Parenthèse suspendue à Atlanta
floruspocus
Voilà, j'ai trouvé ma table et ma chaise de travail. Bien sûr, je cherche un endroit confortable avec une jolie chambre pour me reposer mais ce n'est pas affalée dans mes draps qui sentent la nuit que je vais finir d'écrire mon récit. Parmi toutes les photos de cet univers raffiné, c'est cette petite table bleue qui a finalement appuyé mon choix. Je compte rester deux semaines suspendue dans les arbres à ne pas savoir à quelle heure je dois dîner et si c'est raisonnable d'aller me coucher avec les premiers rayons du jour. L'espace sera agencé différemment quand j'y serai, je sortirai le coffre blanc qui est actuellement sous la table, il me servira de table d'appoint pour poser mes hot-dog quotidiens et mon thé Orange Jaïpur directement importé de mon Carrefour Express (les courses là bas étant une partie très optionnelle du programme). Il y'aura mon cahier de culture aussi à côté. J'y note tout ce qui s'apparente au savoir comme la liste des planètes gazeuses mais aussi des blagues ou qui était l'ange Gabriel. Ma cabane a vraiment tout ce qu'il faut, fortement pourvu en chaises, je pourrai soit en changer tous les jours, soit jeter mon dévolu sur ce genre de fauteuil Voltaire vert foncé, mon séant bénéficiera de toute la générosité de l'espace pour y déployer sa largeur.
Et ah oui, j'aime beaucoup les petits lampions enroulés le long du pont, j'ai hâte que ça soit la nuit pour me précipiter d'allumer la guirlande qui donnera la dernière touche de fragilité à ce temple suspendu. Je sais déjà qu'entre deux pages d'écriture, j'irai me dégourdir les jambes sur les planches vacillantes, je mettrai mes deux bras perpendiculaires à mon corps pour faire semblant de m'assurer un équilibre à peine en danger. Oh ce que j'ai envie de prendre soin de cet endroit, de tirer doucement les rideaux en lin, de me faufiler délicatement dans les draps sans défaire le lit pour être bordée sans effort, au moins les deux premières nuits. Mais c'est où en fait ? A Atlanta, ah bon ?! Je ne me suis à aucun moment posé la question de la localisation de ces deux arbres comme si je pouvais plier et déplier nonchalamment mon habitacle. Ça me va très bien Atlanta, il faut juste que je vérifie que ça ne soit pas au bord de la nationale. Je ne connais que les J.O d'Atlanta donc un amas de béton et autres citadineries viennent napper mon pôle imagination. Tout-va-bien-c'est-dans- l'Atlanta- Memorial-Park !
Je prendrai un gros pull, celui dans lequel je ressemble à un ours polaire, au cas où le milieu serait très hostile et qu'il faille me défendre sans vergogne. Voilà, je suis à quelques heures de m'approprier ce lieu, je suis intimidée par cette rencontre. Imagine, il y a du vent et ma cabane trop frêle ne pourrait pas supporter le poids de mon installation. Je souhaite qu'il y ait un mini-orage que je transformerai en gigantesque tempête de grêle avec peur et épouvante à l'appui. Ou alors, je reviens et j'ai rien écrit à force de me construire un mythe autour de l'écrivain inspiré parce que reclus. Mais non impossible ! Je vais contempler ce lieu de toutes mes forces et faire corps avec l'habitacle, j'espère être à la hauteur de ce qui m'attend, trouver la justesse de l'émotion et le privilège de la sensation. Je m'imaginerai aussi combien de personnes ont atterri dans ma cabane, par quel hasard et qui sont-ils, je vivrai encore une fois la curiosité de partager un lieu et un vécu avec des inconnus transitoires.
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