Par amour

lylia

Aimer quelqu'un à en perdre la raison constitue-t-il un motif suffisant pour justifier la folie que peuvent atteindre nos actes ?

Certains diront que oui, que dans ces moments-là le cœur prédomine sur la raison ; d'autres diront que non, que même dans ces instants la raison doit demeurer la plus forte.
Avant je disais cela aussi, j'étais de leur avis, mais c'était avant, bien avant que tout arrive, bien avant cet événement qui a changé le cours de nos vies.

Aujourd'hui je comprends enfin cette maxime, « Le cœur a ses raisons que la raison ne connait point ». Oh oui, comme je la comprends...

Par amour j'ai changé, fait des choses dont je ne me serais pas cru capable. Par ce simple mot, j'ai changé.

Comment un seul mot peut-il évoquer tant de choses ? Ce mot, amour....amour impossible, amour éternel, amour tragique, amour fou, ce mot seul ne suffit pas et à la fois signifie tout.

Par amour je suis devenu un autre, celui que tu as voulu que je devienne, celui qu'il te fallait.

Tu as posé ton regard sur moi un matin, je me suis plongé dans leur éclat, et à cet instant j'ai su. 

Pour moi il n'y avait que toi, seulement toi, rien que toi. Tu m'avais redonné l'envie de vivre, de combattre, de croire en l'espoir. Je n'étais plus ce garçon insignifiant, que tout le monde ignorait. Je n'étais plus ce « stupide blondinet coincé » comme m'appelait ma chère sœur.

A travers tes yeux je devenais un autre homme, un homme fort et courageux. J'étais celui que tu admirais, qui te faisait rire, à qui tu pouvais te confier, celui que tu aimais. 

Un jour tu m'as confié ce secret, tu m'as dit que je t'avais changé, que tu étais devenue une autre, meilleure, et que tu croyais de nouveau en la vie. En souriant, je t'ai confié la même chose.

Car nous nous ressemblions : un passé commun, un père violent, une famille ne faisant pas attention à nos souffrances. Nous étions faits pour nous trouver, pour nous redonner espoir.

L'amour nous a tous deux changé, car de je nous sommes devenus nous.

Tu m'appartenais. Tu étais à moi, tu étais mienne. Rien ne pouvait nous séparer, du moins je le pensais, jusqu'à cette fameuse soirée...

Tu étais si contente d'y aller, à cette fête organisée par ta meilleure amie, dans ce bar branché où tous les jeunes voulaient aller. Souriante tu m'en parlais sans cesse, et je te regardais avec tendresse, content que tu t'amuses, de voir ta joie. 

Et ce soir est arrivé, tout était parfait, jusqu'à que nous soyons soudain séparés. 

Je n'ai pas vu ces hommes qui t'encerclaient, te menaçant d'un couteau afin que tu n'hurles pas, t'éloignant de la fête, du monde, de moi. T'entraînant dans ce sous-sol froid et glacial, et jouant ensuite avec toi de la façon la plus horrible qui soit.

Inquiet je suis parti à ta recherche, et finalement je t'ai retrouvé, mais il était trop tard, trop tard pour te sauver, le mal était fait.

Je n'ai pas su te protéger, alors que tu croyais en moi. Je ne suis pas venu à ton secours, alors que tu avais besoin de moi.

Lorsque je t'ai retrouvé ils quittaient la pièce, rigolant sur des allusions obscènes. Ils ne m'ont pas accordé la moindre attention alors que je pénétrais dans l'endroit de tes tortures.

Tu étais recroquevillée dans un coin, pleurant silencieusement.

Je me suis précipité, mais il était trop tard. Tu m'as écarté d'un geste brusque et t'es enfuie. Je n'ai pas réussi à te rattraper, je t'ai perdu dans la foule. Que ce serait-il passé si j'avais réussi à te rattraper ?

La colère et la rage m'ont envahies, je n'avais pas été là alors que tu avais besoin de moi. Je ne t'avais pas défendu. Mais que pouvais-je faire ? Si seulement j'avais agi.

Les jours qui suivirent furent un supplice. Tu t'emmurais dans le silence, rejetant ma tendresse et l'aide que je voulais t'apporter.

Tu m'as seulement demandé de te laisser tranquille. Mais comment pouvais-je te laisser ? Comment pouvais-je te laisser souffrir en silence ? Alors j'ai continué à être près de toi, respectant toutefois ton silence, mais pour que tu saches qu'il y avait quelqu'un à tes côtés, quelqu'un qui était là pour toi.

Je croyais qu'on arriverait à surmonter ça, je le croyais sincèrement. Comme je me trompais...

Un matin, venant te chercher comme d'habitude, tu n'as pas répondu aux coups de sonnette. Ce n'était pas dans tes habitudes, tu répondais toujours, alors pourquoi pas cette fois-là ?

Inquiet, j'ai glissé le double des clés que tu m'avais donné dans la serrure et ai ouvert la porte.

Je t'ai appelé par ton nom, mais tu ne répondais pas. Tu n'étais nulle part, il ne restait qu'une pièce, ta chambre.

Au moment de poser ma main sur la poignée, une sourde angoisse m'a étreinte, était-ce un pressentiment ?

J'ai ouvert et soudain je t'ai vu, allongée sur ton lit, des emballages de médicaments à coté de toi, des bouteilles vides par terre. 

Je me suis précipité vers toi, mais il était déjà trop tard. Je suis tombé à genoux en hurlant ton nom. Je venais de te perdre, toi, ma vie, mon espoir, ma moitié, mon amour.

J'ai serré ton corps sans vie dans mes bras, en pleurant, en suppliant que tu reviennes, que tout cela ne soit qu'un mauvais rêve.

Tu étais encore si belle..."La mort qui a sucé le miel de ton haleine n'a pas encore eu de pouvoir sur ta beauté" comme disait Roméo.

Et tout d'un coup j'ai vu ce mot, posé sur ta table de chevet, ce bout de papier avec ta fine écriture « Pardon, mais c'était trop dur. On se retrouvera là-haut. Je t'aime. ».

Il ne me restait alors plus qu'une chose à faire. Et qu'importait le temps que cela pouvait prendre, aussi ai-je pensé « s'il te plait, attends-moi encore un peu ».

Je les ai tous retrouvé, tes agresseurs, tes meurtriers. Tous sont morts. De ma main.

Par amour je suis devenu un meurtrier.

Par amour je t'ai vengé.

Ils le méritaient, et je ne regrette pas.

Tous sont morts, tu peux enfin reposer en paix.

Par amour je suis devenu un autre, j'ai changé.

Plus ne me retiens maintenant que tu es vengée, je peux enfin venir te retrouver. 

Devant moi l'arme que garde précieusement mon père, au cas-où comme il dit. 

C'est si simple à présent, je sais ce que je dois faire pour être enfin soulagé, pour ne plus souffrir de ton absence.

L'arme pèse dans ma main, le métal froid se réchauffe peu à peu au contact de la chaleur de mon corps.

Un instant de doute m'envahit, une ultime tentative de ma raison qui me supplie de reposer cette arme. Je ne l'écoute pas, balaie d'un geste ses suppliques.

Je vais bientôt te retrouver, et nous serons de nouveau ensemble.

Mon doigt est posé sur la gâchette, un geste et toutes mes souffrances prendront fin, un seul geste, un simple geste.

Je réunis le courage nécessaire, bientôt je reverrai ton sourire, te serrerai dans mes bras, et te dirai à quel point je t'aime.

J'arrive....

  • On ne peut ni juger celui qui venge, ni lui en vouloir, bien que la vengeance n'apporte pas la paix, à mon sens...

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Oui, vous avez tout à fait raison, bien que la vengeance n'apporte pas de réelles consolations, il est pourtant difficile parfois de juger celui qui l'a faite (selon les situations)
      Merci pour le commentaire! :)

      · Il y a environ 8 ans ·
      F%c3%a9e

      lylia

  • Merci beaucoup! Je m'empresse d'aller voir vos textes

    · Il y a presque 10 ans ·
    F%c3%a9e

    lylia

  • Joli texte. J'ai abordé le même thème avec deux variations différentes : http://welovewords.com/documents/salissures

    · Il y a presque 10 ans ·
    Couv2

    veroniquethery

    • et l'autre version : http://welovewords.com/documents/nouvelle-annee-1

      · Il y a presque 10 ans ·
      Couv2

      veroniquethery

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