Quich dans ton réseau étendu

milie--2

Synopsis :

Après la traversée d’un désert sentimental intersidéral, Amélie décide de reprendre sa vie amoureuse en main. Déjà cinq ans qu’elle a fui Paris, reprenant racine dans son Nord natal. Obnubilée par son travail, elle continue d’ignorer la femme qu’elle est devenue. Elle avance coûte que coûte, en bon rouleau compresseur. Mais c’était sans compter sur ce corps qu’elle habite : le fourbe se rappelait à elle bien trop souvent. Lors d’une cure à l’hôpital espérant anesthésier et mater ses douleurs, elle se réveille enfin de  son long sommeil : la carapace qu’elle avait mis tant de temps à construire s’effeuille dans un strip tease sans fin la laissant nue et désarmée. Elle se fixe alors un challenge : 2008 sera son année. C’est sûr, elle la sent bien, quelque chose de dingue ! Aimer c’est certes souffrir mais c’est aussi se sentir vivante, sortir enfin de son sarcophage de reine des glaces.

Elle se lance à corps perdu dans des histoires que toutes ses amies lui déconseillent, essayant de rattraper le temps. Le net est son allié mais aussi un ennemi redoutable : Amélie trébuche, se prenant les pieds avec naïveté sincère dans la toile et son réseau. Pas simple pour une trentenaire de s’y retrouver dans cette carte du tendre qui en dix ans a bien changée, revisitée par le web, et où dérivent de belles ‘planches pourries’ aux ‘casseroles’ plus ou moins récurables…

Entre exaltation, déceptions, pêtages de plombs, vous suivrez la remise à niveau sentimentale d’Amélie. Humour, grincements de dents, introspection et retournement de cerveau sont au programme. Et qui sait ce que cette année lui réservera.

Préambule : La Crevette

Chapitre 1 : Guacamole et Tortillas

Chapitre 2 : Le Rouleau Compresseur

Chapitre 3 : Two Thousand Eight

Chapitre 4 : Jean, Chapitre 27, versé 40-12

Chapitre 5 : Petite musique sur Monspace

Chapitre 6 : ‘Dès que les vents tourneront nous nous enallerons de requin’

Chapitre 7 : « J’ai froid » « Met un pull »

Chapitre 8 : La théorie des Casseroles

Chapitre 9 : Avec son air de ne pas y toucher

Chapitre 10 : All by myself just wannabe

Chapitre 11 : Embrouilles et msn

Chapitre 12 : Retour de flamme

Chapitre 13 : Copenhague

Chapitre 14 : La fuite du temps

Chapitre 15 : Toutes les femmes sont de vilaines sorcières

Chapitre 16 : Quich’ Club

Chapitre 17 : Mythiques boys

Chapitre 18 : Mir Express

Chapitre 19 : Le club des lopettes

Chapitre 20 : Quich’ Lit

Chapitre 21 : Après l’Amour vient l’amertume

Chapitre 22 : La roue tourne

Chapitre 23 : All I want for Christmas is you

Chapitre 24 : Chat versus Souris

Chapitre 25 : Les amis de mes amis sont mes amis

Chapitre 26 : Paris – Pointe à Pitre – Les Saintes

Chapitre 27 : Torpeur des tropiques

Epilogue : Trash Nouvel An.

La Crevette

11 Août 2003, Paris 39°C (25°C cette nuit)

Jenny leva les yeux au ciel et secoua ses parfaites boucles rousses comme si elles pesaient plus que d’ordinaire sur sa tête, à moins que ce ne soit son trop gros cerveau ? Comme à son habitude, elle était assise derrière son bureau dominant l’openspace et gardant un œil sur tous ‘ses’ créatifs qu’elle méprisait tant. Elle venait de demander pour la ixième fois à Claire - ma stagiaire - de lui ramener un verre d’eau. Ça la changeait de son café habituel, il faut dire que la température n’incitait personne à boire chaud. Ma pauvre Claire s’exécuta une nouvelle fois, cela faisait belle lurette que nous avions renoncé à toute protestation. Je me souviens encore du jour où je lui avais demandé si son fessier royal était trop lourd… terrible erreur… Pierre, auprès de qui elle s’était empressée de se plaindre, avait lamentablement pris sa défense disant :

-       ‘Mais ça ne va pas tuer Claire de préparer un café pour Jenny. Si elle s’en fait un pour elle, elle peut en préparer pour les autres’

Sauf que Claire ne buvait pas de café mais du thé. Ma rébellion m’avait valu une série de brimades diverses allant des menaces verbales habituelles, jusqu’à omettre de me passer les clients ou les fournisseurs dont j’attendais un appel urgent. J’avais eu beau en parler avec Pierre, il prenait systématiquement sa défense, il est devenu évident alors qu’une secrétaire était plus importante qu’une architecte d’intérieur qui travaillait sur cinq projets en même temps. De son côté Claire en avait déduit que le meilleur moyen d’avoir la paix était de ne pas moufeter et d’obtempérer le plus rapidement possible pour s’en débarrasser. Elle n’avait eu droit qu’au traditionnel ‘je vais te tuer’ en lui ramenant son verre d’eau, parce que ça n’arrivait évidemment jamais assez vite. A contrario, mettre une heure pour faire l’aller-retour au bureau de poste au bout de la rue était tout à fait normal. Sa paire de seins siliconées pesait bien au bas mot dix kilos, alors ça la ralentissait terriblement. De plus, il n’y avait pas que sur sa tête que poussaient des poils roux : une touffe énorme avait émergé dans sa paume de main au fil des mois - au moins cinq kilos de plus - à ce stade-là, on ne parle plus d’avoir un poil dans la main…

La chaleur était étouffante, la ‘canicule’ s’était abattue sur Paris quelques jours auparavant et atteignait des sommets aujourd’hui. Pour la troisième nuit consécutive j’avais dû dormir la fenêtre ouverte, comme tous les parisiens et les touristes piégés dans une capitale brulante. Enfin dormir était une simple vue de l’esprit, ayant dans le même pâté de maison une résidence hôtelière alimentée principalement par des cars d’allemands en shorts, carburant à la bière et à la piquette qu’ils achetaient au supermarché du coin en sortant du métro. Evidemment, eux non plus n’arrivaient pas à dormir, et s’interpellaient de balcons à balcons. C’est étrange comme sous le coup de la colère et de l’exaspération, j’avais su retrouver dans les tréfonds de mon cerveau les plus belles injures en allemand, réminiscences de mes échanges scolaires au collège. À deux heures du matin, la nuit devint silencieuse, à quatre heures le soleil se leva. Moi aussi.

Cela faisait presque deux ans que je travaillais à l’agence Pierre Burke architects. Au début nous n’étions que quatre travaillant chez lui et faisant parfois la nounou pour son fils à la sortie de l’école, épongeant les ‘paquets cadeaux’ de leur chiot qui aimait particulièrement mon fauteuil. L’ambiance était détendue, et plaisante. Pierre originaire de l’Arizona avait atterrit à Paris par amour quinze ans auparavent, et faute d’avoir pu faire valoir l’équivalence de son diplôme d’ingénieur architecte, il s’était résigné à faire de l’architecture d’intérieur. Une rencontre décisive lui ramena la rénovation d’un appartement en duplex sur les Champs Elysées, et ce fut l’engrenage. Son travail détaillé et son professionnalisme lui ramena les amis de ce riche investisseur Américain, et nous nous retrouvions à rénover des appartements dans les plus beaux quartiers de Paris et également quelques Villas en Provence. Il devint alors impossible de réaliser à deux la montagne de travail qui arrivait. Pierre dût embaucher et déménager son agence. De l’équipe de départ il finit par ne rester que moi, et Pierre décida alors de recruter une ‘assistante’ et quelques nouveaux collègues. Cela faisait trois mois que nous avions emménagé à Oberkampf dans un quartier ‘branchouille’, sous les toits au sixième étage. Dès le départ, Jenny ne m’inspira pas confiance. Quelque chose sonnait faux dans son discours et elle était tout ce que je ne supportais pas chez une femme, c’est-à-dire exubérante, sans gêne, grande gueule, avec un accent américain exaspérant, une voix pointue, des jupes raz la moule… bref clairement vulgaire mais terriblement prude : une belle contradiction dont seules les américaines ont le secret. Je n’avais pas compris quels étaient les critères d’embauche de Pierre, je ne pouvais me résoudre à croire qu’il s’agissait d’une banale histoire de cul. Stéphane, un architecte avait également rejoint notre équipe, ainsi que deux étudiants en école d’architecture : Vincent et Angéla.  Vincent et Stéphane s’entendaient comme larrons en foire et formaient un magnifique duo de glandeurs. Angéla était toujours horriblement stressée et brassait de l'air en permanence, donnant l’illusion de travailler beaucoup mais m’obligeant tous les jours à reprendre ses plans. Se cachant derrière son manque de vocabulaire, (elle est originaire de Madrid), elle prenait des airs de fille fragile apeurée, au bord des larmes, dès que j’osais la reprendre ou critiquer les torchons qu’elle me grattait, horriblement exaspérant. Une belle équipe de bras cassés. Heureusement pour moi, il eut l’idée lumineuse d’embaucher Manue, elle aussi architecte qui devint très vite une de mes meilleures amies d’autant que nous habitions le même quartier. Mais Manue ne fut pas dupe longtemps du petit jeu des trois autres gugusses et quitta le navire rapidement au bout de six mois, en ayant assez de faire le boulot de trois personnes et d’être payée au lance pierre. De plus le ton de voix de Jenny lui était devenu intolérable, et elle était assez rapidement devenue son souffre-douleur puisqu’elle était la dernière arrivée.

Cela faisait maintenant trois mois qu’elle était partie, Pierre avait alors pris Claire en stage pour faire son travail, comme si une stagiaire pouvait à elle seule assumer une telle charge de travail. Je due alors à mon tour, en plus des cinq projets sur lesquels je travaillais, récupérer les boulettes des autres et me taper leurs charrettes. Déjà qu’on m’avait refilé tous les moutons à cinq pattes et les clients les plus chiants : ça commençait à faire beaucoup.

Pour couronner le tout, un peu avant le déménagement de l’agence, j’avais déclenché plusieurs douleurs dont une vicieuse au pied gauche et quelques vertiges me prenaient fréquemment sur le trajet pour aller au bureau. Le départ de Manue, dernier rempart au ‘Dragon Jenny’ avait accentué le phénomène et je commençais sérieusement à vomir Paris par tous les pores. Ma vie amoureuse était un désert intersidéral sans limites alors que mes amies se casaient toutes les unes derrière les autres. Cela faisait sept ans que j’étais là. Arrivée pour un deuxième cycle d’étude à l’école Boulle, j’étais restée travailler dans les plus grandes agences. Je sentais que pour moi la boucle était bouclée et que Paris ne me donnait plus rien mais me prenait beaucoup : ma bonne humeur notamment, et ma santé surtout.

Mais bizarrement aujourd’hui mon pied ne me fait pas mal, et sur le chemin pour aller à l’agence ce matin à 6h, j’étais extrêmement légère. Je ne pus admirer comme à mon habitude le panorama que le parc de Belleville offrait sur la ville n’apercevant que le haut de la Tour Eiffel émergeant d’un nuage bleuté, consciente qu’en descendant j’allais me faire avaler toute crue par la pollution et me faire sérieusement défoncer les sinus. Malgré tout j’étais fraiche et pimpante, souriant aux gens harassés, écrasés par la chaleur ; mon trophée dans la poche, enveloppé dans un sac plastique.

  • Jenny, Pierre, Claire, ça démarre sur les chapeaux de roue... Bonne chance Mille ! Prévenez-moi si vous passez en finale et que je puisse lire la suite (sauf par chance mon roman s y retrouve aussi)

    Christophe

    · Il y a presque 14 ans ·
    Bon anniversaire orig

    christophe-prat

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