Printemps 2011

Jean Louis Michel

Sur le champ de la polémique...

A vingt ans je pensais être sûr de tout, oui, j’étais vraiment bourré de certitudes…un vrai petit con. J’étais sûr que tous les vieux n’étaient que des vieux cons et que je valais bien mieux qu’eux. Ils devaient bien se marrer !

Aujourd’hui je ne suis plus sûr de rien, mais vraiment d’absolument rien. Mes certitudes se sont envolées pour la même destination que mes espoirs. Je ne reconnais plus rien. Je veux dire… le monde dans lequel je vis, je ne le reconnais plus.

Je pensais innocemment que rien ne bougerait, que la France resterait un lieu où il ne se passe pas grand-chose de formidable, ni en bien, ni en mal, juste un lieu comme une collection de cartes postales avec des terrasses où l’on boit des cafés ou des bières fraiches l’été, avec une boulangerie à coté et un restaurant étoilé. La France telle qu’elle est, vue de l’étranger. Un pays de râleurs, rien de plus, avec une brochette de pôv’ cons et de jolies parisiennes pour accompagner le tout.

Aujourd’hui, on débat sur la laïcité pour ne pas dire qu’on débat sur l’Islam, on débat sur l’identité nationale pour ne pas dire clairement qu’on débat sur les arabes. Hortefeux fait des blagues sur les Auvergnats et Guaino fait la leçon aux Africains qui n’ont pas su entrer dans l’histoire.

Bientôt, on ressortira des cartons les pièces de l’expo sur « le Juif et la France » dans l’indifférence générale. J’ai beau tourner la tête, on ne râle que mollement et je me dis que je dois certainement rêver. C’est une situation étrange, comme la minute qui précède l’orage, une simple minute de calme relatif, juste avant la big explosion. Alors je me demande, en est-on tombé si bas que l’on ne sache pas, ou plus, se révolter ? N’y a-t-il pas des débats plus utiles à lancer pour améliorer la société ? Je ne sais pas, moi ; par exemple un débat sur la place de la jeunesse dans le monde du travail, un débat sur la vision à long terme du développement urbain et des énergies propres, un débat sur la solidarité nationale et la contribution des plus riches pour lutter contre la misère chez les enfants, un débat sur la déontologie et les bonnes pratiques des milieux financiers, un débat sur l’instruction, l’éducation et les effets néfastes de la téléréalité sur le développement cérébrospinal des préados etc.

Non, on préfère débattre à coup de saucisson-pinard sur comment renvoyer directement à la mer une épave remplie de boat peoples Tunisiens ou Libyens, sur la peur des honnêtes gens (ces connards qui n'ont jamais vu un noir ou un arabe de leur vie au fin fond de leur petit village de cul terreux mais qui votent FN à chaque élection) face aux « hordes de barbares » qui pratiquent une religion qui n’aurait pas sa place ici, comme si il y avait du jour au lendemain un bonne religion et une mauvaise dans un état qui se prétend laïc.

Les fachos sortent du bois.

Ceux qui pratiquaient de manière honteuse ne se cachent plus. Ils sont cons comme des valises, ont un discours de politique intérieure sur les questions économiques et sociales totalement déconnecté de la réalité, de vrais poujadistes vrais de vrais avec du jambon enroulé autour. Oui, c’est lamentable, je ne reconnais plus rien.

On commence par les musulmans, les arabes, bientôt ce sera au tour des homos, des juifs (non, ça on l’a déjà fait, d'ailleurs Claude Guéan pense à inscrire "Vél' d'Hiv - 1942" sur les plis du drapeau de la police parisienne)…Les Rroms on s’en est occupé l’an passé. Ensuite on refoulera les pauvres dans les lointaines banlieues (Flute, c'est fait aussi, ça), les clodos dans les bois et on finira par s’en prendre aux fonctionnaires, aux profs et aux instituteurs, bref, un vrai programme à la mode nazi.

Et moi dans tout ça ?

Je ferme les yeux mais je vois, je me bouche les oreilles mais j’entends quand même, je ferme ma gueule mais à l’intérieur je hurle.

Si les conséquences n’étaient pas si lourdes de risques, je m’immolerais bien devant le ministère de l’intérieur. Le lendemain je m’immolerais devant l’assemblée nationale et le surlendemain devant l’Elysée, mais malheureusement on n’a le droit généralement qu’à un coup… Et puis le feu ça brûle, ça fout des cloques hyper douloureuses partout et on n’a pas l’air con avec la gueule à moitié fondue.

N’empêche ! Mohamed Bouazizi, le jeune type qui s’est immolé de désespoir a provoqué la révolution Tunisienne de ce printemps, on peut dire qu’il en avait dans le slip !

Plus tôt, Stéphane Hessel, philosophe, résistant, homme de paix, presque centenaire, sortait un petit fascicule d’une trentaine de pages à l’attention de la jeunesse Française, « indignez-vous ! » tout un programme. On n’a pas tardé à voir réagir des politiciens et des philosophes germanopratin sur le ton du « c’est rien, il est vieux, faut pas l’écouter ». Pourtant, il est lucide, pépé. Il sait de quoi il parle, la connerie, la guerre, les camps de concentration, il a quasiment tout connu.

Alors, si j’en avais les moyens, je crois que je partirais, tant la partie me semble désespérée. Je me casserais d’ici, avec un baluchon et un bâton de pèlerin. Je ferais un tour du monde pour aller à la rencontre de ceux qui ont moins que moi et qui ne se plaignent pas. Je m’enfermerais sous terre pendant mille ans (ça, c’est pas possible non plus, merde !) je m’isolerais comme Charles de Foucauld dans un ashram trois étoiles du sud Algérien et je passerais mes journées le cul posé sur un transat, un looping papaye (mais sans curaçao) bien frais dans la main, et je méditerais sur la connerie humaine devant un coucher de soleil sur l’Assekrem pendant qu’une autochtone aux seins nus me ventilerait la nuque à l’aide d’une large feuille de bananier de Cochinchine (ya pas mieux pour ventiler, il parait…) et qu’une deuxième, la poitrine toute autant dénudée que la première, me sortirait de mes rêves absurdes en lançant un « le couscous est prêt ! » en passant la tête par la fenêtre de la cuisine dernier cri dont, bien sur, je serais équipé dans mon ermitage. (c'est pas parce qu'on est ermite qu'on doit vivre comme un clodo !)

Oui, si je le pouvais, je les laisserais tous, ces petits fils de collabos, pourrir dans leur jus et finir de gâter un pays qui avait pourtant inventé la démocratie moderne.

Si je pouvais, je leur ferais bouffer Diderot dans la collection de la Pléiade. Je leur ferais bouffer Hume en VO, et le Capital en teuton, sans eau, à sec ! et je finirais par leur carrer les oeuvres complètes de Montesquieu dans le cul !

Si je pouvais, je les internerais dans des asiles de cons, mais ça n’existe pas. Il y a des asiles pour les fous, pas pour les cons. Pourtant il en faudrait…Mais je vous laisse imaginer la taille des murs !

Oui vraiment, le printemps 2011 est désespérant…et je boycotte le jambon.

...Et finalement non, il est hors de question que je foute le camp, je suis chez moi, j'y reste. Si ça doit finir en baston, je distribuerais des marrons...

Commentaire de Margot :

Quel dommage que dans vos lectures le manque de Simone de Beauvoir se fasse si cruellement sentir... C'était tellement bien, jusqu'à ce que vous vous révéliez un macho primaire. :-(

Réponse :

Ma chère Margot, je ne sais que vous répondre…

Bon, je pourrais commencer par Simone. J’ai bien compris que l’angle d’attaque est purement féministe. Vous me soutenez sur le front de la lutte contre la connerie frontiste, et je vous en remercie. Si, si ! Se trouver des alliés aujourd’hui n’est pas chose facile. Mais, critiquer la fin ne manque pas de piquant pour qui me connaît réellement.

Féministe, je le suis moi-même. Je vous l’assure !

Oh, pas vraiment un féministe militant, non, ni intellectuel. Plutôt un féminisme du quotidien. Je vous étonnerais certainement si je vous disais que même les blagues machistes, je ne les apprécie pas vraiment.

Pour vous donner un exemple, je déteste vraiment qu’on use et abuse de l’image d’une femme nue pour vendre du savon, du gel douche ou de la lessive dans les publicités, et je déteste tout autant que certaines comédiennes ou chanteuses se croient obligées de poser régulièrement en maillot de bain pour exister. C’est vrai, quoi ! Vous avez déjà vu Iggy Pop ou Depardieu faire la couverture d’un magazine en slip léopard ? Le féminisme se loge ici pourtant. Sur l’image de la femme au quotidien.

Nicole Kidman a-t-elle vraiment besoin de dégrafer sa robe pour vendre du Schweppes ? Charlize Theron a-t-elle vraiment besoin de se déloquer progressivement pour vendre du Dior ?

Bon, je m’emporte. Et puis, qu’est ce qui vous dérange vraiment dans cette image des deux « autochtones» aux poitrines dénudées ? Qu’il y en ai une à la cuisine et l’autre à me souffler dans le cou comme deux symboles de l’oppression machiste fantasmée ? L’éternelle place de la femme à la cuisine ? Ou alors qu’elles soient partiellement nues, comme deux objets sexuels potentiels ?

Si vous voulez, je pourrais les remplacer par deux mecs torse nus… Et puis j’aurais peut-être plus de chance de tomber sur un bon cuistot. Vous avez remarqué comme les chefs étoilés sont généralement des mecs ?

… Non !!!! Je déconne encore !!! En fait, je vous charrie un peu là.

Ensuite, si l’attaque est purement sexuelle, je vous ferais remarquer, que l’idée d’un plan cul avec deux mecs fait partie d’une grande majorité des fantasmes féminins, avouez que vous en avez déjà rêvé ! Mais là n’est pas le propos, rien de sexuel là dedans, je peux vous l’affirmer et même, je me fous totalement de votre vie sexuelle.

En réalité le propos, comme vous l’aviez quand même deviné était de livrer le fond de ma pensée sur le retour sur le devant de la scène du front national et de ses idées, de réagir de manière sans doute épidermique sur ces enfants de la « bête immonde » comme disait Berthold Brecht ; vous vous souvenez ? (« Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde. Blablabla…»). Cette situation, je la trouve suffisamment grave pour que l’on doive en parler, mais je ne voulais pas finir sur une note entièrement négative ou dépressive. Ma méthode à moi, pour lutter contre le désespoir consiste à utiliser l’absurde, le grotesque ou le burlesque. C’est pour cette seule raison que la fin du texte se barre en sucette.

Enfin, pas toute la fin, parce qu’ensuite, je redeviens sérieux et vous avez peut-être fait l’impasse sur cette dernière phrase : « ...Et finalement non, il est hors de question que je foute le camp, je suis chez moi, j'y reste. Si ça doit finir en baston, je distribuerais des marrons... »

Je finirais enfin par ceci :

Vous me dites : « Quel dommage que dans vos lectures le manque de Simone de Beauvoir se fasse si cruellement sentir »

Je vous répondrais ceci, Simone est morte, et bien morte même, depuis 86. Ça fait un bail. Je ne dis pas que son discours était absurde ni son combat illégitime, mais la société à évolué. Le féminisme s’est barré sur de nouveaux terrains de lutte et le discours à évolué. Le féminisme de première ou de seconde génération à laissé la place à celui de la quatrième génération (déjà). Laissez tomber Simone de Beauvoir, intéressez-vous à Wendy Delorme (Quatrième génération) ou même Virginie Despentes (king kong Théorie), plus cru, certes, mais plus d’actualité, plus réaliste ; et cessez de vous battre contre des moulins à vent, ne soyez pas toujours si sérieuse, ne dégainez pas à la moindre occasion. Ce qui a décrédibilisé le féminisme de type MLF c’est le manque d’humour, ce militantisme castrateur.

Ne vous en déplaise, ma chère Margot, je continuerais sans doute avec mes histoires de cul, et parce que je suis un indécrottable hétéro, il y aura des femmes à poil (ou sans) dedans. Si j’avais été gay, il y aurait certainement eu des mecs balèzes super bien montés, avec moi dans mon ashram trois étoiles du sud Algérien et si j’avais été une femme, l’un d’eux aurait peut-être la gueule de Clooney et l’autre celle de Brad Pitt, je ne sais pas… En tout cas, s’il s’était agi de mecs, personne n’aurait hurlé au loup et ça me fait croire que sans doute le militantisme féministe que vous illustrez est un fascisme comme un autre.

Cordialement...

  • Et bien tu as eu de la chance Junon car Iggy Pop en slip c'est uniquement dans le grand nord et Depardieu c'est à peine s'il le remet pour monter dans sa BM, le cuir ça colle. Et je crois que c'est ça qu'il voulait dire qu'il y a aussi des messieurs dont la nudité est le fond de commerce. Enfin c'est pas très pointu ma remarque.

    · Il y a presque 13 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • Bon, je ne me plains pas vraiment d'échapper au spectacle d'Iggy Pop ou Depardieu en slip léopard... Pour le reste, évidemment, j'approuve. Féministe mesurée je suis, je ne traque pas le macho derrière chaque homme que je croise, mais je reste attentive, car les vieilles idées aux relents puants ont la vie dure, et la fâcheuse manie de ressortir régulièrement de derrière les fagots. Dans ce lot-là (Oh, Lola !!), celles qui me font le plus gerber sont celles haineuses qui stigmatisent "l'étranger" pour mieux faire passer tout le reste.
    La seule certitude qui me reste est qu'il ne faut surtout pas partir, mais occuper le terrain, et oui, s'indigner, comme on le peut, un peu chaque jour, pour ne pas laisser s'installer l'indifférence.

    · Il y a presque 13 ans ·
    Jos phine nb 7 orig

    junon

  • Tu vois comme suis bécasse, mais peut-être "Qué cé n'a pas vrrraiment sangé" ?

    · Il y a presque 13 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • Au temps pour moi Eaven, c'est Guaino, bien sûr, où avais-je la tête ! Et c'est bien "printemps 2011" ce texte est vieux d'un an, la suite arrive !

    · Il y a presque 13 ans ·
    Stamped 500

    Jean Louis Michel

  • j'ai aimé du début à la fin. beaucoup de phrases m'ont interpellée.
    comme d'habitude j'aime ton humour "l'air de rien".
    je suis une féministe aussi, mais pas acharnée. je voudrais que la femme soit l'égale de l'homme dans l'esprit des gens, pas forcément qu'elle sache se servir d'une clé de 12 (ça existe au moins une clé de 12) ou qu'elle se gratte l'entrejambe...
    une femme bien dans sa peau qui peut se faire appeler mademoiselle si ça lui chante.
    avec des hommes bien dans leur peau qui leur demanderaient conseil devant tout le monde au lieu de le faire sur l'oreiller.

    · Il y a presque 13 ans ·
    Img 0052 orig

    Karine Géhin

  • Le reste assez d'accord, sauf que les frontières pèsent toujours, sauf que ma tolérance s'arrête net devant le voile assumé, consenti ou contraint, déjà celui des bonnes sœurs m'énervait. Mais je me souviens de Rachid Taha que je trouvais violent maintenant je trouve qu'il était poli, avec les gens qui osent donner des leçons en ce moment c'est triste France qu'il faudrait chanter, surtout quand guéant n'est là que pour agiter un chiffon noir sur lequel tous les médias se jettent en laissant toutes les vraies questions de côté. Y en a pas un qui pourrait dire que les manip à deux balles sont transparentes ?

    · Il y a presque 13 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • Pfff, mon long commentaire a sauté. Je refais mais télégraphique :
    - L’Afrique c'est guayno pas guéant
    - le printemps c'est 2012
    - Les femmes qui le font avec deux hommes n'ont pas bien pigé qu'elles font de la figuration (si,si)
    - Super contente d'être désirable mais si les femmes ne gagnaient pas 35% de moins en moyenne et si les mecs arrêtaient de nous parler parfois et encore comme à un Westy qui attend son Sheba

    · Il y a presque 13 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

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