Pour les poètes enfermés

Ludo Calvo

Pour les poètes enfermés



Dans un coin sombre, éclairé par un réverbère qui luit

A l'heure où les façades laissent place à des murs gris

Le poète ici assit, stylo en hémorragie

Une floppé de mots agit, complice de son brouillon noirci


Ses feuilles sont pourries, bavées de tâches de sang d'encre

Sa critique acerbe, sur un système chancre

Ses mots choisis, triés pour leur vertue âcre

Sa magie du verbe, gravée sur des murs de plâtre


La lumière pénètre dans l'antre de son cachot

Zèbre le sol de pierre par l'ombre des barreaux

La lune qu'il admire dans ce ciel si beau

Sa plume et sa satire, accablent son fardeau


Le simple souvenir de sa vie passée le baffe

Lui qui se plaisait à l'écoute d'un phonographe

L'admiration d'une nature morte autant qu'un graff

Alors que se grave déjà au loin son épitaphe


Parce que la simplicité et l'ouverture d'esprit

Auront raison du superflu et des visions rétrécies

Parce que la culture est la clef du non mépris

Toute son armure se limite à ses écris


Il ne lui reste rien, un peu d'encre, un parchemin

La volonté de partir, un stylo à la main

Il ne lui reste rien, pas même la peur

Sa volonté en main, la plume sur le cœur


Un petit matin de juin, on le vit là éteint

La lueur marquait son teint, une feuille pour coussin

Sur le sol dur étendu, reposé mais livide

C'est pas les murs qui l'ont eu ! Son stylo était vide

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