Laure (réédition)

Fionavanessabis

Après le grand-père, la grand-mère...

Il était une fois une grand-mère, qui se prénommait Laure et qui a été un amour pour ses sept petits-enfants.

J'étais l'une d'entre eux et ce fut mon bonheur.

Notre grand-mère, parmi les mille talents qu'elle exerçait avec nous, avait celui de raconter, des choses vraies qui lui étaient arrivées, des histoires de vie. Je n'ai pas le souvenir qu'elle m'ait raconté d'autres histoires que celles qui avaient eu lieu et dont elle avait été témoin ou protagoniste. Elle ne croyait que ce qu'elle avait vu.  Dans les contes les jours heureux ne se disent que par la formule qui les termine, « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ».Elle nous apprit les mots et aussi les silences. Elle m'a appris à lire mais elle m'a aussi appris à écouter. Il y eut aussi une histoire qu'elle ne raconta pas. Elle l'a écrite vers la fin de sa vie, et  imprimée et reliée ; elle nous offrit à tous ce récit des origines que je me plaisais à lui faire dire et redire par petits morceaux le mercredi après-midi ou lorsqu'elle cousait ou tricotait. Elle tricotait aussi les mots entre eux pour nous tenir chaud. Elle cousait de petits bonheurs pour que leur goût nous escorte malicieusement par-delà les chagrins et les épreuves que la vie ne manque pas d'apporter. Les petits bonheurs de ma grand-mère dansent sur le temps avec une folle liberté.

Lequel d'entre nous les cousins et cousines ne peut se remémorer les repas chez elle à la cuisine du Mesnil, à St Symphorien sans que la chaleur ne l'envahisse ?  Cet héritage méridional se réveille en moi si je dis légumes farcis, qui sortent craquelant , juteux et confits  du four, si je dis poulet aux quarante gousses d'ail avec son nom abracadabrant, invention  pour nous apprendre à ne pas jalouser la gousse d'ail du cousin, si je dis couscous, figues fraîches, pastèque, petits pois, cerises, fraises du jardin.  Et les cinémas du mercredi, le cinéma de Jacques aussi avec nos bouilles sur l'écran blanc, les films d'animation, les cousins qui faisaient les ombres chinoises en attendant le début. Le Nain jaune.  Et la permission d'aller chercher seul le pain de midi au bout de la rue, comme une promesse d'aventure à nos dix ans. Les récits de jeunesse encore et encore dans le calme salon, la caravane des vacances en Normandie et en Bretagne. Je dis ces choses et dix autres me viennent à l'esprit, et à vous aussi, cousins, cousines, nous avons chacun notre lot de trésors , qu'elle a enfouis en nous par ses mots et sa fibre naturellement riche, de grand-mère.

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