Perséphone : Les conversations d'un monde (1)
Mathilde En Soir
Mon très cher Amyas,
En ces temps difficiles, je me tourne vers toi. Il faut que tu m'aides. Voilà plusieurs mois que ma fille se mure dans un silence qui me terrifie. Suite au décès de son mari, tu te souviens peut-être, un de mes anciens collaborateurs nommé Hans Ravenoft, les jours se suivent et se ressemblent. Je suis venu vivre temporairement dans leur résidence après les obsèques afin de l'accompagner dans son deuil. Je croyais naïvement que cette transition aurait cessé lorsque les formalités administratives auraient été achevées. Mais il n'en est rien. J'avoue m'être trompé. Les démarches notariales, les visites des proches de feu mon gendre, les brèves paroles de réconfort, tout semble continuer, inlassablement, comme dans un long cauchemar. Elle ne souhaite pas aller de l'avant et ne m'écoute plus. Si tu savais dans quel état émotionnel je suis. J'ai peur de lui faire du mal. Je ne sais même pas où trouver le courage pour t'écrire.
Etant un psychiatre de renom et un homme de cœur, tu pourras peut-être réussir là où j'ai lamentablement échoué. Je suis désolé de ne pas t'avoir contacté auparavant, mais comprends-moi : je me sens impuissant face à sa déchéance. Comme elle ne me parle plus, j'ai échafaudé un plan pour vous faire vous rencontrer. Lundi prochain, je me rends à Paris pour un sommet politique. Je ne conçois pas de laisser ma fille seule chez elle dans son grand manoir si sombre et si triste désormais, où traînent tous les souvenirs d'une vie écourtée. Mais si je lui fais si mal par ma présence ... Pourrais-tu t'y rendre cette même journée afin de lui apporter un soutien ? Je suis sûr que tu trouveras les mots justes, ceux d'un médecin assermenté mais aussi d'un homme bien, pour l'apaiser. Elle a tant besoin de tendresse depuis ces derniers mois. La tendresse d'un père n'est plus suffisante. Il lui faut quelqu'un d'inconnu, un professionnel impartial pour faire disparaître ses maux. Tu l'as vue il y a longtemps, elle devait avoir 18 ans. Elle en a désormais 25. Elle est si fière et si douce à la fois.
Amyas, je l'adore et je m'en veux. Je n'ai pas suffisamment pris soin d'elle. Mon travail, mes responsabilités étaient mes fiertés, mes sources d'inspiration, mes atouts. Aujourd'hui, je me rends compte que j'ai commis bien des erreurs, notamment en l'envoyant dans une pension durant sa jeunesse, en l'éloignant loin de moi. Mais tu le sais toi, elle n'est ni de ma chair, ni de mon sang. Elle ne me voyait à cette époque que comme l'intrus qui a volé sa mère à son père. Si tu savais à quel point j'ai aimé Dahlia ... comme j'ai aimé cette femme. Je les ai considérées comme ma famille toutes les deux. Mais le travail, toujours le travail. A la mort de Dahlia, tu as pu t'en apercevoir toi-même mon ami, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Eloigner cet être cher de ces souvenirs sordides était pour moi la solution la plus confortable, mais aussi la plus égoïste, j'en conviens.
Un beau jour, alors qu'elle venait de terminer ses études à Norfolk, voilà que Hans m'annonce qu'il est fou d'elle et souhaite l'épouser. Il s'agissait de ces brèves rencontres lors de ses quelques retours au domaine familial. Elle accepte sa demande, le mariage a lieu, tu as même été présent, je la crois heureuse.Je crois que tu n'as pas vraiment connu son époux ... Cela fait si longtemps que tu n'es pas venu à la maison ! Il faut dire aussi que je n'ai jamais voulu te raconter dans les détails ma vie privée, qui devient ma prison. Depuis son mariage, nos rapports n'avaient jamais été aussi simples. C'était le bon temps. Ils étaient venus s'installer près de ma demeure. Enfin, je sentais que le vent avait tourné en sa faveur.Néanmoins, cette situation de tranquillité allait se dissiper. Le coup de poignard a été plus lent et plus douloureux que je ne l'aurais cru ces derniers mois. Elle m'en veut alors que malgré mes actes, je l'aime et l'ai toujours considérée comme ma propre fille. Les nuages de la discorde sont revenus, et ses démons de petite fille la hantent. Tu pourras t'installer à ta guise dans sa demeure, je mettrai les domestiques au courant de ta visite. Tes frais seront à ma charge, même si cela ne te paraît pas convenable, je te dois bien ça. Je ne réalise pas toute cette mascarade pour moi, mais pour elle, sois en bien conscient. J'espère qu'en ta compagnie, elle trouvera la sérénité qu'une jeune femme telle qu'elle mérite tant. Si tu acceptes, ne lui dis rien. Prends bien soin de Perséphone.
Mes amitiés les plus sincères,
Zachary Dalvot.
Ps : Si tu acceptes ma proposition, rends-toi à l'adresse ci-dessous, vers 10 heures.
C'est magnifiquement écrit, celà donne vraiment envie de lire la suite, surtout avec la musique d'accompagnement que vous proposez.
· Il y a presque 9 ans ·valjean
Merci Valjean, la suite est en cours d'écriture, je n'adopterai pas toujours la forme épistolaire..
· Il y a presque 9 ans ·Mathilde En Soir
J'aime beaucoup ! coup de cœur pour cette correspondance.
· Il y a presque 9 ans ·Louve
Merci Martine. Il y aura une suite
· Il y a presque 9 ans ·Mathilde En Soir