Raindrops
fabilo
J'avais attendu longtemps pour l'entendre parler de son dernier livre. Au soleil, en me disant que Paris était décidément joli quand l'automne était si doux. J'en avais profité avant de rejoindre le petit amphithéâtre bondé et sans fenêtre où, lorsque nous étions entrés, je l'avais croisé sur le seuil. Il m'avait dit pardon avec son accent d'ailleurs.
La lecture a commencé, suivie d'un échange avec le public. Il a parlé de son travail, de l'écriture et de la vie, de la place que l'une prenait dans l'autre, à moins que ce n'ait été l'inverse. C'était un très bon orateur qui savait trouver les mots et les intonations par-delà la barrière de la langue. Il regardait toujours ses interlocuteurs dans les yeux.
Des gens ont posé des questions auxquelles il a répondu en s'efforçant de faire comme si on ne les lui avait pas déjà posées des dizaines de fois, dans d'autres pays et d'autres amphithéâtres bondés. Il a joué le jeu.
Quand l'assemblée a fini d'applaudir, il s'est installé pour signer. J'y suis allée, j'ai fait la queue encore, mais cette fois je n'ai pas eu à attendre longtemps parce que le livre était sorti depuis peu. Les gens s'agglutinaient de l'autre côté pour l'acheter.
Lorsque mon tour est arrivé, j'aurais voulu lui dire que son livre était formidable, combien il avait compté et à quel point je désirais être capable de faire aussi bien un jour. Au lieu de ça, je lui ai dit qu'il m'avait déjà dédicacé un autre de ses romans, quelques années plus tôt, au cours d'un festival, mais que je n'étais jamais parvenue à déchiffrer ce qu'il avait inscrit sur la page de titre. Il a répondu qu'il se souvenait de moi. J'ai fait une drôle de tête pour signifier que je ne le croyais pas. Il a renchéri : lorsque nous nous étions croisés tout à l'heure, sur le seuil de la porte de l'amphithéâtre, il s'était dit qu'il connaissait ce visage. J'ai souri, j'ai décidé de jouer le jeu moi aussi.
Cette fois il s'est appliqué pour écrire. Il a composé un court poème qu'il m'a lu avant de me remercier et de me dire à bientôt.
« Raindrops on a tin roof,
What do they say?
We have all been here before.”
J'ai décidé de le prendre comme un signe. Six mois plus tard, ma première nouvelle était publiée.
NB : rentrée chez moi, j'ai tiré de mon étagère le roman sur lequel nous nous étions rencontrés à ce festival deux ans auparavant. Il m'avait bien écrit quelques mots en gaélique, les mêmes qu'il m'avait répétés dans l'amphithéâtre ce jour-là et qui m'apparaissaient clairement sur le papier pour la première fois.