Piège mortel
carolo08
La nuit tombait. Anja était assise dans le train et observait les gouttes de pluie qui ruisselaient sur les vitres. Elle arrivait presque à destination. Tout ce chemin, elle l'avait fait depuis Offenburg pour se rendre à Strasbourg. Anja était une jeune femme d'environ vingt-cinq ans, vêtue d'une jupe en jean qui recouvrait ses collants noirs. Ses longs cheveux bruns remontaient à l'aide d'un chignon pour dégager son visage fin. Ses lunettes cachaient la couleur de ses yeux. Elle semblait pensive, voire agacée. Dix-neuf heures. Elle sortit du train et entendit l'annonce en allemand du départ de la prochaine ligne en direction d'Offenburg. En quelques instants, elle se retrouva sur le quai. Elle se retourna et chercha l'issue pour se rendre dans le hall principal. Elle se dirigea vers l'entrée nord puis fouilla dans son sac à carreaux noir et blanc. Elle saisit son téléphone mobile et consulta ses messages. Toujours rien. Elle leva les yeux et contempla la gare de Strasbourg qu'elle venait de découvrir. Le hall nord comportait plusieurs guichets automatiques et des écrans qui affichaient les horaires des trains au départ. La gare s'animait telle une fourmilière : les voyageurs se fondaient dans la foule. Certains couraient de gauche à droite et cherchaient leur voie désespérément. D'autres attendaient de bonnes occasions pour mendier argent ou cigarettes.Elle jeta un coup d'œil puis erra dans le hall. Tout au fond se situait un vitrail illuminé au travers duquel on pouvait apercevoir un blason, sans doute celui de Strasbourg. Une maquette de la cathédrale se dressait au bord de la vitre. Anja frissonnait. L'air frais qui pénétrait dans le bâtiment provenait de l'extérieur. Les va-et-vient des portes automatiques causaient ce souffle de fraîcheur. La jeune femme choisit de s'asseoir quelques instants puis consulta à nouveau son téléphone mobile. Elle avait enfin reçu le message qu'elle attendait. Elle soupira, l'air exaspéré, puis se leva. Elle aperçut une silhouette masculine en uniforme bleu marine et parut connaître l'individu en question. Elle se leva rapidement et le rejoignit. Ils se mirent à discuter :
— Que se passe-t-il, Anja ? demanda le jeune homme.
— Enfin, te voilà, Alex ! Il faut absolument que tu m'aides ! dit-elle, affolée.
— Je t'écoute.
— Un homme me suit partout et me harcèle ! Comme tu es mon meilleur ami et que tu es gendarme, j'ai pensé que tu pourrais m'aider.
— Que s'est-il passé exactement ?
— Eh bien, j'ai reçu plusieurs appels anonymes et une voix rauque me sommait d'apporter dix mille euros en petites coupures...
— Tu as prévenu la police ?
— Non, car l'homme m'a menacée de mort si je contactais la police.
— Bien, passe à mon bureau demain et l'on va régler le problème.
Ils prirent un café dans le hall principal pour s'entretenir plus tranquillement. 19 h 48 : Anja, l'esprit agité, attendit le train en direction de Molsheim. Un homme étrange au physique peu soigné l'aborda et interrompit le cours de ses pensées :
« — Vous avez pas cinquante cents ou une cigarette ? »
Elle répondit négativement et se dirigea d'un pas nerveux vers la voie... Le lendemain, à dix heures du matin, Anja se pencha vers la fenêtre et regarda à l'extérieur pour vérifier la température. Elle aperçut un véhicule qui stationnait non loin de chez elle. Un passant attira son attention : tout lui paraissait suspect. Tout était désormais source d'angoisse abyssale. Elle aurait voulu fuir cette réalité, disparaître loin de tout et de tous. Elle se souvint qu'enfant, elle devait surmonter tous les obstacles qui l'empêchaient de s'épanouir. Elle avait perdu ses parents à l'âge de treize ans. Ils étaient partis en voyage à Jérusalem, mais n'avaient ensuite donné aucun signe de vie. Elle avait compris qu'elle devrait apprendre à gérer seule l'entretien de la maison familiale et la poursuite de ses études. Anja avait été confiée à sa tante Suzann jusqu'à sa majorité. Tante Suzann néanmoins ne gagnait pas suffisamment d'argent pour assurer un avenir confortable à sa nièce. Anja avait alors choisi d'entrer dans la vie active, cumulant ainsi les petits boulots pour financer ses études. Elle rêvait de devenir archéologue et de traverser la terre entière pour découvrir les trésors cachés de la planète. Cependant, le destin lui avait réservé un tout autre avenir. Elle avait enchaîné les emplois saisonniers qui ne lui permettaient malheureusement pas de payer ses cours à l'université. Elle s'était résignée à abandonner ses projets et à se contenter de rester employée de la restauration rapide. Elle n'avait pas pour autant perdu l'espoir de réaliser son vœu le plus cher. Puis elle avait rencontré un charmant jeune homme avec qui elle souhaitait 3s'unir pour la vie. Quelques années plus tard, peu de temps après leur mariage, le mari d'Anja décédait d'une maladie grave. Elle croyait que le monde s'écroulait, mais elle était parvenue courageusement à vaincre son angoisse. Elle ne devait pas baisser les bras. Sa fille de deux mois avait besoin d'elle. Lorsqu'elle reprit ses esprits, Anja consulta sa boîte aux lettres et ouvrit le courrier qui s'y trouvait : « Si tu contactes les flics, tu es morte. Rendez-vous à la gare de Strasbourg pour déposer le fric » Elle sentit qu'elle allait s'évanouir et s'allongea quelques instants avant de se rendre à la gendarmerie. Elle hésita un moment puis pensa enfin que son ami allait la protéger. Elle déposa un canif dans son sac à main afin de se défendre d'une éventuelle agression. Anja se demanda où elle allait bien pouvoir trouver tout cet argent. Impossible. Il fallait absolument que son ami Alex l'aide. Elle monta à bord de son véhicule et se dirigea vers la gendarmerie de Strasbourg. Une Mercedes noire la suivait. Elle tenta de semer le conducteur, mais percuta un camion qui stationnait à sa droite. Anja était prisonnière dans sa voiture et ne parvenait pas à détacher sa ceinture de sécurité. À force d'acharnement, elle réussit à se libérer lorsqu'une silhouette masculine et imposante s'approcha d'elle. Elle ne put reconnaître l'homme en question. Il portait une cagoule sombre. La seule chose qu'elle avait remarquée était la noirceur effrayante de son regard. L'individu la sortit du véhicule et l'empoigna par le bras. La jeune femme se souvint qu'elle possédait un couteau dans son sac. De sa main libre, elle chercha désespérément à l'intérieur et saisit l'arme. Elle se débattit et planta le canif dans l'abdomen de l'agresseur. Ce dernier se plia de douleur et relâcha Anja. Elle courut le plus vite qu'elle put et atteignit enfin la gendarmerie. Elle demanda à voir son ami Alex puis elle se mit à sangloter :
— Anja, ça ne va pas ?
— Non ! Je viens de me faire attaquer par l'homme dont je t'avais parlé. Je l'ai tué !
— Mais comment est-ce possible ? demanda-t-il, choqué. — Je m'apprêtais à venir te voir lorsque j'ai vu une voiture me suivre. J'ai paniqué et j'ai eu un accident. L'homme m'a menacée et je me suis rappelé que j'avais un couteau alors je me suis débattue.
— Légitime défense. On va rédiger ta déposition. Quelques minutes plus tard, Anja sortit de la gendarmerie, raccompagnée par son ami Alex. Le jeune gendarme salua son amie et regagna son bureau. Soudain, un individu mystérieux s'approcha de la jeune femme. L'homme cagoulé traînait la jambe avec peine. Il était armé d'un revolver et menaçait les officiers. Alex entendit les cris et sortit du bâtiment, armé de son pistolet. Lorsqu'elle vit l'agresseur, Anja reconnut l'homme qui l'avait suivie et menacée. Elle hurla : « Alex, c'est lui ! Mais je l'avais tué ! » Alex réalisa qu'Anja avait juste blessé le malfaiteur. L'individu, hargneux, pointa son arme en direction d'Anja et boum ! Il tira. Puis il s'effondra sur le sol tellement sa plaie lui procurait une douleur insupportable. Alex passa les menottes au tueur et s'adressa à ses collaborateurs : « Vite ! Appelez une ambulance et coffrez-moi ce salaud ! » Anja était étendue sur le sol, les yeux ouverts, mais sans vie, ses lunettes brisées. La pluie, qui continuait de tomber, ruisselait sur son visage éteint. Tout à coup, une sonnerie de réveil retentit. Anja, en sueur, sursauta et se leva. Encore ensommeillée et perturbée, elle attrapa son téléphone et appela son ami Alex. Le jeune homme, nerveux, lui confia qu'il avait rêvé d'une scène effrayante...