Pitié(s)
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Desfois, j’ai besoin de casser la routine. Je ne peux tout renouveler d’un revers de main. Je déplace, donc, les objets. Des fois je m’appelle Lewan, Walen, Alwan. Mon ami voulait me faire plaisir. Tu t’appelles donc Halwan. Non, Alwan. Donc H…HHH…Halwan. Je prononce mieux comme cela ? Je souris. Il se blaise la gorge pour me faire plaisir.
Seul(s). Des solitudes infinies étaient réunies ce soir là au théâtre pour voir la pièce de Wajdi Mouawad. Comment dit-on Seul en arabe ? Comment dit-on Aimer en arabe ? Comment dit-on Mémoire en arabe ? Ces questions venaient de la scène ou de la discussion de la veille ? Je lui avais répondu que Volcan se dit Bourkan en arabe. Et que phonétiquement on pouvait entendre Barkan, Barkani, Assez, Arrête. Tout s’entremêle, sur scène, dans ma tête. Plein de couleurs. Alwan. C’est ainsi en moi, plein de détresse. C’est ainsi chez moi. Plein de bordel. Une bestiole sur l’assiette de la veille.
Les gens ne comprennent pas ma solitude.
Tu vis seule ? Comment? Tu dois avoir de sacrés défauts. Tu dois être insupportable à vivre. Tu dois être exigeante. Tu es du genre « jamais satisfaite ». Il faudrait que tu revoies ton barème. Sois un peu modeste ! C’est quoi tes critères ? As-tu essayé sur des sites Internet ? Ni à ton travail, ni dans ton parti, ni dans tes activités extraordinaires ? Ne serais-tu pas un peu aveugle ? Même pas des relations légères, avec des mecs ordinaires ? Que fais-tu de ton temps hormis le travail ?
Tous les soirs, je danse et j’écoute du Chaabi : le lien du sang
Tous les matins, je danse et j’écoute du Fayrouz : le lien du sein
La nuit ? Je rêve en arabe, en français, de créolité et dans tous les poèmes qui me font du bien.
Les week-ends ? Tantôt je cuisine comme je le sens, tantôt je danse, tantôt je pense mon dessein.
Faire un pas ?
Dans ma tête, j’en fais des milles et des cents.
Oui je sais, je suis jeune. Pourtant, j’ai encore, dans le nez, l’odeur du deuil et de l’encens.
Je ne sais pas. Je ne peux pas. Je ne veux pas faire un choix pour le moment. De toute façon, je suis lunatique. J’aime en hiver, j’oublie en été. Je suis de celle qui change en échangeant et qui oublie en s’oubliant.
L’horloge biologique ?
Comment ne pas trahir en se trahissant soi-même? Comment ne pas tromper en se trompant soi-même ? Comment laisser vivre en se privant soi-même de vivre ? Comment accueillir en vie un corps quand on fait tombeau de son propre corps ?
Quand te laisseras-tu aller?
Quand je réapprendrai à tenir une main, le dimanche matin en faisant le marché. Quand je proposerai un thé pour deux en fin de soirée. Quand il me préparera des tartines au beurre salé, à la confiture de figue ou de lait. Quand il me fera rêver dans sa langue préférée. Quand je pourrai l’enlacer dans le métro et l’embrasser sur la terrasse d’un café. Quand je ne me poserai plus la question de comment on fait ?
Quand je ne philosopherai plus sur les désastres de l'encouplement ou les vertues de l'enseulement.
J’ai appris à savourer les figues à l’âge de cinq ans.
J’ai appris à pétrir le pain à l’âge de douze ans.
J’ai appris à aimer à l’âge de dix neuf ans.
J’ai appris à divorcer à l’âge de vingt six ans.
J’apprendrai peut-être à être mère à l’âge de trente trois ans.
Très beau texte!
· Il y a plus de 12 ans ·Frédéric Clément
Pour moi c'est un coup de coeur !
· Il y a plus de 12 ans ·myos