(Post Coïtum Omne) Animal Triste
Totem De La Nuit Belle
(Post Coïtum Omne) Animal Triste
Synopsis
Comédie romantique "trash en verve". Il est blasé mais adore séduire. Il en a même besoin pour exister. Il veut bien croire en l'amour mais pas celui qu'on lui sert sur de belles nappes, sous de beaux lustres. Lucide donc fragile, Passionné donc souvent con, à l'orée de la trentaine et des perspectives de carrière, il écume les bars et les boîtes de nuit à la recherche de petites jouissances sans lendemain. Ses visions fulgurantes sont alimentées par Céline, Hesse et le LSD. Il aime se bagarrer contre la bêtise et la facilité. Il coupe la parole aux futilités – le temps qu'il fait, le mariage, les enfants, le temps qui passe - et grimpe aux grues, ses "girafes citadines" pour crier à l'envi et brailler du Led Zeppelin aux voisins effarés. Juste parce qu'ils n'aiment pas ça, juste pour rester encore un peu dans l'arrogance adolescente.
Advient ce qui pouvait lui arriver de pire : il tombe amoureux d'une fille, Clara, dont le mode de vie, les attentes et la famille sont les exactes antithèses de ses convictions. Malentendus, coups de gueule, séparations et réconciliations essaiment les jours, ne faisant que l'enfoncer dans ses contradictions de jeune adulte. Plus il aime Clara, plus il déteste ses amis nouvellement mariés, plus les parents de Clara l'acceptent, plus il s'enfuit. Mauvais gendre mauvais genre. Plus il s'enfuit, tentant de retrouver sa vie d'antan, courant de fille en fille, plus il revoit l'image entêtante de Clara. A la manière d'un conte d'Hoffmann moderne et truculent, où l'ironie cinglante croise le néologisme assumé, il trouvera des réponses aux questions qui le bombardent : qui suis-je vraiment, pour moi, pour Clara, pour les autres?… et Suis-je vraiment là, en train de vous parler…?
(Post Coïtum Omne) Animal Triste
Ca a commencé par une discussion avec Clara – ‘qui n’est pas celle que vous croyez’. Elle adore la musique, ‘un peu de tout, enfin ce qui passe à la radio’. Elle n’a cru au coup de foudre que deux fois, juste avant que les types se tirent en un éclair. Elle aime l’envolée lyrique, sur la famille notamment. La sienne, surtout. Et puis la nôtre, éventuelle. Elle veut des enfants… Accolé à certains mots, le pluriel est effrayant.
Les paroles de Clara m’endorment, je sniffe ma poudre d’escampette et je file. Dans un bar où le dancing est sauvage, une fille se trémousse. Je pense que mon degré d’ivresse est tolérable. Je lui fais comprendre que son déhanché n’est pas tout à fait étranger au réchauffement climatique. Je m’approche. Elle porte une croix autour du cou. J’enchaîne.
- Je te le dis petite, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis.
Elle hausse les épaules, prend une tangente. La sono éructe. J’écarte les deux bras et lui hurle de nouveau la phrase. Tout le monde sait à présent que mon degré d’ivresse n’est plus tolérable. « Exit » me dit l’Argus de service… Je sais bien que l’insouciance ne s’improvise pas dans ces moments-là mais j’ai quand même le temps de lui verser :
- Que faire maintenant ? Combler les vides de néant et se laisser masturber par la mélancolie ? Se laisser emporter par ce qui voue puis nie tout se laissant porter par ce qui nous punit ?
Réveil aux horreurs.
D’habitude, je prends grand soin de moi. En mangeant léger et en faisant de l’exercice. Ce matin-là, je m’applique le masque d’hypocrisie sociale en fermant les yeux. Sinon ça pique. Invitation princière à la table des vieux de Clara. Une belle orgie en perspective. Ma gueule de gendre encadrée sur le rebord de cheminée, les têtes de biches empaillées sur un mur de la pièce - j’y ai vu un signe - l’easy listening vomitif et le cabot qui m’excite le mollet. Quant au paternel de Clara, faut le répertorier. Pour les générations futures. Il est tellement con qu’il en met partout. Une culotte de peau galonnée, un Procuste en puissance, bête comme une valise sans poignée, cuistre et toujours persuadé d’avoir raison. Drôle avec ça.
- A ce moment là, les types tentent l’impossible pour me faire taire, ils sont prêts à acheter mon silence… Et je leur rétorque qu’il vaut de l’or, tu comprends ! Ha-ha-ha-ha-ha-ha (fade out... )
Humour quand tu nous tiens tu nous fais mal. Vite, faire abstraction – « je ne suis tout simplement plus là » - mâcher piano, sourire forte. Mes synapses plantent le décorum très mince du Delirium. Compte à rebours avant l’échappatoire. Portes ouvertes au Collège de Pataphysique, Ubu jongle avec des tronçonneuses, Harpo et Chico font irruption et l’Iguane braille qu’il veut être ma chienne. Modigliani me tatoue un tatoo, des cratères lunaires portent mon nom et l’Incroyable devient une religion dominante. Je pense « Tank ». Mes vibrisses vibrionnent, je suis le Desdichado à mon tour aboli et qualifié d’inanité sonore, je ne suis tout simplement pas là quand soudain, armée d’une fourchette embrochant une côte de porc trop cuite, la mère de Clara me lance :
- Comment va la santé ? Bonne j’espère ! La santé, c’est qu’il y a de plus important, le reste on s’en fiche !
- Non, la santé, ce n’est pas ce qu’il y a de plus important. Je ne vis pas que pour mourir.
- Qu’est-ce que tu dis ?
Je me lève de table. J’en peux plus de ses vieux à Clara, c’est ça l’histoire. Je siffle avec arrogance et je claque la porte. Comme pour souligner au trait fin un mécontentement grossier. Une colère de gosse. C’est ce que je pense alors. Panache de minable mais ça me soulage.
L’après-midi pointe, je mise sur ma gouverne pour me caler le fondement sur un strapontin. Une salle de ciné, un muséum d’horreurs en formol, qu’importe, un truc contemplatif. Un putain d’endroit à moi où rien ne manquerait au confort de l’ennui. Pour éviter que le muscle se raidisse, sinon ça me crispe, je réfléchis et tout le néant autour s’accélère, le nonsense martèle et l’existence en technicolor vire sépia. Kaï. Mon injection de couleurs. Vite. Sur le chemin pour rentrer nulle part, je fais étape au lavomatic. Là-bas au moins ça tourne rond. Et puis j’aime bien ces endroits aseptisés où même les poubelles disent merci. Je m'assois, je contemple, béat. Soudain la radio crache :
- Tu vois, je trouve qu'il devrait y avoir une discipline de l'espoir, le bonheur c'est pas sans condition... Pourquoi toi t'as le droit d'être heureux et pas lui là bas. C'est complètement aléatoire et ça me fait péter les plombs. Mais sur le plan créatif, ça me pousse vachement vers le haut. Je me sens éclectique, un peu touche à tout...
- Je sais pas si tu touches un peu à tout mais tu dis pas mal de merde en tout cas
Je le pense si fort… J'espère que la connexion s'établisse jusqu'au type de la radio.
Puis je décide de discipliner mon espoir vers le bar le plus proche. Avec en tête cette à-peu-près- proximative sentence de Levi Strauss sur la vie sociale condamnée à détruire ce qui en fait l'arôme même.
Enfin bon, je fredonne pas l'hymne à la joie en poussant la porte du bar Sunny Tropic. A l'intérieur, les gens y tordent l’espace. Un tableau morne-vivant. Ils se portraiturent les uns les autres de leurs regards vides, en cabot de faïence, jusqu’à se réduire à des agrégats de couleurs. Des couleurs tristes, des nuances qui pissent, qui pleurent ; des gris estomaqués, des mauvais jaunes qui tuent l’art de la vie. Alors vous désirez devenir différent. Même si vous ne pouvez pas, vous désirez, c'est là toute la fichue malédiction, celle de l'animal triste.
Pas le choix, faut que je replante le chapiteau du grand délirium. Le vortex se creuse. Je me repasse le film d'une soirée improbable, dans une de ces boîtes où se faire virer relève du principe de précaution (ça aurait pu être pire après) ou du réflexe de survie (comment j'ai pu rester aussi longtemps ?). Flashback. La fille au comptoir joue l'indifférence mondaine. Dans une boîte de nuit, ça ne manque pas de présomption. Elle ressemble à Clara. Quand même. Elle se sait dévisagée, désirée mais elle sirote l'air de rien. Après les banalités d'usage, je lui murmure en roulant les r comme un naze :
- Tu sais, il arrive que je me transforme en loup garou – sourire con
- Ah oui… à chaque pleine lune ? - exaspérée
- Non à 1 gramme 8… Et le matin, quand je me réveille sur un tas de cendres, tous mes
vêtements sont déchirés… - sourire con mâtiné de fierté
- Mais pour qui tu te prends à la fin ? – lassée et quittant le comptoir
- …Je ne sais pas, c'est bien là tout le problème – seul, avec mon moi haïssable
Réveil en trombe au Sunny tropic. Avec eux tous. Ils ne me paraissent plus si différents.
Voilà que je les regarde en cabot de faïence à mon tour. Voilà ma place, entre eux et rien.
Derrière son zinc, Méphisto verse et scrute; ce diable de tenancier.
Je règle, je me lève, je vacille, langueur et souci. Faut que j'aille acheter des fleurs pour Clara.
Lesquelles déjà pour se faire pardonner? Est-ce que je viens réellement de penser ça… Ressers m'en un avant-dernier Méphisto.