais de quoi demain sera fait...

  • Merci infiniment.

    · Il y a plus de 4 ans ·
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    willofchange

  • Une très jolie plume en Mémoire d'un bel homme.

    · Il y a plus de 4 ans ·
    40405 (2)

    Lady Etaine Eire

  • La remise en question n’est pas évidente pour tout le monde et lui a su le faire donc oui il a fait ce qu’il fallait en tant que père et je ne doute pas que cette décision a dû être difficile à prendre. Nous entendons tellement souvent, petits enfants petits problèmes, grands enfants grands problèmes... finalement ces quelques mots sont tellement vrais. Concernant mon choix sur l’aide à domicile, je pense qu’il n’y a rien de plus important que la famille, certes certaines personnes ne pensent pas comme moi et cet avis est en fonction du vécu de chacun mais pour ma part, j’apprends à mes garçons que le clan est primordial.

    · Il y a plus de 4 ans ·
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    willofchange

  • Votre père a fait ce qu'il fallait faire, se rapprocher de vous, ça n'a pas dû être facile mais il l'a fait, c'est formidable. Merci pour votre témoignage. J'apprécie particulièrement ce que vous avez dit à l'aide à domicile.
    Oui, devenir père c'est avoir peur pour ses enfants.

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Coucou plage 300

    aile68

  • Oui effectivement, chacun fait comme il peut avec son idée et son expérience de vie. L’important est que nous nous sommes rapprochés au fur et à mesure des années et ce malgré les difficultés de sa fin de vie. J’ai écris ce texte avec le cœur car il me manque terriblement et chaque jour qui passe j’ai une pensée pour lui.

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Default user

    willofchange

  • Un texte très touchant ! Au moins, vous vous êtes enfin compris tous les deux et avez partagés de très longs moments ensemble. Il est venu vers vous, oublié sa sévérité d'antan !
    C'est un baume pour vous alors qu'il est parti.
    Et c'est vrai, qu'il faut grandir, devenir parents pour vraiment comprendre la difficulté à élever des enfants. On essaie de ne pas faire d'erreurs, et l'on fait ce que l'on peut avec son ressenti.

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • oubliée.

      · Il y a plus de 4 ans ·
      Louve blanche

      Louve

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