Parce que j'aurai toujours plein de choses à lui dire

Cher Cousin,

Voilà trois mois que tu nous as quitté. J'hésite à dire "seulement", tellement j'ai l'impression que ça fait une éternité. Mais j'hésite également à y croire. Mon cerveau est en pleine confusion ! Je ne m'y fais pas, je n'y CROIS pas ! Pour moi, tu es toujours là...

Je vais encore et toujours me répéter: on ne se connaissait plus. Toi et moi ça s'est arrêté vers les années 2000. La dernière fois que nous nous sommes vus, c'était en 2009, à l'occasion de l'enterrement de la tante de nos parents. Je me rappelle de nos regards... On se dévisageait. Nous nous découvrions mutuellement dans nos corps d'adolescents. Une lueur scintillait dans nos yeux. Était-ce une espérance? Une envie inconsciente de se connaître à nouveau? Les regrets de ne pas s'être vus durant tout ce temps?

C'est la dernière image que je garde de toi. Mon petit cousin devenu un beau grand jeune homme. Tu es parti trop tôt, certains disent que tu y es pour quelque chose. Ca me fait mal d'entendre ça. Mais ça doit être vrai...

Et ça fait trois mois que je t'écris ces lettres. Ca me soulage, même si je sais que tu ne les lis pas et qu'il est trop tard pour apprendre à se connaître. Je te raconte ma vie sans pouvoir connaître la tienne. Les photos qui défilaient à ton enterrement m'en ont appris un peu plus sur toi mais ça ne m'a pas aidée à te connaître toi, à savoir ce que disait ou pensait ton petit coeur d'homme. Je ne sais rien de toi. Aimais-tu lire? As-tu été amoureux? As-tu eu des petites amies? Qui était là pour toi quand tu étais mal? Acceptais-tu ce petit soucis familial qui fait qu'on ne se voyait plus? Te forçais-tu à ne pas me parler ou y étais-tu obligé?

Ces questions me trottent moins dans la tête qu'avant. J'ai fini par accepter les faits, même si, quand j'y pense, je n'y crois pas, je n'ARRIVE PAS à y croire.

Après avoir nié ta mort, à avoir cru à une mauvaise blague, le temps des regrets est arrivé... la colère aussi. J'aurais pu te faire lire mes histoires. J'aurais voulu que ces petits déjeuners devant la télé continuent. J'aurais dû te faire jouer aux jeux que j'inventais. J'aurais dû vivre plus de choses avec toi, PENSER plus souvent à toi.

A force de ne pas penser à toi, il me reste très peu de souvenir dans ma mémoire. J'aurais dû jouer au foot et aux Action Man avec toi, faire des spectacles avec toi, te faire des cadeaux, continuer de te parler sur MSN. On aurait dû venir souper au restaurant dans lequel tu travaillais ! On l'avait prévu, tu sais...

Mais aujourd'hui, toute cette colère et toute cette tristesse s'en sont allées. Aujourd'hui, j'avance ! Par moment je craque, mais c'est normal. Je suis humaine, comme tout le monde.

La chose la plus dure à accepter fut que tu sois parti avant moi. Mais comme on ne se voyait jamais, au fond c'est comme si tu étais encore là mais qu'on ne se voit toujours pas. J'ai cette image dans ma tête: le corbillard qui arrive et moi qui m'effondre en larmes en le voyant. Mais rien à faire... Je n'y crois pas. Ce n'était qu'un mauvais rêve.

Pourtant, après ça, ma famille s'est mise en mode nostalgie en regardant les vidéos de quand on était petit. Et je nous ai vus, tous jeunes et innocents. Tu me parlais, tu t'amusais à me foncer dedans en vélo. Et ça me faisait mal de voir tout ça !

Et aujourd'hui, c'est comme si je sortais d'un mauvais rêve. En fait, tu es toujours là mais je ne te vois pas. Peut-être que tu t'amuses à hanter des gens. Peut-être que tu lis mes écrits sans que je le sache. Peut-être es-tu à côté de moi au moment où je t'écris cette lettre.

Ou peut-être pas.

Quoiqu'il en soit, malgré toutes ces histoires de famille, je veux que tu saches que mes cousins ont toujours beaucoup compté pour moi. Il en va de même pour ta soeur et toi. Quoiqu'il se soit passé dans cette famille, j'aurais toujours été là pour toi. Je t'aurais défendu, écouté, consolé.

Enfin, la dernière chose que je veux que tu saches,

c'est que je t'aime.

Amélie