Quelqu'un

Il me faudrait quelqu'un pour ne pas dormir. Pour partager mes insomnies et parler toute la nuit. Attendre le jour pour se jeter dans les bras de Morphée. Il me faudrait quelqu'un pour vivre en décalé. 

Dessiner et écrire dans des cafés. Humer l'odeur du café brûlant et du tabac froid. Quelqu'un pour partager le silence, et attendre que la pluie cesse. Faire de " Carpe Diem " notre devise.

Sauter dans les flaques et marcher sur les rochers. Se lever à 7 heures du matin pour voir le lever du soleil. Quelqu'un pour me suivre n'importe où, n'importe quand. Quelqu'un pour m'emmener et me traîner partout. 

Acheter des croissants à 5 heures du matin, marcher toute la nuit, prendre le bateau pour rejoindre Jersey, fouler le sol des aéroports, courir dans les champs. Il me faudrait quelqu'un pour me disputer et crier ma haine. Quelqu'un pour pleurer. Pour dire n'importe quoi.

Quelqu'un pour traîner dans les gares et imaginer la vie des passants. Inventer la vie des autres, acheter des cartes du monde et désirer aller plus loin. De Tenzompa à Iskushuban. De Islamabad à Karasjok. Crayonner des dessins immenses, peindre des murs. Maquiller nos visages et nous prendre pour d'autres que nous. Construire des murs de livres, lire des récits entiers à voix haute. Que le vin coule dans nos veines. Que la musique frappe nos tympans. Il me faut quelqu'un pour déchiffrer le monde. Lire des textes latins et apprendre Rimbaud. User nos feutres sur des feuilles quadrillées. Prendre des cirés et courir sur la plage. Prendre les autres pour des fous, se dire qu'on est les meilleurs. 

Quelqu'un pour partager ma solitude, parler politique et manger des CocoPops. Goûter toutes les bières du monde et faire semblant d'être poli. Claquer de l'argent dans des musées. Vivre tout et vivre de rien. Ecrire des poèmes, vénérer Belmondo. Passer des jours entiers au cinéma. Quelqu'un pour vivre, quoi.