PAS A PAS

Laurence Marie Legrand

C'était encore comme au premier jour.
J'étais fier de ses atours.
Mais les crises ont commencé à le plier.

Puis d'urgence il a été hospitalisé. A cet instant là je n'était plus maître
du parcours qu'effectuait la bête.

Elle a mordu et déchiqueté avec ses mâchoires acérées. J'ai supporté sans broncher afin que les hommes puissent la retirer.

Dans le coma elle m'a plongé, elle m'a fait chavirer. Mon enveloppe se perçait de sondes immondes et de liquides obscurs d'où s'installait la torture.

Je traînais la patte et l'esprit dans les couloirs de nuit, des kilomètres j'ai fait sans bruit.
Juste un fil me tenait à la vie.

Chaque matin je me levais pour aller admirer ce soleil qui m'avait permis de venir encore le regarder briller.
Dans la solitude de la maladie, vous avez deux amis : l'espoir et la volonté.
L'attente et la fermeté.

Les larmes m'ont lavée, désinfectée, soulagée et m'ont autorisée à crier, hurler pour évacuer.

Cette Gorgone m'a piqué cinquante cinq fois de ses aciers effilés. Ses morsures ont été soignées à vif, en serrant les dents sur le passé.

Il fallait que je m'en sorte tatouée maintenant d'un glyphe.
A l'infini, mon corps et mon esprit sont brûlés par cette gravure de mon ventre à jamais mutilé.

Je suis une handicapée du passé, je suis devenue autiste de la réalité.

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