Pixies aux Eurockéennes de Belfort - Le Maelström

P.M. Primo

Les légendes à l'origine du rock alternatif moderne sont de retour vingt ans après leur séparation. Et ils font toujours aussi mal.

         Je les attendais ... Je pense que s'il est un groupe de légende que je rêvais de voir depuis mes années de collège il s'agit bien des Pixies de Boston. Séparés en 1993 (j'avais -1 an à l'époque) je m'étais fait à l'idée de ne jamais les voir. Seulement voilà : 2014 accueille une reformation, un nouvel album (le décevant Indie Cindy) et une nouvelle tournée.

            Alors ce n'était pas les orages annoncés qui allaient me faire reculer ce soir-là. De lourds nuages noirs menacent la presqu'île du Malsaucy déjà embouée par les premières pluies de ce 4 juillet. Les K-Ways sont moites et collent à la peau des festivaliers. L'attente est longue mais peu importe : ce soir, je vois les Pixies.

            20h15, trois hommes chauves et bedonnants entrent en scène accompagnés de leur frêle (et nouvelle) bassiste. Un bref salut et ils entonnent le riff principal de « U-Mass ». Les têtes hochent mollement dans l'assemblée ; j'ai l'impression d'être le seul à me sentir surexcité. Peu importe.

            Arrivent ensuite « Wave of mutilation » et « River Euphrates ». Les pauses entre les chansons ne durent qu'une seconde. Les Pixies n'ont pas le temps de discuter, ils enchaînent. Le public semble ailleurs jusqu'à ce que « Hey », reprise en cœur, fasse enfin monter la température.

            L'apparente froideur de l'assistance est ensuite complètement dissoute par un « Gouge Away » à l'initiative d'un pogo diabloique. Nous sommes comprimés, bloqués, serrés les uns contre les autres dans un mouvement imparable. Je perds les camarades avec qui j'étais venu comme je perds mes bouchons d'oreilles : ça sera sans vous cette fois les mecs.

            Les Pixies continuent d'enchaîner les pépites punks à un rythme imparable. Des éclairs vifs zèbrent le ciel alors que la pluie se met à tomber en trombes. L'essoreuse ne s'arrête pas. Nous sommes dégoulinants d'eau et de sueur mêlées, emportés par la machine infernale des lutins de Boston. Les slammeurs nagent sur cette foule océanique pour aller s'échouer devant la scène. Le slam d'un homme en fauteuil roulant devient un symbole : nous sommes tous égaux face à la musique enchanteresse des Pixies.

            Le public est chauffé à blanc quand arrive « Vamos » et son solo diabolique sur lequel Joey Santiago s'amuse avec son auditoire, se bande les yeux, joue avec des serviettes ...

            Le concert semble avoir juste commencé quand résonnent les premières notes de « Where Is My Mind ». Le maelström dégoulinant composant le public entonne alors à l'unisson le tube du groupe. La chair de poule n'a pas le temps de se résorber que le riff de basse de « Debaser » secoue Belfort pour une dernière salve électrique.

            Les quatre légendes savourent alors longuement des applaudissements bien mérités puis disparaissent.

            Après une heure et quart de show et vingt-et-une chansons la foule finit par se disperser pour laisser derrière elle une mare constituée du reste boue n'ayant pas encore pénétré mes chaussures. Il est alors temps de retrouver ses coéquipiers dans le froid du déluge. Mes jambes de coton peinent à me porter jusqu'à la scène suivante pour assister à l'électro-pop subtile de Metronomy.

            Quoiqu'il en soit, les Pixies n'ont pas déçu ce soir-là et nous laissent avec la sensation d'avoir vécu un grand moment de l'histoire musicale contemporaine, quelques bleus et acouphènes aussi.

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