Pluie de signes

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Pénélope Grandcourt écrit des contes pour enfants. Son héroine la princesse Rose Félicité a le don particulier de voir les fantômes de personnages illustres. Elle a déjà bavardé avec la reine Marie-Antoinette à Versailles, le roi Jean-Baptiste Bernadotte au château de Stockholm, la reine Victoria à Buckingham...

Si la magie déborde dans la vie de son personnage, elle ne tient aucune place dans la vie de Pénélope. D'ailleurs Pénélope officie sous le pseudonyme d'Emilie Jasmin. Parce que c'est frais. Parce que c'est gai. Parce que Pénéloppe Grandcourt c'est snob. Et surtout pour ne pas être reconnue.

Chaque fois qu'elle publie un livre, c'est l'euphorie. Et puis après le néant. Et justement Pénélope s'enferme petit à petit dans le spleen. Une routine où elle s'ennuie. Et puis il y a tous ces signes avec le prénom Raphael qui l'étouffent. Un prénom qu'elle voit et entend partout. D'abord les chansons de Raphael qui n'ont cessé de passer à la radio. Puis la rencontre avec le Raphael du métro. Particulièrement collant celui-là. L'humoriste Raphael Mezrahi rencontré gare de Lyon. Et plusieurs autres manifestations - de ce prénom. Tout le temps. Un prénom obsédant au  point  de l'effray.

Pénélope se tourne alors vers sa tante Brilili (un mix entre Liliane et Brin de folie). Un peu médium, cette dernière lui dit que c'est un signe. Oui, mais de quoi ? Et si Pénélope croit beaucoup aux signes, elle ne croit pas en celui-là.

Et pourtant le jeudi 7 décembre, place des Vosges au café Hugo, Pénélope fait la rencontre de sa vie. Un joli garçon au doux nom de Raphael lui demande une cigarette. Elle lui propose des allumettes. La discussion est engagée. S'ensuivra le traditionnel diner romantique. Un verre au Fumoir deux jours plus tard. Le premier baiser devant le cinéma Le Champo. Et la première nuit chez lui  à l'IIe Saint-Louis. Pénélope était à nouveau heureuse. Une histore idyllique. Trop parfaite. Raphael est pâtissier en chef chez Ladurée. C'est un créatif. Et ca plait à Pénélope. Elle lui dit juste qu'elle écrit des contes pour enfants. Pour ne pas se vanter de sa célébrité. De toute façon elle pense que son nom de plume  ne lui dirait rien. Et pour la première fois, elle a presque l'impression de se dévoiler. De dire la vérité. De dire qui elle est. Elle qui dit à chaque fois que l'on lui demande son métier, bibliothéquaire.  

Ses amies la trouvent radieuse. Raphael est attentionné. Et Pénélope a même une nouvelle idée de roman. Jusqu'à ce jour du 15 janvier où Pénéloppe se rend chez son éditeur. Ce dernier à une bonne nouvelle. Le cinéaste Julien Bermontier voudrait produire une série de ses livres. Et il lui soumet quelques noms d'acteurs. Pour la princesse Rose Félicité, les noms de Jeanne Vertigo, Judith Chemla, Clémence Poesy sont cités. Pour le rôle du prince Octave, le réalisateur a choisi de jeunes acteurs tels que Julien Boisselier, Louis Garrel, Alexis Mercenaire...

Le premier jour du tournage est fixé à Biarritz. Au casting se trouvent Judith Chemla et un certain Raphael Carnavelle. Pénélope se rend donc sur le plateau, invitée par la production. Stupeur et tremblements quand elle s'apercoit que Raphael Carnavelle est son Raphael.  Et elle se sent trahie. Pénélope a le sentiment d'avoir été plus qu'honnête avec son amant.  Elle lui a dit, à lui, qui elle était au fond. Et il ne se rend pas compte de la faveur qu'elle lui faisait. Mais lui n'a aucune excuse. Il est vrai que de passer de pâtissier en chef chez Ladurée à acteur, il y a un sacré fossé. Et la magie s'évapore en un instant dans la vie de Pénéloppe. Sans aucune explication et sous le choc, elle rompt par texto avec Raphael. Mais Raphael de son côté est bouleversé. Il apprend ainsi par l'éditeur de Pénéloppe, que cette dernière et Emilie Jasmin ne sont qu'une et même personne. Ah la garce se dit il ! Parce que Raphael est un jeune acteur, il a du mal avec cette notoriété qu'il maitrise mal. De nouveaux et faux amis, des demandes par centaine sur facebook, des tas de nanas à ses pieds... Une vie difficile pour ce fils de pâtissier. Alors quand il a rencontré Pénéloppe / Emilie, il a préféré mentir. Pour se protéger. Pour la protéger à elle aussi. Mais elle s'est bien fichue de lui. Dépité, il se jette à corps perdu dans le travail. Il enchaine les petites histoires. Et de son coté, Pénéloppe s'est remise péniblement à écrire.

Un peu déprimée, elle finit par rejoindre ses amis à la très chic station de Courchevel. L'air de la montagne pourrait  l'inspirer, qui sait ?. Et une fois de plus, les signes réapparaissent. Les magasines avec Raphael en une. Les textos de Raphaelle voyance. La chanson de Carla Bruni "Raphael" qui est passée trois fois à la terrasse du café. L'archange Raphael dans la partie de Time's up. S'en est trop pour Pénélope. Mais les cousins de Violette débarquent avec un ami le soir même. Alors Pénéloppe devra attendre avant de rentrer sur Paris. D'autant que la SNCF est encore en grève. Et quand à vingt et une heure, les cousins débarquent avec Raphael, Pénélope  n'en croit pas ses yeux. Le malaise est là. Il faudra plusieurs bouteilles de Monbazillac et une bonne raclette avant que Pénélope n'ose aborder Raphael pour lui demander un autographe. Un autographe que Raphael signe avec deux mots magique…... A ce moment là, Pénéloppe ressent un bonheur immense et se dit juste en elle-même, Merci les signes

 

 

Chapitre 1

Gare Montparnasse. Il est 20H30. Après deux heures trente de retard, je suis enfin  à Paris. "Nous prions tous les voyageurs de nous excuser pour la gêne occasionnée. La SNCF et son personnel d'accompagnement espère que vous effectué un bon voyage." A chaque fois, c'est le même refrain ! La SNCF n'est jamais en faute.

Je m'arrête chez Paul prendre un sandwich tomate-mozzarella.

"Mademoiselle bonsoir".

"Bonsoir. Je voudrai un sandwich tomate mozarella et une petite bouteille d'eau, s'il vous plait. Ca sera tout merci".

"Ca vous fait un total de 6,90 euros s'il vous plait".

Je tends un billet de dix euros. Sa collègue me regarde et me lance : "Chanel le vernis ?".

"Oui".

"Le 505 ?"

"Oui oui pourquoi ?" répondis-je surprise.

"Il est super connu, c'est tout" me dit-elle d'un ton condescendant.

Je récupère ma monnaie. Qu'est ce que ça peut lui faire à cette conne que je porte du vernis Chanel ? Comme si tout le monde avait besoin de le savoir.

Après une demi-heure de déambulation dans les couloirs de la gare et six stations de métro, j'arrive enfin chez moi.

 

Zzzz. Zzzz. Mon blackberry est tout au fond de mon sac. Je décroche a temps.

"Allo Pénélope. C'est maman. Tu es rentrée ?"

"Oui maman je rentre à l'instant."

"Tu as fait bon voyage ?"

"Mon train a eu deux heures trente de retard. Et puis il y a eu cette fille avec le vernis..."

"Quel vernis ?"

"Non non laisse tomber. Ecoute maman, je suis un peu fatiguée et je n'ai toujours pas diné alors je vais te laisser."

"Tu t'es achetée un sandwich ?"

"Un tomate mozza de chez Paul".

"Ah Paul j'adore. Mais Paul n'est pas pareil en Province".

"Ah bon. Bon maman je te rappelle demain. Ok ?"

"Oui d'accord. Bisous".

"Bisous maman".

Ah la paix ! Enfin. J'allume la radio. "Et dans 150 ans, on s'en souviendra pas de ta première ride, de nos.....". Ah Raphael tu as raison, dans 150 ans on s'en souviendra pas de ma première ride.  Je vais me chercher un coca cola light à la cuisine avant de m'installer sur le canapé. J'ai une faim de loup.

 

Mon sandwich tomate mozza avalé, je file consulter mes mails. Des publicités encore et toujours. Les jours sarenza.com. Supprimer. Comptoir des cotonniers. Je garde.  Raphaelle voyance. Qu'est ce que c'est que ce truc ? Je supprime. Cdiscount. Je supprime. Un mail de Violette. Je clique dessus.

"Salut ma Pen, comment ça va ? Je voulais t'écrire plutôt mais Jérôme avait embarqué l'ordinateur pour son reportage sur les vélos. Je suis fatiguée. J'en peux plus de tous ces touristes qui me demandent des trucs que je n'ai pas dans le magasin. Un couple voulait une luge bleue. Et je n'ai que des rouges et jaunes. Ils m'ont limite engueuler parce que j'en avais pas. Et puis vous me manquez beaucoup avec Alice et Lola. Jérôme est tout le temps absent. Bref j'ai le bad. Mes cousins de Bretagne débarquent en février. Lola et Al vont certainement venir. Et ça me ferait super plaisir que tu viennes même si tu vas buller sur la terrasse.

J'allais oublier le principal, comment s'est passée ta tournée promotionnelle de ton conte sur la princesse Rose Félicité chez le roi Henry IV? C'était pas trop fatiguant ? T'as rencontré des mecs ? Hihihi

Allez je t'embrasse fort ma belle et à très vite.

Violette

 

PS : Ma mère découpe tous les articles où l'on parle de toi ! A croire que tu es sa nouvelle fille !"

 

Ah ma Vivi si tu savais à quel point tu me manques ! Et à quel point je suis triste à l'idée de reprendre ma routine. J'éteins l'ordinateur en pensant à ma journée de demain. Qu'est ce que je vais pouvoir faire. D'abord la grasse matinée. Ensuite un caramel macchiato au starbucks. Faire le tour des librairies mais après ? Me remettre à écrire un nouveau conte ? Peut-être. De quel personnage historique la princesse Rose Félicité pourrait elle croiser le chemin ? Que de questions. Je décide d'aller me coucher. On dit que la nuit porte conseille. Alors "go to the bed".

 

Dring dring. Je me réveille en sursaut. Qu'est ce qui se passe ? Qui ose sonner à ma porte à 10 heures du matin? J'enfile vite mon bas de pyjama et vais ouvrir en bougonnant.

"Bonjour, je suis envoyé par le syndic pour la dératisation de l'immeuble".

"Bonjour. Il y a des rats dans l'immeuble ?"

"Non mais c'est obligatoire. Est ce que vous savez où se trouve la cave s'il vous plait ?"

"On a pas de cave mais vous n'avez qu'à demander au gardien en bas, à côté du local poubelle".

"Il y a un gardien ?"

"Oui. Juste en face de l'ascenseur. Bonne journée. Au revoir." Et je referme la porte. L'appel de mon lit se fait sentir et je n'y résiste pas. J'allume quand même la radio. J'aime bien traîner dans mon lit avec une musique de fond. "Ce que je fais là moi je ne sais pas, je pense à toi depuis mille ans...". Raphael encore. J'éteins le poste. Cette journée commence bien mal et j'ai besoin de dormir un peu plus pour l'affronter.

 

 

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