Playa del Carmencita

Niels

Photo de couverture par Helena Sanchez (http://checkingoffline.wordpress.com)

 J'avais eu besoin d'un break.

Cette année universitaire m'avait crevée, et dés la fin de mon dernier exam j'avais cherché un endroit où fuir pour me changer les idées. On m'avait renseigné Playa del Carmen.

Proche de Cancun, cette ville festive offrait aussi ses plages paradisiaques. J'étais donc parti au Mexique.

J'en avais assez des hostels et des dortoirs malodorants et avait donc opté pour une location chez un particulier. J'avais craqué sur un petit appartement à cinq minutes de la cinquième avenue, centre névralgique de la ville.

La maîtresse de maison s'appelait Julie. Une rousse à la jolie frimousse qui me fit faire le tour du propriétaire. Après de rapide présentation, elle me laissa seul, pour me reposer.

C'était spacieux et lumineux. Tandis que la terrasse ombragée m'invitait au repos et que l'odeur des meubles en bois me rappelait mon enfance à la campagne, le grand lit me happa. Je sombrai dans un sommeil profond, payant ma dette au décalage horaire.

Je me réveillai vers vingt heures et me préparai à sortir. Sur mon trente et un, Julie me conseilla quelques endroits incontournables de la nuit et après avoir dîné avec elle, je quittai l'appartement.

Dans le hall d'entrée, dormait un garde près d'une grille mal fermée. Son coude était posé sur étagère en bois, et ainsi, la tête posée sur sa main, il veillait, tel un cerbère endormi. Orphée et sa harpe n'aurait pas fait mieux.

Tandis que je passai devant lui, une boule de poil noir dépassant du bois m'interpella. Je m'arrêtai net pour l'observer et la vit s'élever, découvrant deux petits yeux brillants. C'était une petite fille.

La peau matte, le regard aussi sombre que ses cheveux, elle me scrutait, apeurée. Faisant un pas vers elle, elle se colla au mur, effrayée.

- ¿ Donde estan tus padres? Tentai-je maladroitement.

La petite maya leva enfin la tête complètement et me regarda, la bouche serrée, les yeux humides. Elle devait avoir six ans, tout au plus.

- ¿ Donde estan tus padres? Répétai-je doucement.

La rosée de ses yeux fit place à un léger ruisseau tandis que sa bouche se crispa encore plus.

Ne sachant pas quoi faire, je regardai autour de moi et vis seulement le gros gardien qui sombrait de plus en plus dans son sommeil.

Le ruisseau se transforma en rivière, et c'est les joues trempées et hoquetant qu'elle me regardait toujours, sans répondre mais criant à l'aide silencieusement dans mon esprit.

Je ne sais pas pourquoi, je tendis la main.

Elle sorti de derrière le meuble et vint se coller contre moi, étouffant ses larmes dans mon jeans.

Voyant l'inefficacité de mon gardien dormeur, je la pris dans mes bras et fit demi-tour pour sonner à la porte de Julie. Elle m'ouvrit en souriant, pensant sans doutes que j'avais déjà oublié mes clefs, et voyant mon étrange compagnie, me regarda interloquée. Une rapide conversation plus tard, elle réveilla le gardien, qui honteux d'être trouvé dans pareille position, nous expliqua qu'il ne connaissait pas cet enfant, mais qu'elle devait sortir d'ici, n'habitant pas dans la résidence.

Choqués, nous sortions dans la rue à la recherche de ses parents ou d'un policier. 

Les larmes avaient cessé, et la petite marchait à présent entre nous deux, pieds nus, refusant de lâcher ma main ni même d'ouvrir la bouche.

Au croisement de la cinquième avenue, il n'y avait aucun policiers.

- Por una vez... me confia Julie.

À droite on pouvait se diriger vers le centre, les lumières, le bruit, les magasins, les touristes. À gauche, ils ne restaient que quelques restaurants, éclairés par des lampadaires grésillant où déambulaient deux, trois personnes. Sans même nous concerter, nous nous dirigions à gauche, vers ce qui semblait être la partie la plus mexicaine de la ville.

Nous arrêtions le peu de passants, leur demandant si ils connaissaient la petite fille ou si ils n'avaient pas vu une mère pleine de détresse, mais personne ne pouvait nous aider. Juste quand nous pensions à prendre un taxi pour aller au commissariat, un chien sans collier vint vers nous. J'avais toujours eu peur des chiens et recula, voulant cacher la petite derrière moi. Mais celle-ci lâcha enfin ma main et couru se jeter au cou de l'animal. Il aboya, la fillette retrouva le sourire, et levant mon regard de cette scène irréaliste, je vis un peu plus loin, une petite vieille qui accélérait comme elle pouvait vers nous.

Entre ses rides on distinguait ses yeux, qui s'ouvrirent d'un coup quand elle vit l'enfant. Sa bouche s'ouvra dans un large sourire édenté, où seules brillaient quelques dents en argent.

Elle nous rattrapa, engouffra la petite dans son large vêtement et leurs yeux à elles deux devinrent des torrents de joie.

Je n'avais plus envie de faire la fête. La fête était ici. Du bonheur à l'état pur.

Après mille Gracias, elles s'éloignèrent toutes les deux. Je ne connaissais même pas le prénom de ma petite inconnue. Julia me regarda, émue.

- ¿Vamos a tomar una chela?

Allez, une petite bière quand même. Je la suivis. 


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