Philo appliquée.

Hervé Lénervé

« L’argent ne fait pas le bonheur des pauvres… convenons-en ! » Coluche.

Richard, mon pote richman, m'avait prié de venir le voir pour une raison dont j'ai oublié le motif, ou l'inverse. J'arrivais devant son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine et je sonnais au portier.

-         Oui ?

-         C'est moi !

-         Qui ça, moi ?

-         Hervé, voyons tu m'as demandé de passer.

-         Ah, oui, je t'ouvre, referme bien derrière toi.

J'attendais que la grille motorisée se soit bien refermée, toute seule, derrière moi, avant de me planter devant la porte d'entrée en fer forgé de mon pote. Elle s'ouvrit après les cinq minutes de déverrouillage des multiples serrures de sécurité. Richard apparut dans l'entrebâillement.

-         Ah, c'est toi ?

-         Je viens de te le dire.

-         On aurait pu falsifier ton identité. Ça arrive souvent !

-         Ah, bon ?

-         Suis-moi, mais fait exactement comme moi et passe exactement dans mes traces.

Mon pote se met à quatre pattes et commence à remonter le vaste et luxueux hall de réception. Je le regarde surpris, mais je l'imite quand même, comme il me l'a dit.

-         Attention, là, c'est délicat, fait bien tout comme moi.

-         Mais on joue à quoi, au juste ?

-         Suis- moi, jusqu'à mon bureau.

Il se redresse dans une position plus digne aux bipèdes que nous sommes, puis il se contorsionne en se cambrant tel un toréador hautain dans son habit de lumière, ensuite il continue sa progression, mais en marchant en crabe dans une posture beaucoup moins avantageuse.

-         Tu vas m'expliquer toutes ces singeries à la fin.

-         C'est à cause de l'alarme.

-         Tu ne peux pas la couper ?

-         Si, bien sûr ! Mais j'ai peur d'oublier de la remettre après et c'est inutile, comme je connais toutes les places des détecteurs et la direction de leurs double faisceaux, c'est mieux ainsi.

-         Mais tu ne marches pas toute la journée comme ça, chez toi ?

-         Si pourquoi ? C'est plus sûr ! Tient, regarde on est arrivé et cette pièce n'est pas sécurisée, tu peux te redresser à présent.

Je ne me fais pas prier, pour reprendre une position plus confortable. La pièce non sécurisée est une salle sans aucun tableau de maître aux murs, ni tapis, tissés soie sur trames de soie, au sol, pas de mobilier d'époque que du tout-venant, venant directement d'Ikea, certainement, il y a encore les étiquettes des prix sur les chaises dépareillées. Je comprends mieux que la sécurité se soit relâchée, ici. Mon pote dit avec une expression malicieuse sur le visage.

-         Regarde, j'ai même trafiqué le prix des étiquettes, je l'ai mis en Francs.

Je regarde l'étiquette d'une chaise : « 2 centimes de franc ».

-         Effectivement, cela ne se vole pas, mais tu sais qui aurait l'idée de voler des horreurs pareilles ?

-         Oh, tu sais tout se vole de nos jours, il n'y a plus de respect, ni de déontologie chez les dépouilleurs, le métier s'est enfoncé dans la perdition pernicieuse de la perversion. On n'est jamais assez prudent.

-         Alors, tu préfères vivre comme un fauché entouré de merdes, plutôt qu'être à l'aise dans tes pièces richement décorées ?

-         On s'y fait d'être pauvre, ce n'est qu'une question d'entraînement.

-         Je poserai la question à des smicards, pour voir !

Après avoir eu la discussion sur le sujet qui nous occupait et dont j'ai toujours oublié le motif, ou l'inverse, mon pote me raccompagna par un autre chemin, mais encore plus périlleux, car il avait piégé le tracé avec des mines antipersonnel qu'il avait posées lui-même pour qu'aucun installateur ne puisse connaitre les emplacements. En l'embrassant, je lui dis.

-         La prochaine fois, passe chez moi, ce sera plus facile.

-          T'es fou, ou quoi ! Je ne sors plus d'ici, Je n'ai aucune confiance dans tous ces trucs électronique, quand je suis absent. Puis, j'ai revendu mes Ferrari, pas assez protégées.

-         Je comprends, c'est plus prudent.

-         Tu vois quand tu veux. Allez tchao Vé ! A bientôt !

On rentrant chez moi, je me suis posé très sérieusement la question suivante :

« Est-ce réellement une bonne chose que d'être riche ? »

La réponse me fut donnée une semaine plus tard quand on m'apprit que Richard était mort, il n'avait pas sauté sur une de ses mines, comme on aurait pu le supposer. Mais il s'était donné la mort avec son fusil de chasse, une très belle pièce d'ailleurs, à ces pieds une lettre motivait son acte.

« Je ne peux plus vivre avec tous ces biens à protéger, c'est trop pour un seul homme, autant en finir plutôt que de tout perdre. »

Maintenant une autre question me tarauda face à ce drame.

 « La valeur, d'une vie, se mesure-t-elle aux valeurs des biens que l'on risque de perdre ? »

Voilà, vous avez le choix entre ces deux questionnements pour votre épreuve de philo. Allez au taf ! Vous avez deux heures.

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