PIRATES

Hervé Lénervé

Si vous aimez les histoires de corsaires, pirates et flibustiers en tout mauvais genre, vous pouvez lire celle-ci.

Toute ma vie, j'ai été un pirate, comme ils disent. Entre nous, on préfère s'appeler gentilshommes de fortune. Hommes, on l'était, certes, mais gentils, faut voir… par contre des fortunes on en a eu, puis elles se sont défaites dans nos guerres intestines, car voleurs, nous le sommes de générations en régénération et avec tous. La confrérie n'existe que lorsqu'aucun trésor caché de capitaines n'est a déterré.

Quand on a passé sa vie sur les flots, on ne voit pas les choses de la même manière que les terriens. On sent les vents, oui, les vents ont une odeur, ils peuvent être de mauvais présages : Orage, Ô désespoir, toi qui a sombré plus de navires que les boulets ennemis. L'odeur de la poix, du bois toujours mouillé, des remugles des cales, le bruit des drisses se mélangeant à celui des voiles qui claquent au vent et des mats qui souffrent en grinçant. La houle et le roulis pour quotidien, nous faisons tanguer comme des crabes gauches et maladroits sur la terre ferme, mais chancelante.

Entre marins, on se reconnait aux poignets de mains, car nos mains sont celles de la mer, rendues calleuses et rêches par les cordes et les embruns. Toute ma vie, j'ai porté des gants pour ne pas être trahi par un simple bonjour. Combien de capitaines, ô combien de flibustiers ont fini leur course pendus à la grand vergue, énucléés par les mouettes et les goélands.

Nous, hommes des Océans, on ne se fait jamais tout à fait à la vie sur le continent. A terre, nous ne sommes plus rien. Mon bateau s'appelait « Le Redouté » et diantre, il l'était pour les marchands. J'étais le Capitaine et comme tout bon capitaine, j'étais respecté, par peur plus que par mérite, de tout l'équipage, des marins sans honneur, ni parole, prêt à égorger un ami pour un mot mal senti ou une partie de dés.   

Aujourd'hui, je navigue plus, trop vieux, un luxe qui n'a pas été donné à moult gentlemen of treasures. Des trésors, j'en ai eu, je n'en ai plus ! Envolés dans le rhum et les filles de mauvaises joies aux mauvaises manières. Des aventures j'en ai eu tant qu'il m'est impossible de toutes me les rappeler, putain de mémoire vacillante comme celle de l'ombre des sirènes qui sonnent l'abordage ! Des peurs j'en ai tant ressenties que j'en ai oublié leurs tremblements dans mes chairs. Ma vie va s'achever paisible devant l'adversité du temps que nul ne peut combattre à coups de sabre ou de mousquetons.

Pourtant avant que de partir dans l'indifférence, mon général, je vais encore faire parler de moi. Je vais m'en prendre au Président du Monde, car je ne l'aime pas. Il n'en faut pas davantage, à nous les « hors les hommes », pour trucider, éviscérer et réduire à rien un individu, même s'il n'était pas grand-chose déjà, avant. Où l'on passe, les cadavres ne repoussent pas. Donc, je vais éliminer l'autre canard, que ses proches le pleurent, si bon leur semblent, les autres seront à en rire et à en danser d'allégresse!

Américains, vous pouvez, dore et d'argent, commencer à vous chercher un remplaçant, car le triste sire n'est déjà presque plus là ! Parole d'Hervé ! Je sais, vous allez me dire que je suis très vieux, et alors vous n'avez jamais connu de tricentenaires de votre vie, vous ?

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