Perdu dans le palais des glaces (+ audio)
Caïn Bates
Quand j'étais petit, je suis allé dans une petite foire qui était quasi déserte. Au delà du chasse-taupes, niché entre le train fantôme et un stand de tir à la carabine, se trouvait un gigantesque palais des glaces. Malgré les avertissements placardés à l'entrée, je suis tout de même entré dans cet antre de la perdition.
Au début, tout se passait bien, je progressais lentement mais sûrement, me concentrant sur mes pas plutôt que sur les surfaces réfléchissantes jonchant le chemin. Je regardais régulièrement ma montre pour évaluer ma progression. Des voix commençaient à résonner entre les miroirs, d'autres personnes s'y étaient aussi aventurés.
Six heures que je suis perdu dans ce complexe, je n'y ai encore croisé personne. J'entends des voix crier à l'aide, des cris de panique, des murmures désespérés. Je m'adosse à un miroir en me laissant lentement tomber sur le sol, mes jambes me font mal, mes poumons me brûlent. En relevant la tête, je fais face à mes nombreux reflets dans le miroir, ils me dévisagent tous, ils me parlent, ils me rassurent, m'encouragent à sortir rapidement, me disent que l'oxygène va manquer, que je vais probablement mourir ici, seul, comme toujours. Quand je decide de me relever, je ressens une étreinte qui m'empêche de me redresser. Dans le miroir, je croise son regard, mon regard, il m'a attrapé, il va me tuer. Et tout les autres vont le regarder faire, personne ne va l'en empêcher, personne ne sait où je suis, personne ne sais qui il est, ils ne le sauront jamais.
Quand j'étais petit, je faisais régulièrement ce cauchemar, j'étais seul, perdu dans le palais des glaces, niché entre le train fantôme et un stand de tir à la carabine, au delà du chasse-taupes. Et encore maintenant, en regardant dans les miroirs, il m'arrive d'apercevoir mon corps sans vie, adossé à une surface, les lèvres bleues et le visage blanc. Car, tout les autres m'ont regardé faire, personne ne m'en a empêché, personne ne savait où j'étais, personne ne savait qui j'étais, vous ne le saurez jamais.