Pour l'heure.

Ce soir je vais te voir parce que je ne veux pas rentrer chez moi. Enfin, je voudrais bien rentrer chez moi, mais il y aura quelqu'un qui m'attend. Et ce soir, je voudrais que personne n'attende rien de moi. Alors c'est curieux, l'idée de te voir, parce qu'il faudra te cacher plein de choses, te mentir, me farder, me grimer une de ces faces de sourire immense qui débite connerie sur anecdote. Je suis déjà fatiguée. Je voudrais bien que tu me parles de Lisbonne. Que tu me parles du ciel. Des rêves que tu as. Des projets que tu n'oses formuler. Je voudrais bien que tu me parles de ton amour. Ou même on ne parlerait pas. Je voudrais bien ne parler de rien avec toi. Ton silence me manque.

*

Ta pensée tapisse les parois de mon corps et je ne veux pas qu'elle le sache. Je déborde de toi et je veux que personne ne le sache. Et je veux que tous le sachent. Je sais que c'est trop et que c'est dangereux. Je sens comme mes épaules sont fragiles encore. Comme mon corps pourrait être emporté loin et brisé. Fine branche dans la tornade. Je voudrais être forte mais j'ai la force de mes faiblesses. Je voudrais être droite et savoir où je suis. Mais je ne suis plus nulle part où je suis. Je voudrais m'élancer vers toi. Me jeter dans un train. Me jeter sur une route. Mon corps trouver refuge dans la chaleur de tes mains. Noeuds défaits. Si je pose mon front contre le tien l'aube s'étend les drames s'aplanissent les tragédies s'annulent.

Tout trouve réponse et tout accepte d'être irrésolu.

Pour l'heure,

je ne suis libre que dans des phrases qui ne m'appartiennent pas.