Pen Bron 1964
croisic
Il y a un cimetière mystérieux avec des tombes d’enfants, là bas sur le chemin des marais.
Et puis des petits os et des petites crottes rondes dans l’herbe… sûrement les restes des enfants assassinés par les geôlières avec leurs ‘mouettes‘ en coton blanc amidonné, enserrant leurs têtes sévères et leurs longues robes noires qui claquent à chacun de leurs pas.
Il y a les messes matinales – à jeun - ... et Jésus le fruit de vos entrailles...
Mais aussi des draps séchés à plat sur les chardons, qui dans le lit, sentent le soleil et le sable, mais, piquent sournoisement les jambes dénudées par la chemise de nuit rugueuse et trop courte.
Il y a les grandes marées qui elles aussi vomissent le fruit de leurs entrailles et recouvrent la plage jusqu'aux chevalets de fer et de béton – sentinelles grises qui veillent jour et nuit sur cet ailleurs où je suis enfermée.
Il y a les bains glacés dans cette mer étrange.
Et il y a les odeurs d'iode et de vase qui se fracassent à mi-chemin entre le grand large et le grand mystère marécageux.
Et la gymnastique corrective – très corrective- des heures, les bras en croix, suspendue à l'espalier !
Il y a l’abbé affectueux - très affectueux – qui préfère me confesser dans la sacristie, en me caressant les fesses tout en marmonnant des mots incompréhensibles et chargés de son haleine fétide.
Les parents absents, trop absents.
Il y a le dortoir, où les plus grandes me font toucher leurs pubis soyeux dans le noir.
Il y a aussi ces couples étranges sur la plage, qui s’embrassent à pleine bouche, qui rient à gorge déployée, qui courent dans les vagues et baissent leurs culottes pour offrir leur cul à la mer.
Mon père est mort.
J’ai trouvé la lettre sur le bureau de Sœur Lucie, je l’ai dérobée et lue. Puis je l'ai remise à sa place.
«Ma Sœur,
Mon mari est décédé… il faut l’annoncer en douceur à ma fille».
Dorénavant, ce sont mes rêves, qui la nuit deviendront MA REALITE, les jours sont des cauchemars dont je ne peux m'échapper.
Je suis devenue muette et un énorme herpès me défigure.
Sœur Lucie me dit : Dieu a rappelé ton père à lui. Tu ne dois pas pleurer.
Je ne pleure pas. Je fais pipi au lit.
J’ai volé des bonbons et un ballon dans le bureau de la Mère Supérieure.
J’ai mangé les bonbons et caché le ballon dans le sable du petit cimetière pour que les enfants jouent et pleurent avec moi.
Il y a... J'ai toujours aimé ce texte aux images fortes, douloureuses mais si bien exprimées.
· Il y a presque 14 ans ·dusha
C'est un très beau texte. J'ai été touché par les évocations où l'on passe de paysages naturels aux paysages intérieurs, par la présence et l'absence en toile de fond, le rapport à la nature et au sexe qui s'éveille (parfois douloureusement !). Et, j'adore la phrase de fin, elle réunit la présence et l'absence dans un même rêve éveillé.Définitivement beau...
· Il y a presque 14 ans ·jones
Terrible! Un coup de coeur pour moi aussi!
· Il y a presque 14 ans ·pointedenis
Glauque, nostalgique, douloureux, cynique, triste, poétique, léger, plombé, plombant, mais l'alchimime tient et joue à se transformer en or. Bravo!
· Il y a presque 14 ans ·eukaryot