Pour Mémoire

Pierre Scanzano

On voit mieux...

nos yeux scrutent  étreignent le velours de ce peu d'ombres nacrées   se parlent et nous devinent comme un point de convergence lointaine   on songe la tangente horizontale croisant la verticale   ainsi s'éloigne un point de vue immergé dans la focale la plus douloureuse qu'il soit possible d'admettre   Darlinghissima...


fait de l'éloignement la rançon de l'oeil et sa tourbe sempiternelle  clignant à l'affût du rab céleste  d'où la horde voisine touchant du feu la vie féconde  quand un souvenir vous claque entre les doigts rameutant des restes d'os qu'on aurait laissé se dissoudre dans l'acide de l'amour   mais qui ose détricoter   qui rogne l'anguleux   l'ineffable est un jour éloigné et sans âme comme un de ces inoubliables concassements d'êtres ratiboisés  la rencontre des oubliés  revenants  pas trop éloignés   viens à moi  dis-moi tout  Darlinghissima...


ne nie rien  l'obscurité déjà nous entraine à voir   et nous revoir  vieillis  déshabillés  la peau cramoisie  les pieds dans la fange sans pardon ni espérance   vois-tu le nombril des choses que l'on cherche à préserver  nous recouvre d'un baiser d'outre-tombe   tintamarre du sang caillé  inanimé exsangue cueilli à la petite cuiller  Darlinghissima...


à peu de chose près nous serions dans la jouissance corporelle du sexe estimable  le rouet qui file la laine du genre humain au plus profond de nos pêchés  la chair s'humanise en filtres magiques  qu'est-ce que cela veut dire d'autre ?   on veut que ce que l'on désire le plus fort   et le moins est là comme une  fièvre calamiteuse de larmes d'aphtes qui débordent de la tête mal faite  tête de pierre   autrefois aux doigts et ongles dans la salive d'un besoin de réserve d'amour charnel  Darlinghissima...


mais le haut mur est là   en chair et os  droit dans ses fondements  comme la foudre est à l'orage  un trop de pluie qui tombe à pic dans la gouttière vertigineuse des ans  des siècles  des millénaires  et le sang perdure  dans ce couloir récuré   et tout ce temps  à lever le menton et  les yeux au même ciel faramineux  principe selon laquelle  tou doit disparaître   se voir et se revoir à l'aveugle à prix cassés  même un pan de soi n'est jamais suffisant  nos yeux lubrifiés  mis à clairvoie badigeonnés de gens  de gens estimables  Darlinghissima...


souffrent de visibilité féroce  eux qui enfreignent nos lois   et si on cherche la visée ultime  c'est que l'on redoute l'issue fatale   et si on trouve  ce n'est que l'essai manqué   ou ce qui précède d'une bouchée un manque basique de tendresse   alors  on tourne la clef à l'envers  et c'est le mot  Amour  qui ouvre les vantaux du coeur   un battement contraire   en quelque sorte un droit de cuissage sur le coït de la vie   dans la tête quelque chose déménage  fourmille  déclenche  effraie  tranche  s'ajoute pour se retrancher encore   c'est quoi l'imagination ?  C'est quand le déstructure de l'imaginaire ?  L'imaginaire serait une denrée rare qui nous éternise  l'imagination pullule de contre-vérités  Darlinghissima...


voilà l'ennui et son contraire  donc disons-le  se tenir la main nous sortira de l'eau  au moins pour une journée factice que dieu fait et défait   en quoi  nageons-nous ?  pourquoi  nager ?   un crawl de paroles est un défi titanesque  ramer à contre sens est chose trop nette et sans bavures  comment trier hein ?  Ce qui semble acceptable on y va avec précaution  un pas sur l'autre trace de pas  du passé  déjà compassé  mémoire qui se corrompt à vue d'oeil pour un rien de diète chimique   sinon c'est un passé ou un avenir dans sa tranche horaire immortelle qu'il faudra noyer ou clarifier Darlinghissima...


par décence en un corps-à-corps asexué inversé  ou d'un raisonnable peau-à-peau érotique filtrant le marc de ce qui est passé devant et ce qui viendra après coup dans la balance qui en pesant le poids des jours  sous-pèse un manque de nuits   rien de ce qui est traduit n'est ce trop de choses  qui se bousculent au portillon de la voix   la voix ne sait pas si sa voix donne à penser ou radote pour donner à parler  quand on pense parler ou que l'on pense sans parler  l'étroit nous précipite dans le sens commun  on tient à forcer la fibre des choses Darlinghissima...


qui semblent vous découdre maille à maille comme une pierre colline  montagne ou plaine de coquelicots mentaux  un semblant de paix circulaire décide pour vous  de ce qui est  et qui passe devant le pour et le contre  un paysage devient le comestible  l'égrené  l'idyllique qui vous parle et interpelle d'une langue synchrone   mais ce qui est dit est dit labial  deux axes se traversant  s'annihilant trop dans le profond de l'air qui les calque à la même enseigne du vent de l'air de l'océan  c'est une vérité de la Palice que le silence est nécessaire  Darlinghissima...


utilitaire comme personne   sa neige cotonneuse tient le temps qu'il faut  et ce qu'il faut est une mince couche de bruit assourdissant qu'on voudrait simplifier   mais la raison trouve cela déraisonnable à peine tranché   le tout est de manger à sa faim matin midi et soir  y ingurgiter son écuelle en dose de ciguë   c'est pour cela qu'on a faim des choses mortes   pénétrantes  et désirables   pour ma mémoire je voudrais qu'il en soit ainsi  un tas de remblais que l'on emploie pour reconstruire tout ce qu'on a détruit la veille au soir   on dira de cela  la vie ?  Qu'on en finisse de se mutiler  quoi qu'il advienne ce sera sérieusement  définitif   juste un oubli conforme et strictement de circonstance   tendre Darlinghissima...











  • j'ai lu comme un flux et reflux les vagues de mots
    qui m'arrivaient sur la plage de mon regard sableux
    et dont l'écume rendait l'écho de Darlinghissima

    · Il y a presque 11 ans ·
    Mars 2012 063

    halpage

  • Non, merci à vous, Ce style unique autant sur le fond que sur la forme, j'adore!

    · Il y a presque 11 ans ·
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    Rose Marie Calmet

  • Et merci d'avoir pris le temps de lire ce long poème.

    · Il y a presque 11 ans ·
    13644981696051

    Pierre Scanzano

  • merci Rose Marie, en fait je n'en sais rien. Un texte me vient comme ça. Puis il y a beaucoup de travail sur le texte. Darlinghissima existait déjà. Je crois qu'il y a un livre avec ce titre. Et puis, j'aime cette exagération de "Darling". En tout cas merci ! Et si je vous ai touché, par ce texte, pour moi c'est gratifiant, et une récompense pour tout le travail fait en amont...

    · Il y a presque 11 ans ·
    13644981696051

    Pierre Scanzano

  • Super texte qui oscille entre attachement et rupture, entre tendresse et férocité...Magnifique pour ma part, comme si vous ne contourniez pas la part de brutalité/morbidité même que comporte l'acte d'écrire lié à la mémoire..."Darlinghissima" je ne connaissais pas non plus son origine mais je me suis renseignée, y a t-il bien un rapport avec Janet Flanner ? j'aime bcp en tout cas ce texte passionnant, merci

    · Il y a presque 11 ans ·
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    Rose Marie Calmet

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