PRAY FOR DIDIER

stockholmsyndrom

On est en Décembre, par une nuit pas si froide que ça, époque contemporaine, dans une gigantesque fourmilière ou les gens qui se croisent se sentent seuls.

Didier déambule sous les lumières des grands boulevards, complètement bourré. C'est pas un soir comme un autre pour lui, ce soir, il est pas rentré chez lui, il a laissé son quartier délabré, son clapier miteux, son écran plasma, ses bibelots hideux, son gâteau et ses bougies se démerder avec sa femme. Ce soir est un soir spécial, Didier a 54ans et pour cette occasion, il a décidé de trinquer avec ses vrais potes, c'est a dire seul.

Il a pointé a l'usine puis a foncé droit vers le premier RER en direction inverse de tous les autres soirs depuis 30ans.

Il s'est dit qu'il valait mieux ça, qu'il valait mieux aller se bourrer la gueule que de souffler des bougies, il s'est dit que c'était l'année de trop, qu'il finirait certainement par buter sa femme avant d'en cacher les morceaux au fond du jardin s'il continuait a vivre une seconde de plus dans cet environnement maussade. Didier n'a jamais eu de jardin.

Quand il est ivre, l'expression triste et agonisante de son visage s'accentue, Didier, c'est pas vraiment le genre de bout en train qui fini torse nu sur la table, la cravate nouée autour du front, les soirs de mariage. Didier n'a jamais eu de cravate.

Didier n'est jamais invité nulle part. Il ne sort que très peu de chez lui, mais qu'il soit dedans ou dehors, il arbore un sweet ou un t-shirt, tout dépend la saison, a l'effigie de son club de toujours, sa plus belle histoire d'amour, l'Olympique de Marseille. Ça lui a d'ailleurs valu d'être insulté, menacé ou malmené en traversant le hall de sa tour, mais peu importe, Didier est fier de ses couleurs, ça lui rappelle sa jeunesse en noir et blanc, quand il vivait dans un Pagnol. C'est la qu'il a connu sa femme, Irène , qu'il a défleuri dans un champs de lavande un doux soir d'été ou les criquets chantaient a capela, peuchère.

Elle avait des jupes courtes et les jambes dorées.

Elle voulait être actrice, comme toutes ses copines, il voulait être avec elle, alors il l'a suivie a la Capitale.

Il se rappelle l'époque sauvage ou il la déglinguait dans les WC d'un cinéma ou les films étaient bien trop longs, ou il la prenait sur la machine a laver en mode essorage, dans la voiture, pendant les week-end en amoureux a la mer, sur le plan de travail de la cuisine, en envoyant valser les ustensiles, dans le lit de ses beaux parents partis prier Dieu pour ne pas attirer les foudres de ce dernier.

30Ans de mariage.

11Ans qu'il .n'a pas touché sa femme.

Il a remplacé ça par la bière et la navigation web, Didier surfe de temps en temps tard le soir et les catégories « big ass », « gang bang », « glory hole » et autres « creampies » n'ont plus de secrets pour lui, c'est un véritable anglophone.

Irène elle, n'a pas ce problème. Elle a échouée dans son entreprise de carrière d'actrice, sans talent, un chouia trop vulgaire et victime de cet accent vraiment trop méridional disait elle. Elle est devenue coiffeuse. Son salon tourne a peine pour lui permettre de s'accorder de survivre. Contrairement a Didier, qui se traîne une bedaine velue, des pattes courtes, un crane de moine et une tête ovale et sans cou qui lui donne un air de ces machins qui surgissent instantanément et qu'on frappe avec un marteau dans les stands de fêtes foraines, elle est plutôt bien conservée.

Elle n'a jamais été Sofia Lauren, elle a toujours mis trop de rouge a lèvres et se maquille a la truelle, ses bijoux sont grossiers et sa chevelure rouge orangée volumineuse est extravagante, mais elle a toujours épouser les robes serrées a la perfection, avec un charme érotique, un message subliminal sexuel. Loin d'être Sofia Lauren donc, elle, c'est plutôt Mado la Niçoise.

Son lieu de travail trône juste en face de cet épicier Algérien que Didier déteste, comme tous ses cousins d'ailleurs, et qu'elle se tape fréquemment, autant vous dire donc que l'ordinateur ne sers qu'a Didier.

Didier sait bien que sa femme se fait ramoner par l'épicier mais ne dis rien, c'est ce qu'il sait faire de mieux, mis a part quelques hochements de tête soutenue d'un léger « hum » quand elle lui raconte les histoires de cul, de cocufiage, de décès, de solitude, de ménopause, d'héritage, de gosses et de cleps malades ou bien crevés que lui racontent ses clientes, Didier n'adresse pas la parole a sa femme. Il la voit comme une colocataire plutôt utile pour faire le ménage, la bouffe, que c'est pratique pour payer les factures et sauver les apparences, et il attend patiemment le jour ou ce barbare d'épicier l'entraînera dans son Harem, la voilera, la fouettera, la lapidera et lui fera récurer ses chiottes a la Turque comme ont coutume de faire les Arabes avec leurs femmes. Il monte le son de sa télévision et laisse sa pie Espagnole hystérique déblatérer des conneries en fond sonore.

Didier est patriote, Charlie, Paris et surtout Marine, même s'il lui reproche le sale coup qu'elle a fait a ce brave Jean Marie.

Il fait partie de cette génération « du creux d'entre deux guerres » comme il aime dire. Il est persuadé qu'il crèvera avant l'invasion définitive des basanés et dans un élan de courage factice, il le déplore, il aurait voulu prendre les armes. Il lui arrive le soir devant l'écran plat de cracher sa haine et un peu de bière en s'emballant devant des reportages sur les trafics en banlieue, les joueurs qui chantent pas la Marseillaise, les afflux massifs de migrants ou le marché de la viande Halal.

Il déteste Harry Roselmack et regrette que la présence de Jean Pierre Pernod ne se résume qu'au JT de midi.

Ses potes a l'usine sont du même avis : Ils sont partout, a la tv, en équipe de France, au gouvernement, ils volent nos jobs, nos pains au chocolat, nos femmes ! Une chance qu'Irène soit ménopausée, il s'en serait rendu malade de la voir se faire manipuler par l'épicier vicieux appliquant son processus d'invasion a la lettre. Elle ne l'a pas toujours été.

Irène lui a donné deux jolies filles.

L'aînée, studieuse et brillante, est partie vivre au Québec et jouis d'une situation convenable, elle prend des nouvelles des deux vieux de temps en temps.

La seconde, âgée de 25ans, a disparue des radars, silence radio, comme morte. Adolescence sulfureuse et difficile, reniant les valeurs de la chèremère patrie, elle n'a ja mais voulu faire d'études et encore moins travailler, en total désaccord avec son père, qui la considérait comme une droguée pestiférée, elle a mis les voiles a l'age de 20ans, en levant son majeur et en laissant derrière elle quelques cadres photos ou trône un magnifique ange a couettes dont le sourire éblouiraitmême l'aveugle lambda.

Didier pense a elle parfois, et ça le rend nostalgique. Il se demande ou elle est et ce qu'elle fait, ça le rend inquiet. Il prie parfois le soir pour demander a Dieu de veiller sur elle, et espère que la chance tournera pour elle. Il aimerait pouvoir juste la revoir une fois, histoire de s'assurer qu'elle est en vie, mais surtout pas pour s'excuser, demander pardon non, ce serait mal connaître Didier.

Mais inutile de penser a ça ce soir, ce soir c'est son anniversaire, ce soir c'est fiesta, il s'efforce de se le dire,même si ça vie de merde se reflète dans toutes les vitrines devant lesquelles il passe.

Il est 3H du matin et Didier zigzague entre les obstacles invisibles en marmonnant des choses inaudibles pour ceux qui n'ont pas pris poivrot première langue. Il se trouve a quelques pas des caravanes ou les femmes échangent un peu de bon temps contre quelques pièces. Il tâte ses poches, et voyant qu'il lui reste du blé, il se dis qu'il allait se payer une pute pour son cadeau d'anniversaire, briser la jachère sexuelle, il est bien décidé a se payer une pute qu'il prendra violemment par derrière comme comme sur toutes ces adresses de sites qui pullulent dans son historique, il qu'il la remplira de frustration jusqu'à ce qu'elle ait les yeux blancs.

Il se dirige vers la seule caravane qui semble encore être en activité. Elle bouge comme un bateau piégé en pleine nuit de tempête et il peut entendre les râles de l'agonie de la ou il est. Il avance vers la porte, la bicoque a la bougeotte et la lumière balance au beau milieu des cris. Il essaye de se concentrer pour lire l'écrito qui pend sur la poignée mais ça bouge trop et sa vision troublée par l'alcool est floue. Les cris de douleur au dedans persistent, c'est limite glauque, et ça lui fout un peu la frousse. Deux longues minutes plus tard, la séance de torture s'achève, et l'océan redevient paisible. La caravane est immobile. Sur l'écrito, il est écris : « OCCUPE ». Sans blague.

Ce qui semble venir de se passer refroidi quelque peu Didier qui se sent soudain épris d'un sentiment de compassion, de pitié a l'égard de cette prostituée qui vient sans doute de passer un sale quart d'heure. Il est bourré mais chose étonnante, il fait preuve d'humanité et culpabilise de vouloir donner un peu d'excitation a sa vie de merde en poussant un peu plus celle de cette pute a la sauvette dans les sables mouvants du royaume de la pauvreté.

Des sueurs froides le prennent d'assaut quand il commence a se remémorer l'écho des cris de souffrance encore tout frais.

La gêne s'empare de son esprit.

Il se donne des alibis pour fuir : il est certainement trop saoul pour arriver a avoir une érection décente, son prédécesseur va lui laisser un cadavre sur le dos et il ferait mieux de déguerpir avant que les flics se pointent, ou encore, que cette caravane est insalubre et qu'il n'a pas envie de s'embêter avec une éventuelle chaude pisse. Bref, pendant que Didier pense a tout ca, la porte de la caravane s'ouvre et un grand black ressemblant comme par hasard a Harry Roselmack sort du baisodrome en le saluant d'un air hautain. Salut. Salut. Juste le temps d'être impressionné par la carrure du type et et la voix retentissante de la prostituée se mis en action avec un strident « SUIVAAAAANT ! ». Didier est abasourdi, figé devant la porte et en panique intérieure. Il aurait bien pu prendre ses jambes a son cou et se barrer, suivant son raisonnement, mais il a fait tout le contraire, comme répondant a une autorité démoniaque, du somnambulisme en quelque sorte.

Ni une ni deux, il prend pas pour monter, puis reprenant un peu ses esprits et un maximum mal a l'aise, il s'arrete net sur le seuil en s'écriant : « Attendez ! J'voudrais… j'voudrais que vous éteigniez la lumière. ».

« Hm, comme tu voudras chéri » a-t-elle répondu d'une voix qui semble bien être celle d'une jeune femme, et elle s'execute.

Il fait maintenant noir et Didier pénètre dans la caravane, la prostituée lui prend les mains et le dirige vers le lit sur lequel elle s'allonge.

Il tâte le matelas a la recherche de formes juteuses, timidement, il paraît nerveux, même dans le noir. Il finit par poser ses mains froides sur le corps encore bouillant de la prostituée, vestige de la lutte qui venait de précéder.

Elle est entièrement nue, et son jeune corps semble êtretrès bien fait, il la caresse gentiment et elle lui dis d'y aller franco, il s'agrippe a ses seins et commence a se détendre, il se lâche peu a peu. Elle lui demande si il veut parler avant, commodités d'usage professionnel, il ne prend même pas la peine de répondre, Didier est lancé, Il commence par manger deux généreux seins, frénétiquement, un court instant, puis s'allonge sur sa partenaire dans un élan quasi épileptique pour la prendre d'assaut. « Eeeh, doucement, on oublie pas la capote ! » s'écrie la pute.

Didier se braque, il s'allonge sur le coté sans dire un mot.

La prostituée attrape un préservatif sur la table de chevet, agrippe le sexe de Didier et voyant qu'il est au point mort, elle entame une fellation conventionnelle. Didier reprend des couleurs dans le noir, et la température remonte. Cette douce caresse buccale lui rappelle l'age d'or ou sa femme mettait encore du cœur a l'ouvrage, c'était exactement la sensation qu'il avait, la, dans le noir, la sensation de se faire du bien avec sa femme et dans un élan de joie intense, sans s'en rendre compte, il chuchote « oooh, Irèèène ».

« … pardon ??? » s'écrie étonnement la prostituée

« Euh, non, désolé, oubliez » répond Didier avec une voix teintée de gêne.

Ils restent immobiles quelques secondes, puis la jeune fille le chevauche violemment, commençant son travail d'usure, essayant de régler cette histoire au plus vite, elle multiplie les va et viens rapides, mais Didier se prend rapidement au jeu et reprend le dessus, il accélère et prend de plus en plus d'élan et de bestialité, retournement de situation et de la pute, il la fait voltiger comme une crêpe, et le voila maintenant sur elle, il l'écrase et lui assène des coups de reins violents, la prostituée semble ne plus savoir ou elle habite, il rentre, rentre, et rentre encore, donne des coups de bélier dans une porte déjà plus qu'enfoncée, une forteresse assiégée des milliers de fois mais il donne tout, « Ça fait 11ans putain, 11ans !! » qu'il gueule en l'étouffant, « 11ans !!!!! », il la tamponne, la malmène, la bouge dans tous les sens avec une violence inouïe jusqu'à la montée finale ou il envoie son corps et sa tête contre un mur, qui viens percuter l'interrupteur et allumer la lumière pile au moment ou Didier est en train de jouir, le clou du spectacle, en peine lumière. C'est alors que la prostituée découvre les traits de son client déformés par la luxure et l'orgasme au grand jour. Comme dans un mauvais rêve, au beau milieu de la réalité, un relent d'effroi vient lui glacer l'épiderme, sa cage thoracique en train de se déchirer et les yeux dégoulinants d'horreur suprême, elle fixe effroyablement ce visage familier.


« PAPAAAAA !!!!!! »

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