Psychose

Pierre Scanzano

Un meurtre possible, calculé, pensé, de Manhattan à Clichy

Il faut une intrigue solide qui tienne les lecteurs par les couilles. Qui ne les laisse pas respirer, sans avoir dans le ventre une boule d'angoisse et de plaisir ! Avant tout, rester vigilant. Ne pas se disperser ! Tenir le cap. Les gars de welovewords l'ont écrit : pas plus de 6000 signes. Non, et non, ne pas se décourager. L'écrire, là, maintenant, ce dimanche, à quelques heures de la clôture du concours : meurtre à Manhattan. Il faudrait une affaire explosive ; politico-financier, avec de la mafia cruelle dedans, genre : assassinat de Kennedy " revisité par mon génie du meurtre à sensation, expliqué, mis à plat ". Oui, oui, d'accord sur le principe mais, la commission Warren l'a détaillé, elle,  à l'aise, avec des milliers de pages ! Non et non, non, - ne pas perdre le fil, le fil, le fil. Le suivre avec la totalité des sens, en éveil. Se concentrer ! Ne pas se disperser en conjectures fumeuses. Aller directement à l'essentiel, à l'os. Oui, moi je veux bien, mais c'est drôlement compliqué. Les responsables de, welovewords, sont inflexibles et l'ont tanné, bien explicité. Faire c-o-u-r-t, dense, haletant. Le rouage qui tient debout l'ensemble, doit être presque subliminal. Il faut tirer l'histoire au clair par paliers subtils ! Mais nom de dieu ! Je suis déjà à 679 caractères et je n'ai rien pondu de concret qui tienne la route ! Non! non! non! et non ! Ne pas perdre le fil, la pelote.  Penser, vivre, boire, manger, déféquer en pensant au fil, le fil... La trame, la trame, l'ombre, le pas de l'ombre de la trame. Lente rapide, énigmatique. Hi !  hi ! hi ! Etre bestial, hi ! hi ! hi ! Pardon ! Pardon ! Mais avec la couenne grasse, épaisse, de celui qui a vécu l'enfer. Qui s'en est sorti à coups de coude, distribuant des baffles ; crevant l'oeil au destin. Tirer, tirer à soi le fil de soie des évènements qui claquent dans l'esprit du lecteur ; l'étirer pour mieux le dérouler ! Une énigme franche, allez, tovaritch vas-y, déchire la page, recommence dans ce fleuve ! Oui, mais c'est... c'est... facile à dire, expliquer un meurtre dont moi même  j'ignore de quoi cela tient qu'on tue et massacre. Se concentrer, ok ! Se concentrer, ne pas perdre le filin. Tenir la barre, conclure : rabattre l'histoire. Ne pas baisser les bras à la moindre difficulté. Le gars de welovewords sont inflexibles sur ce sujet, et ont été clairs : pas plus de 6000 caractères - et je suis à 1076. Toutefois, je suis instamment pressé par le temps. Je n'ai pas de temps pour m'informer davantage sur la manière d'assembler le puzzle d'une histoire avec meurtre. Pierre, mon ami stakhanoviste émérite, il faut lire Orwel, George Orwel. Et... et, et... aussi Asimov, Isaac Asimov, lire, lire, les disséquer mot-à-mot. Ah ! je pourrait même y inclure un tueur qui rappelle le tueur du Zodiac, hein ! Jamais découvert, fort, très très fort, pour un cinglé assoiffé de sang ! Oui oui,  mais entre autre... il ne faut pas que je me disperse comme Bouvard et Pécuchet. Il me faut du tonus d'acier, de la hargne sanguinolente. Il faut que j'en bave, et par conséquent que je fasse baver le lecteur. Je l'ai compris, intégré. Mais, il me manque une énigme avec et par du cul. Le sexe interpelle, vous attire, aimante. Le sexe interpelle n'importe qui, aussi bien un mollusque qu'un Bonobo désintéressé. Oui, oui, oui, tenez... l'amant obligé de se terrer terrorisé dans l'armoire de la chambre à coucher - tandis que la mari rustre, ignorant revient à l'improviste au bercail. Non, non, non ! c'est plat, fade ! Trop simple, cuit et recuit. En somme, ne pas perdre le fil, Pierre, le fil, le fil, conclure par la chute qui tuera le suspens. Les responsables de welovewords ont été bien clairs sur ce sujet ; une nouvelle courte condensée, avec des rebondissements dignes de Tom Clancy. D'ailleurs il a clamsé, le brave. La place est vacante :  à moi d'en profiter ! Oui, mais lui pouvait s'épancher avec des pavés, écrire, écrire sans limites. Impossible, i-m-p-o-s-s-i-b-l-e, les mots défilent, m'échappent. Les mots s'acharnent à me fuir. Et cette logorrhée de mots, dans ma tête, qui n'en finissent pas de couler dans le vide. Non, et non, tenir la barre, le cap - regarder fixement dans les yeux l'horizon ! Le rapprocher à soi, ainsi reprendre le fil, le fil, se calmer, le fil dans l'oeil, la pelote du fil - calme-toi Pierre. Tu as les capacités de faire d'une nouvelle l'oeuvre indispensable qui manquait à l'humanité.  Oui, mais c'est bien gentil d'y penser ! comment faire bref, quand il y a tant à écrire? Tenez, la bible : un sacré livre, y a des meurtres là dedans ! Long, trop touffu. Moi, je l'abrégerais en ces mots laconiques : Dieu dit : " je t'ai crée, débrouille-toi" et vlan ! Oui mais, non et non! là, je me fourvoie dans rien, ( porca miseria ). Le temps presse, d'ailleurs ; c'est devant ce mur qu'on voit le maçon ! Non et non !  Je dis tout et n'importe quoi. Le meurtre, penser : meurtre à Manhattan, une énigme à vous couper le souffle, ou alors il faudrait y inclure un peu de philosophie, non ? Ah, j'aime Nietzche : Humain trop humain ! quel livre ! De la morale, du sens. Bon ça suffit ! Pas besoin de morale. Il faudrait une bombe, et pourquoi pas une bombe atomique, dans Manhattan ? En suite du  11 novembre  2001 ? Le terrorisme mental ça serait génial non ? Là à Manhattan en feu? non ? Un big-bang expliqué par les meurtres ; une nouvelle écrite en vue du prix Nobel de la paix. Ce serait bluffant non? Eh, et que même Stephen Awking a du mal à expliquer. Moi je sais ! " Le big-bang est l'oeuvre d'un être qui cherchait de l'or, avant le monde. Il fit exploser la caverne qu'il découvrit par hasard avec  du TNT spécial. S'ensuivi ce fameux big-bang, ainsi il découvrit l'univers." Voilà c'est simple ! Inutile de chercher midi à quatorze heures. Non , non,  oh! la! la! la! Je dis encore non. Je le répète,  garder le calme ; écrire sur un meurtre à Manhattan un soir de janvier pluvieux, facile à dire ! On ne sait pas tout des défauts humains. Oui, mais il faut du cran, écrire vite, me saigner le cerveau. Oh miséricorde, je suis à 3750 caractères, et toujours à bavasser sur rien ! Non, et non, rappelle-toi Pierre, les gus de weloveword l'on écrit noir sur blanc : faire bref, condenser et conclure avant 6000 mots...

Chéééri, tu viens diner ? la soupe t'attend ! (c'est ma femme, très acariâtre, mais gentille).  Déscends-tu ? Ou je viens te chercher ? ( cette femme ne comprend pas ma valeur intrinsèque ) Alors, ça vient ? Tu crois toujours que tu est prêt pour le prix Nobel ? (elle m'énerve avec ses piques) T'es même pas capable de trouver un job correcte. Cela fait 3 ans que t'es vautré dans le chômage, la complaisance et la fainéantise du génie incompris, qui bosse dur sur rien de concret. N'est-ce pas  mon trésor?

(j'ai comme envie d'un crime parfait à mon actif !  Un jour je finirais par l'éliminer avec une dose de polonium... C'est discret, presque compatissant...tiens tiens. Une idée à creuser, j'y mettrais presque la main à la pâte... pour une future nouvelle, avec une intrigue des plus géniale.

Là, les gars de welovewords en seront scotchés).

J'arriiiiive mon amour, j'arriiive !

(à suivre... qui sait... rdv au parloir de la Santé...)



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