Pérégrinations d'épaves
yl5
Mal arrimé au quai délabré d’un port hanté, un vieux poète, fou de mer, démonté par sa demi-douzaine de Villageoise a encore l’attitude qui l’emmène invariablement à douze degrés à l’ouest ; il exhale vers les badauds ébaubis tel un fantôme de comptoir pour certains de belles balijulesvernes.
« Toute mer navigable recèle parsemées en ses tréfonds et ses rives des épaves, cadavres d’embarcations dont certaines vécurent en liberté, en toute illégalité. Laissées à elles-mêmes par des marins désemparés les ayant désertées avant leur naufrage, ballotées par le vent associé aux courants, elles voguent parfois encore longtemps, avant d’atteindre l’au-delà des coches d’eau.
Gloire à l'Almacummings ! Ce schooner qui a sillonné l'Atlantique durant près de six cents jours, franchissant lors de son escapade en solitaire près de huit mille kilomètres. Il avait chargé en janvier 1895, à Port Royal en Nouvelle-Ecosse, des billes d’épicéa destinées aux menuiseries de Boston. En février suivant, Il fut touché par un terrible blizzard qui lui brisa les mâts. L'équipage paniqué fut recueilli par un vapeur dolent, laissant le bateau arasé mettre seul les voiles. Ce dernier croisa au creux de la vague un grand vaisseau, dont le capitaine, pour éradiquer cet écueil errant décida de l'incendier, mais sans grand résultat, tant sa coque était gorgée d'eau. Il gagna quelques mois plus tard les eaux chaudes sous l'Equateur, s’échoua sur la côte de Colon, où il fut froidement dépouillé par les ébénistes locaux, ravis de cette aubaine.
Gloire au Fannie G-Wolston qui a fait mieux, en musardant quatre ans dans l'Atlantique, affichant près de quinze mille kilomètres au compteur. Abandonné le 15 octobre 1891, au cap Hatteras il monta vers le nord poussé par le Gulf Stream, puis une tempête le chassa jusque dans la mer des Sargasses, où il divagua deux ans avant d’être porté ensuite vers la Floride, puis le Nouveau Jersey resté sa dernière adresse.
Mais jusqu’à preuve du contraire, il semble que la plus grande vedette en terme de navigation soit toujours la propriété du voilier Florence E. Edgett. Au cours d’une tempête dans l’océan Pacifique, le 17 septembre 1902, alors qu’il transportait un chargement de bois canadien destiné à Buenos Aires via le Cap Horn, il démâta.
Durant un mois l’équipage tentera de le sauver, mais celui-ci est finalement abandonné alors qu’il se trouve à peu près sous le Tropique du Capricorne. Il va poursuivre sa route vers le sud, défier les Quarantièmes Rugissants, doubler le Cap Horn puis remonter l’Atlantique le long de l’Amérique du Sud, voir au loin sa destination initiale, traverser les Caraïbes, avant d’être enfin repéré dans la Mer des Sargasses en 1911, après un périple d’au moins onze mille milles.
Quant à moi, cela fait dix ans que j’erre, vous ne me connaissez pas et pourtant j’ai été le nègre d’un écrivain à succès à l’époque, puis rejeté et abandonné quand j’ai osé écrire sous mon propre pseudonyme. »
J'aime beaucoup, beaucoup, beaucoup ces dérives de galions.
· Il y a plus de 11 ans ·CDC parce-que ...c'est bon...
lyselotte
Bravo,cela se lit d une brasse,d une vague,un peu com une mer d huile,heu,corail d une Olive de Kers,O,son,narrée marée tel que dans son,Océan s songs,Bonne ancre craie jetée sacrée soirée,.
· Il y a plus de 11 ans ·Fil,Hip,Oohhh, 18 Rockin Cher
Il existe des bouteilles de villageoise millésimée pour les DOM TOM ( le picrate des Caraïbes) elles étaient servies aux écrivains esclaves des galères qui bénéficiaient de petits avirons appelés ramettes.
· Il y a plus de 11 ans ·yl5
Les bateaux-négriers existent toujours en littérature alors? Texte dépaysant, maritimement poétique et intéressant d'un point de vue historique (La villageoise est un picrate disparu il me semble non?)
· Il y a plus de 11 ans ·arthur-roubignolle