Requiem pour un baiser.

bobo29

Court texte inspiré de l'image ci-contre.

De part et d'autre tout n'était que chaos, hurlements, sirènes, insultes et concert de bottes. Il courait à s'en rompre les ligaments. Elle ne suivait pas. Elle ne voulait pas suivre. Alors il s'arrêta, essoufflé, ruisselant de sueur. Il la défia du regard. Face contre face, le visage déchiré par l'écoeurement. Aucun son ne s'échappa de sa bouche. Aucune bribe de mot n'arrivait à se former entre sa langue et son palais. Il se détourna. Il contempla l'avenue, se tournant dans tous les sens pour saisir le moindre fait. Son regard retomba sur elle pour s'en détourner à nouveau. Il s'assit.

Et s'ils se détestaient, qui le sauraient ? S'ils se haïssaient, personne ne les sauverait de leur haine. Il savait cela. Mais qui sait le pire ne s'en préserve pas pour autant. Il la savait instable, il ne lui en a pas tenu rigueur. Cœur vaillant de tous les braves, il parcourait guerres et tempêtes pour ses cheveux d'or. Il avait tué ses peurs et ses désirs pour combler sa douce, triomphé de la douleur et du plaisir pour la protéger de tous les maux, de tous les vices. Tiraillé par tous les trublions de la Terre, vidé par tous les abjects carnassiers avides, ces rapaces cannibales, il avait fini par l'aimer, par terre, sur le bitume froid de la nuit parisienne. En guise de requiem ces lèvres frôlèrent les siennes, ses mains prirent ses mains puis son cou. Ils avaient beau tous courir, eux resteraient là.

Sans un mot il lui expliquait la vie, le monde et toutes ces merveilles. Elle voyait des pluies d'étoiles filantes, elle voyait l'or tomber du ciel. Leur voyage n'avait ni début ni fin, encore aurait-il fallu qu'ils eurent su qu'ils voyageaient. On dit pis que pendre des amours frivoles mais pis que pendre c'est pas grand-chose. Eux voyaient plus grand. Monsieur lui montrait le Taj Mahal et madame voyait la Tour de Babel. Babylone en crisserait de jalousie. Tous les Empires, toutes les batailles et tous les Rois couronnés de leur fortune finirait par se liguer contre eux mais qu'importe ! Le Nord leur tendait les bras, ils apercevaient déjà ses Boréales. Olympiens sur le bas monde il ne leur aurait fallu qu'un souffle pour que tout leur tendent les bras.

Aux milles affres de la passion ils disaient merde, il n'en fallut pas plus. Pas plus que des lèvres posées sur des lèvres. Pas plus qu'une main caressant un cou. Pas plus, non. Toujours sans bruit, toujours uni, toujours sur ce bitume froid des nuits parisiennes.

Furent-ils heureux ? Oh, bien des souffrances vinrent tâcher leurs napperons mais, ma foi, guère joie ne dépassa la leur. Eurent-ils beaucoup d'enfants ? A ma connaissance les contes n'ont pas cours dans notre sinistre endroit mais puisque il me faut vous le dire, je puis vous confirmer qu'ils n'eurent jamais de descendance. Le garçon se mit à écrire et passa sa vie à se cacher derrière ses mots. La fille jamais plus il ne la vît. Mais je vous dois une confidence. Il ne l'oublia jamais. On dit même que le soir venu, alors qu'il tapotait fébrilement sur le clavier de son ordinateur à la recherche d'une once d'inspiration, elle venait lui caresser le tympan de quelques mots, alors les notes s'amoncelaient et la musique jouait dans son esprit. Vous pourrez dire qu'il divaguait, qu'il était fou ou même encore qu'il avait fait d'elle sa muse mais je reste sceptique quant à cela. Une muse est magique, c'est une créature légendaire. Elles ne sont pas réelles. Elle si.

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