Pour le cou

la-dom

À moins d'être engoncé dans un col roulé, il est visible comme le nez au milieu de la figure. À moins d'être trop large ou enflé par le goitre, il m'émeut.

En toute circonstance, le sien me bouleverse. Pilier royal, il surgit du col déboutonné de sa chemise ; il soutient avec allure le siège de ses pensées ; il porte avec légèreté sa tête prestigieuse, lourde de son génie. S'il la penche en avant, sa nuque sensuelle ondule, inaccessible. S'il la bascule en arrière, je chavire avec elle. S’il l'incline négligemment sur le côté il devient une offrande hors d’atteinte. Les délicieuses courbes des muscles qui lui sont attachés dérivent au rythme de ses mouvements. L'ombre se transforme en lumière et réciproquement. Comble de la grâce, il arbore une jugulaire discrètement saillante que mon regard dévore, mais juste mon regard, je ne suis pas vampire !

Robuste et fragile à la fois, il est un canal parfait qui laisse circuler de haut en bas, de bas en haut, l'air inspiré, expiré, le souffle court, l'élan d'aspiration profonde. Tout passe à travers lui, les vibrations de son rire à gorge déployée et même sa douleur. Pour peu, j'éprouverais moi-même toutes ses émotions, elles se libèreraient au contact de ma main délicatement posée sur le muscle tendu qui dégringole du lobe de son oreille jusqu'à la lisière de son épaule. Du bout de mes doigts je les recueillerais au creux soyeux des clavicules. Si je pouvais y coller mon oreille, j'entendrais vibrer ses cordes vocales, murmurer le vague nerf, frémir le sang dans ses artères.

Si je pouvais, je me jetterais à lui, je m'y pendrais aussi mais sans y passer la corde, juste en glissant autour un foulard de soie.

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