Quoi ?

petisaintleu

Quand j'étais enfant, je m'étais habitué à prendre des coups. Lorsque les sévices sont rituels (dans mon cas, il s'agissait pour mon paternel d'un défoulement digestif d'après dîner), on n'y prête  pas plus d'attention que de de se laver les mains ou que d'être privé de la moindre attention maternelle. Quant au créneau horaire, nous le devions très certainement à l'état d'alcoolisation, propice à la désinhibition.

Mon papa, très pédagogue, avait pris grand soin de m'expliquer qu'au vu de sa situation de notable, il était illusoire de chercher à me plaindre auprès de tierces personnes. Qui aurait pu me croire alors que je n'avais jamais manifesté le moindre appel de détresse derrière mes espiègleries ? Et que, sans doute grâce à un apprentissage acquis dans sa jeunesse, il maîtrisait l'art de ne laisser que d'infimes traces corporelles. 

À l'adolescence, l'acné ferait plus de dégâts. Il ne serait pas de bon ton que vous tentiez aujourd'hui l'expérience sur vos chères têtes blondes. Les temps changent. Mais, croyez-moi, l'arsenal des vexations ne demande pas des moyens très développés.

Et, j'étais pragmatique. Je savais que le moindre signe de faiblesse doublait la punition en durée, voire en intensité. C'était extrêmement fâcheux. J'avais beau avoir la peau tannée, je n'étais pas à l'abri des larmes, non pas de douleur, mais parce que c'était du temps perdu pour me plonger dans la lecture de ma bible, le Quid 1976.

Que n'ai-je appris sur la démographie de L'URSS, les Valois directs ou sur la méthanisation ? Quid, Quid chéri, qui parce que mon innocence m'était volée, m'a ouvert tant d'horizons au bout de mes doigts crasseux d'une tartine de camembert jetée en pitance. En l'espace d'un éclair, j'allais d'Ayers Rock à Nazca, de l'Empire romain à la crise de Suez, de Van Eyck à Will Barnet, du Roman de Renart au Nouveau roman, du chant grégorien au blues, du gothique à Le Corbusier. J'étais Alexandre le Grand, un étudiant de Cambridge, un intouchable, Emile Zola, Bouddha, un onagre.

Quand j‘entreprends le calvaire annuel de me rendre chez mes parents, il est là. Fatigué jusqu'à la corde. Je me moque de tes statistiques éculées. Et je me moque que mon fils me voit pleurer sur tes pages, Quid, qui m'a sauvé.

 

  • Texte au goût amer, un peu sur les traces de Rousseau, dans cet humanisme à s'auto-dépeindre, à comprendre sa volonté à dire les choses, à opter pour la totale transparence. Du même coup, on découvre, ici, les raisons, la "motivation" ce qu'on nomme souvent 'la fuite par en avant, la résilience." Ce texte permet, en effet, de comprendre les champs d'investigation d'un réel selon une méthode s'étant fabriquée à travers des années de vaches maigres, et au travers d'une nécessaire fabulation. Voilà qui ouvre beau coup de portes. L'acte autobiographique en est un bien difficile, à la limite de la difficulté d'être, du moins de s'émanciper dans une détresse indélogeable. Heureuse d'avoir lu ces mots qui recadrent une activité d'une certaine survie, cordialement, Fî.

    · Il y a plus de 7 ans ·
    !!!!!!sdfgggsdg

    ivia-fi

    • Encore une fois, désolée de la longueur de ce commentaire. Ça pourrait expliquer, en partie, ma difficulté à lire mes paires, car je m'approprie un texte de manière approfondie, et mon commentaire se fait toujours très précis, dans cette propension analytique.

      · Il y a plus de 7 ans ·
      !!!!!!sdfgggsdg

      ivia-fi

  • Beau, tout simplement ! Moi, certaines de mes tristesses, bien plus légères, je les passais dans le dictionnaire, voguant d'un mot à l'autre...

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Yeza 3

    Yeza Ahem

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