Requiem pour un tueur

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REQUIEM POUR UN TUEUR

Concours « We loves words » et « Neowood » avril 2013

Hum…, ça fait du bien de prendre son temps le matin, pensait Denis en regardant les voyageurs se dépêcher  pour prendre leur train. Lui était tranquillement installé à sur une terrasse face à  la gare de Perrache à boire son unique café de la journée et il entendait bien le savourer. Lyon est une ville sympa et il avait eu de la chance de pouvoir y rester malgré les mutations qui avaient eu lieu dans son service dernièrement.

Ses rapports de police étaient à jour, pas d’affaire en cours et il n’était pas attendu avant 9h30 pour la réunion du lundi. Il allait pouvoir en profiter un peu pour une fois. Il voyait le défilé des passants comme un loisir et cette activité pouvait se révéler amusante. Comme maintenant par exemple : cette dame qui passe avec son chapeau rouge original que l’on pourrait qualifier de « signe distinctif » dans son métier.

Il resta dehors malgré la fraicheur matinale pendant près d’une demi-heure et fut réveillé de sa rêverie par la sonnerie de son téléphone portable. C’était Cédric son collègue et ami qui lui demandait de le rejoindre sur le lieu d’un homicide qui venait de leur être signalé Rue Saint Polycarpe dans le 1er arrondissement.

Denis avait vendu sa voiture quelques années auparavant au profit d’une carte de transport en commun. Etant donné la proximité de son appartement du tramway et des difficultés de circulation et de stationnement il avait préféré ce mode de déplacement. Il prit donc le métro jusqu’à hôtel de ville et arriva à destination 10 minutes plus tard.

Deux voitures de police étaient garées sur le trottoir en face d’une supérette et bloquaient malgré cela le passage pour les autres véhicules. Un agent détournait les automobilistes de la rue pour éviter de provoquer un bouchon dans les rues étroites de ce quartier.

Denis alla à la rencontre de Cédric qui descendait depuis le parvis de l’Eglise où il s’était garé tant bien que mal. Les deux hommes se serrèrent la main comme chaque jour depuis maintenant 8 ans.

-    De quoi il s’agit ? demanda Denis.

-   Je ne sais pas. On m’a prévenu d’un homicide juste avant que je t’appelle mais je n’ai pas demandé de détails, répondit Cédric de la voix de celui qui a mal dormi.

-    Qu’est-ce que tu as ? T’as sommeil ?

-    Ouai j’ai trop mal dormi à cause de la petite qui fait des cauchemars. Il parait que c’est normal à son âge mais c’est crevant, dit-il en baillant. Bon ben, allons-y.

Les deux hommes entrèrent dans l’allée de l’immeuble gardé par deux autre flics. Ca sentait  la vieille pierre humide comme souvent dans les vieux bâtiments lyonnais.

Ils montèrent l’escalier en colimaçon et hâtèrent le pas en entendant des voix se quereller. Au deuxième étage une jeune femme hurlait et se débattait entre les bras d’un agent de police qui essayait de la maitriser tant bien que mal et l’empêcher d’entrer dans l’appartement. Ses mains et une partie de son visage étaient couvertes de ce qui semblait être du sang. Un homme en pyjama était assis sur les marches de l’escalier, l’air désemparé.

-    Laissez-moi entrer ! Vincent ! Oh mon Dieu ! Mais lâchez-moi, s’époumona-t-elle.

Cédric vint en renfort de l’agent de police et réussi à la faire descendre jusqu’à l’étage en dessous.

Pendant que Cédric essayait de la calmer, Denis entrait dans l’appartement accompagné du policier.

Il s’agissait d’un appartement haut de plafond, joliment décoré, propre et en ordre si ce n’était le corps d’un homme qui gisait sur le parquet du salon allongé sur le dos la poitrine ensanglantée.

Il devait avoir la trentaine et avait les yeux ouverts, comme surpris.

L’agent Traoré expliqua à Denis qu’un homme, Monsieur Vernier, avait appelé le 17 pour signaler que son voisin était mort dans son appartement. Il avait été alerté par les cris de l’épouse de la victime.

Traoré et son collègue, qui s’occupait de la circulation, étaient arrivés les premiers. Ils ont trouvé Mr Vernier dans l’escalier d’où il n’avait pas bougé depuis, et Me Safia Devers était sur le corps de son mari et le suppliait de se réveiller en pleurant. Il n’y avait personne d’autre dans l’appartement.

-    J’ai dû carrément l’arracher de  son mari… dit Traoré un peu ému. Et vous êtes arrivés à ce moment-là.

-    D’accord. Vous allez appeler les pompiers pour Madame… Devere dit-il en regardant le nom sur la porte.

-    C’est déjà fait Monsieur l’inspecteur.

-    Merci bien. Vous allez faire accompagner Monsieur Vernier par l’un de vos collègue qui est en bas : d’abord chez lui pour qu’il s’habille un peu et ensuite au commissariat, dit Denis d’une voix calme.

Denis rejoignit Cédric. La femme semblait plus en état de choc que calmée. Les pompiers la prirent en charge et dirent aux inspecteurs qu’ils la conduisaient à l’hôpital Saint Joseph pour se faire examiner par un médecin. Elle ne résistait plus et fredonnait doucement une petite mélodie. Denis se dit à ce moment-là que ça n’allait pas être simple de l’interroger.

Denis demanda à Traoré d’accompagner Madame Devere et de ne pas la quitter.

En attendant l’équipe du légiste et l’équipe scientifique les inspecteurs examinèrent succinctement l’appartement. En plus du salon et de la chambre à coucher, il y avait une autre pièce qui semblait être dédiée à la musique. Il s’y trouvait un piano électrique, un équipement assez impressionnant pour écouter de la musique, de nombreuses partitions, une CD thèque hallucinante ainsi qu’un ordinateur portable.

Le corps de Vincent Devere se trouvait donc dans le salon, mais avait été trainé de quelques mètres comme l’indiquait la trainée de sang déjà coagulée à côté du cadavre. Son t-shirt était passé du blanc au rouge et ils ne purent rien distinguer de la plaie responsable d’une telle hémorragie. Son visage était d’une blancheur extrême

Il n’y avait aucune arme visible susceptible d’avoir causé la mort de cet homme.

L’œil de Denis fut attiré par un objet dans un coin de la pièce : un chapeau rouge d’une forme particulière ; celui-là même qu’il avait trouvé si original une heure auparavant sur la tête de la femme qui sortait de la gare. Denis fit part de ce fait à Cédric quand ce dernier reçu un appel du commissaire :

-    Cédric, vous attendez là où vous êtes que le corps soit enlevé. Ensuite vous me trouvez tous les voisins pour les interroger, ordonnât-il.  Dites à votre copain Denis de se ramener vite fait jusqu’au commissariat pour interroger le type qui nous a appelé et de se rendre fissa à Saint Jo pour interroger l’épouse. Je suis à Paris pour le moment mais je redescends demain. Vous me tenez au courant, dit-il sans donner à Cédric le temps de placer un mot.

Denis se rendit à pied en 4 minutes au commissariat du 1er arrondissement qui se trouvait non loin du lieu du crime.

Monsieur Vernier ne lui appris rien de plus que ce que lui avait rapporté Traoré : il avait entendu un cri de femme, était sorti de chez lui, avait vu l’homme mort et son épouse en larme à côté de lui et avait appelé la police. Il fit prendre la déposition par une collègue et se fit accompagner par une voiture aux urgences de Saint Joseph sur la rive gauche du Rhône.

Madame Safia Devere était comme prostrée sur un brancard dans un box des urgences. Une infirmière expliqua à Denis qu’elle était en état de choc psychologique mais ne souffrait d’aucune blessure physique. Le médecin avait prescrit un anxiolytique qui venait de lui être administré.

-    Sa sœur a essayé de la joindre sur son portable pendant que je lui donnais les soins. Je me suis permis de répondre et de lui dire où elle se trouvait sans lui en donner la cause bien sûr. Elle ne devrait pas tarder à arriver maintenant, dit-elle.

Traoré se tenait devant le box :

-    Je ne pense pas que vous puissiez lui poser de questions aujourd’hui inspecteur, dit-il avec une moue dubitative. Elle n’a pas l’air dans un état normal. Elle n’a pas arrêté de fredonner depuis le départ avec les pompiers et n’a pas répondu au médecin, continua-t-il.

Denis observait Safia par l’espace de la porte entrouverte. Il reconnaissait bien maintenant la femme au chapeau aperçue ce matin.

« Quelle étrange coïncidence » pensa-t-il.

Elle devait avoir dans les 30-35 ans, les cheveux noirs et très bouclés, les yeux foncés. Elle était d’une extrême pâleur et semblait être dans un autre monde soit à cause du choc soit sous l’effet des médicaments ? Sûrement la combinaison des deux.

Au même moment, l’infirmière revint accompagnée d’une femme qui était assurément la sœur de Safia tant elle lui ressemblait. Elle avait l’air anxieux.

-    Bonjour Madame…

-    Fatima Benali, je suis sa sœur, que se passe-t-il ? Je veux la voir, dit-elle en s’avançant dans la chambre.

Denis la retint par le bras. Elle se retourna vivement avec des yeux menaçant.

-    Attendez une minute, dit-il d’une voix qu’il voulait ferme. Votre sœur est dans un état de choc. Elle vient de trouver son mari assassiné chez eux, continuât-il en la lâchant.

-    Oh non quelle horreur, dit-elle surprise. Je pensais qu’il y avait eu un accident de voiture ou quelque chose comme ça. Pourquoi ? Qui a fait ça ? Mais que s’est-il passé ? Elle est blessée? Mais répondez à la fin ! s’énervait-elle.

Denis la regardait calmement et attendit quelques secondes qu’elle s’apaise un peu et lui expliqua brièvement le drame.

-    Elle ne prononce pas un mot depuis. Je ne vais pas lui poser de questions maintenant mais j’ai besoin que vous m’éclairiez sur quelques points avant de vous laisser la voir.

Le médecin dit qu’elle peut sortir mais qu’elle ne doit en aucun cas rester seule.

-    Je vais la ramener chez moi bien sûr, dit-elle en s’asseyant sur un fauteuil du couloir. C’est à peine croyable cette histoire. Je ne comprends pas…

Fatima répondit aux questions de Denis.

Il apprit que Safia et Vincent se connaissait  depuis le Lycée et qu’ils étaient mariés depuis trois ans. Safia travaille dans une agence immobilière et était en déplacement à Marseille ces deux derniers jours. Elle n’avait pas pu rentrer hier soir à cause de la grève SNCF. Elle avait donc pris le premier train ce matin pour rentrer à Lyon.

-    Je l’ai appelée pour savoir si elle avait pu avoir un train finalement et c’est l’infirmière qui m’a répondu.

-    Et son mari ? l’encouragea-t-il à continuer.

-    Vincent est… était musicien. Pianiste en fait. Il travaillait surtout l’été parce que c’est la meilleure période de l’année pour les intermittents du spectacle. Je ne sais pas quoi vous dire d’autre, il n’y a rien de spécial … Je ne sais pas…

-    Allez voir votre sœur. Prenez mon numéro de téléphone, dit Denis en lui tendant une carte de visite. Monsieur Traoré va vous raccompagner chez vous quand vous serez prêtes toutes les deux et que le médecin vous aura donné le feu vert. Je passerai chez vous demain matin à 9 heures.

Denis resta quelques instants à observer les deux sœurs. Safia sortit de sa prostration en voyant sa grande sœur et se mit à pleurer de désespoir dans les bras de Fatima qui l’étreignait de toutes ses forces. C’était un spectacle déchirant à regarder.

Il retrouva Cédric au commissariat. Il était midi passé et ils décidèrent de se rendre dans une sandwicherie à proximité. Ce serait l’occasion de faire un petit débriefing et d’apaiser leur faim en même temps.

Denis raconta à son ami sa matinée.

Ils arrivèrent à la conclusion que Safia Devere ne pouvait pas avoir tué son mari puisque celle-ci était effectivement à Marseille depuis deux jours. Elle avait réglé sa facture en personne ce matin à 5h30 et Denis l’avait croisée ce matin à la sortie de la gare coiffée de son chapeau. Le médecin légiste avait indiqué à Cédric que la mort avait eu lieu entre 22h et 2 heures du matin.

-    Ca ne semble pas être un cambriolage qui a mal tourné puisqu’il n’y a pas de signes d’effractions, dit Cédric la bouche pleine de panini.

-    On ne sait même pas s’il manque quelque chose dans l’appart puisque Madame Devere est interrogeable. J’espère qu’elle ira un peu mieux demain… enfin…si on peut dire…

-    J’ai vu les trois autres habitants de l’immeuble mais ils n’ont rien entendu de particulier. Le type est mort d’un coup de couteau au niveau de l’aorte donc je ne pense pas qu’il ait eu le temps de crier.

-    T’as trouvé autre chose, questionnât Denis.

-    En fouillant un peu je suis tombé sur son agenda. Il n’avait pas beaucoup de rendez-vous puisqu’il travaille la musique chez lui.

Après manger il faut qu’on aille voir un certain… Elias Rendu dit Cédric en consultant ses notes. C’est le chanteur du groupe avec lequel notre victime faisait ses spectacles. Son prénom est noté dans l’agenda à hier soir donc on va voir ce qu’il a à nous raconter.

-    Ok, on y va ?

-    Attend 30 secondes je fini mon café sinon je vais m’endormir au volant.

Trois quart d’heure plus tard ils étaient tous les deux à Villeurbanne, ville mitoyenne de Lyon. Ils sonnaient à la porte de la petite maison d’Elias Rendu.

-    On dirait qu’il n’est pas là, dit Cédric.

Au même moment la porte s’ouvrit sur un homme visiblement sortit de son sommeil et en cours de dégrisement étant donné l’odeur d’alcool qu’il dégageait. Ses cheveux étaient en bataille, les yeux mis clos aveuglé par la lumière du peu de soleil qu’il y avait ce jour-là.

Cédric se présenta et lui dit :

-    Nous venons vous voir concernant monsieur Vincent Devere.

-    Hum… répondit Elias en les faisant entrer.

-    Il a été retrouvé assassiné dans son appartement, continuât Denis.

Elias releva la tête et ses jambes se dérobèrent sous lui. Les policiers eurent le temps de le rattraper avant qu’il ne touche le sol et l’installèrent assis sur le clic-clac.

Denis pris un verre d’eau dans la cuisine et lui tendit. Cédric attendit qu’il boive un peu et dit :

-    Vous l’avez vu hier soir ?

-    Oui, répondit Elias la bouche pâteuse. On devait revoir un ou deux morceaux… Mais je suis parti vers 22 heures je crois.

-    Il était vivant ? Demanda Cédric.

-    Oui, dit Elias en sursautant comme surpris par la question.

-    Qu’avez-vous fait exactement pendant la soirée ?

-    Ben on a bossé un peu, pas trop tard à cause du bruit pour les voisins et je suis rentré chez moi, répondit- il l’air hagard.

Cédric, que la fatigue rendait un peu irritable, lui dit avec impatience :

-    Ce que vous allez faire c’est reprendre vos esprits parce que vous m’avez bien l’air d’avoir la tête dans le cul. Je sais pas, prenez une douche ça vous f’ra p’t-être cuver. Allez, dépêchez-vous un peu, on vous attend pour vous emmener faire votre déposition au commissariat. Vous aurez peut-être plus de choses à raconter là-bas.

Elias se leva, les larmes au bord des yeux.

-    Qu’est-ce que tu en dis ? Les larmes ? A cause de l’alcool ou de la tristesse ?

-    Comment savoir avec les artistes? soupira Cédric.

Pour le reste de la journée ils n’eurent pas d’autres éléments pour avancer dans leur enquête. La déposition d’Elias n’apporta rien de neuf. Ils consacrèrent donc l’après-midi a la paperasse.

Denis rentra chez lui vers 22 heures après avoir dîné chez son ami.

Il lut quelques pages d’un roman dans son salon. Son goût pour la lecture était un héritage de sa mère, professeur de lettres et fervente admiratrice du siècle des lumières et particulièrement de Denis Diderot à qui il devait son prénom. Lui-même avait débuté des études littéraires mais avait préféré se tourner vers une branche où il se sentirait plus utile, et il ne regrettait pas son choix.

Le lendemain à 9 heures, Denis sortait du bus et se rendait chez Fatima Benali. Il eut la surprise de voir Traoré qui l’attendait devant l’immeuble.

-    Bonjour inspecteur, est-ce  que je peux vous accompagner ? lui demanda-tt-il. Je suis sur un jour de repos mais j’aimerai pouvoir continuer…

-    Oui bien sûr, je comprends, dit Denis en le tapotant sur l’épaule. Pas de soucis, venez. « Traoré doit avoir de la sympathie envers madame Devere après la journée d’hier… » pensa Denis.

-    Merci.

Ils arrivèrent au sixième étage, Fatima leur ouvrit la porte l’air fatigué. Son appartement était très… vif. Les murs étaient peints avec des couleurs chaudes et le salon était décoré de nombreux objets : éléphants d’Inde, animaux d’Afrique, tissus des Andes,… De la fenêtre, il y avait une magnifique vue sur la basilique de Fourvière.

Une partie de l’espace servait d’atelier pour confection de chapeaux semblait-il comme en témoignait la présence de tissus, casquettes, bonnets et même de toques bariolés.

Safia était installée sur le canapé, les cheveux encore mouillés de la douche qu’elle venait de prendre, les yeux rouges et bouffis. Malgré cela elle avait l’air un peu mieux.

-    Bonjour Madame Devere, nous nous sommes croisés hier, dit Denis en se présentant.

-    Désolée mais je ne me souviens pas de vous. Mais de vous par contre je me rappelle, dit-elle en se levant pour aller serrer la main de Traoré resté à l’entrée du salon.

-    Merci pour votre soutien d’hier, lui dit-elle.

-    Je suis désolée de vous importuner dans un moment aussi douloureux mais il faut …

-    Bien sûr je comprends. Je souhaite plus que tout savoir qui a tué mon mari dit-elle en essayant de contenir ses sanglots.

Sa sœur la dirigea vers un fauteuil de peur qu’elle ne s’effondre.

-   J’ai essayé de tourner et retourner ce qui aurait pu se passer mais vraiment… on à une vie simple, tout le monde aimait bien Vincent. Je ne vois pas qui lui aurait voulu du mal.

-    Excusez- moi de vous poser cette question mais… votre vie de couple…

Denis n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Safia répondit en se mouchant :

-    Tout allait très bien, on essayait d’avoir un bébé.

-    Je sais que cela doit être difficile mais il faut que je vous accompagne chez vous pour voir  si il manque quelque chose dans votre appartement.

-    Oui bien sûr, j’allais vous le demander. Dit-elle en se levant. Je dois récupérer des affaires, comme je vais rester habiter ici un moment je pense.

Safia ne voulut pas que sa sœur vienne avec elle. Elle lui expliquât que chaque fois qu’elle la regardait, elle voyait son air inquiet et que ça lui donnait encore plus envie de pleurer. Fatima donna sa carte, également bariolée, à Denis  en lui demandant de l’appeler « au cas où… ». 

Traoré était venu avec sa voiture et conduisait.

Pendant les quinze minutes du trajet, Safia chantonna le même air de musique que celui de la veille sans qu’elle ne semble s’en rendre compte.

Les deux policiers ne l’interrompirent pas et l’écoutèrent.

Elle n’avait pas une voix très jolie mais cette mélodie était vraiment très agréable. Denis n’était pas un grand mélomane mais cette musique ne ressemblait à rien de ce qu’il avait entendu. C’était doux, plein de nuances, comme une berceuse. A la fin du trajet il fut surpris de se trouver étrangement calme et serein. Même Traoré semblait plus détendu.

Arrivé là-bas, il fallut un moment à Safia pour pouvoir entrer dans l’appartement. Elle était soutenue par l’agent de Police au niveau du bras, en un geste de soutient physique et un accompagnement moral.  Elle détourna le regard du sang toujours présent au milieu de la pièce et regardait s’il manquait quelque chose dans le logement.

-    On dirait que tout est à sa place, dit Safia. Ah non, il manque l’ordinateur portable.

-    C’est nous qui l’avons récupéré Madame, dit Denis.

-    Je ne remarque rien d’autre alors. On ne garde pas d’argent à la maison et nous n’avons pas d’objets de valeur. Ce qui coute le plus cher ici c’est le piano de Vincent et son équipement de musique.

Il fut convenu que Traoré raccompagnerai Safia Devere chez elle après qu’elle eut récupéré ses affaires. Elle reviendrait dans l’après-midi avec sa sœur pour faire sa déposition au commissariat.

Denis rejoignit Cédric dans leur bureau ou il avait passé une partie de la matinée à rechercher des éléments qui pourraient les mettre sur une piste dans le téléphone et le Mac de la victime.

Ils discutèrent un moment, chacun émis des hypothèses sur le mobile de ce meurtre mais ils ne parvinrent à rien de concluant.

Vers 11 heures, Safia et Traoré entraient dans le commissariat.

-    Madame Devere, vous n’aviez pas besoin de venir tout de suite, dit Denis en regardant le policier qui l’accompagnait.

-    Je voulais savoir s’il est possible de récupérer la clé USB de Vincent s’il vous plait, dit Safia.

-    Quelle clé ? demanda Cédric.

-    Une clé en forme de tour Eiffel, très moche, mais Vincent l’utilisait souvent parce qu’elle a une grande capacité de stockage.

-    Nous n’avons pas répertorié cet objet, ni sur l’ordinateur ni dans les vêtements de votre époux, dit Cédric.

-     Je pensais que vous l’aviez parce que je ne l’ai pas trouvée à la maison, dit-elle.

Denis, Cédric et Traoré se regardèrent d’un air entendu : « cette clé contiendrait elle le motif du meurtre ? »

-    Qu’y a-t-il sur cette clé ? demanda Denis

-    Vincent était sur un projet avec un ami bassiste. Il avait écrit une musique, son « requiem » comme il disait. J’aurai aimé récupérer ce morceau. La mélodie ne me quitte pas depuis que… dit-elle les larmes aux yeux.

-    Pouvez-vous nous donner le nom de cet ami musicien ?

-    Je sais seulement qu’il s’appelle Max. Mais demandez à Elias, il doit savoir de qui il s’agit.

Une heure plus tard et après vérifications que la clé était bien manquante, Cédric et Denis se rendirent chez Elias.

En sortant de la voiture, Cédric alluma une cigarette ce qui fit soupirer Denis.

-    Oh mais ça va. On a cinq minutes quand même… dit-il en tirant une bouffée. Le gars doit encore être en train de dormir de toute façon. Il a de la chance lui au moins…

Denis s’avança dans le jardinet de la maison et attendit son ami.

Il entendait de la musique provenant de la maison. En s’approchant de la porte il eut un sursaut à cause du bruit provoqué par un piano dont on martelait les touches.

-    Il  doit être encore imbibé, dit Cédric en écrasant son mégot.

Ils frappèrent, puis comme personne n’ouvrit Cédric sonna avec insistance.

-    Quoi! dit Elias en ouvrant la porte violement. Ah, c’est vous ? Qu’est-ce que vous voulez ? Je suis en plein boulot là ! Continua-t-il visiblement énervé.

-    C’est ce qu’on entend ! s’amusa Cédric. Ça vous ferai du bien une petite pause visiblement.

Les deux enquêteurs entrèrent dans le salon dont le sol était couvert de partitions éparpillées et gribouillées avec rage.

Cédric demanda à Elias s’il connaissait un bassiste, un certain Max.

-    Non, ça me dit rien, pourquoi ?

-    Apparemment il travaillait sur un projet musical avec Vincent Devere et on aurait aimé le rencontrer. Madame Devere ne connait pas son nom de famille. Alors il vous en aurait peut-être parlé…

Pendant ce temps, Denis se dirigea vers la chaine hifi d’Elias. Quelque chose avait attiré son attention : le voyant « pause » clignotait.

La clé USB en forme de tour Eiffel y était branchée. Denis appuya sur la touche « play » et la musique, le requiem de Vincent, envahit la pièce.

Denis reconnu bien l’air chanté par Safia. Il lui remplissait la tête et un frisson lui parcouru le corps, lui donnant la chair de poule.

-    Qu’est-ce que vous faite ! cria Elias en se précipitant vers la sono.

Denis le stoppa et dit :

-    Je vous arrête pour meurtre.

Le commissaire venait de rentrer de son voyage à Paris. Cédric et Denis lui firent leur rapport sur l’arrestation d’Elias Rendu.

Il était allé chez Vincent pour travailler sur des morceaux de leur spectacle. Vincent lui avait fait écouter sa composition. Elias avait adoré et s’était emballé en disant que cela ferai une chanson géniale en guise de clôture leur spectacle et que le succès était garanti.

Vincent lui avait alors expliqué qu’il s’agissait d’un autre projet, qu’il allait jouer avec un bassiste qui avait des idées géniales. Il avait envie de faire d’autres choses et le groupe ne lui permettait plus de « s’éclater » mais qu’il lui lassait le temps de trouver un autre clavier pour le remplacer.

Ils se sont disputés et Elias enragé lui avait donné un coup de couteau de cuisine en pleine poitrine.

Dans la panique, il avait voulu déplacer le corps mais s’était vite aperçu que c’était impossible.

Il était alors parti de l’appartement à pied en emportant le couteau avec lui.

Sa première intention avait été de le jeter dans le Rhône par l’un des ponts mais avait eu peur de se faire remarquer par des passants.

Il s’était rendu au parc de la tête d’or qui était fermé à cette heure tardive, avait enjambé les barrières, traversé le parc par les chemins sombres pour ne pas se faire repérer par la police du parc, jeté le couteau dans le lac et était rentré chez lui par l’autre côté du parc.

Le couteau allait être recherché mais la veste d’Elias recouverte du  sang de Vincent et la clé USB retrouvées à son domicile suffiraient au procureur pour le faire condamner.

-    Mais enfin, ça ne tiens pas la route, dit le commissaire. On ne tue pas un ami de longue date pour un air de musique !

Elias avait fini par expliquer qu’il était le fondateur du groupe mais que c’était les idées de Vincent qui avaient permis au spectacle de se monter.

-    Ça marchait du tonnerre ! avait-il dit hors de lui dans le bureau des inspecteurs. Et il allait me laisser tomber comme une merde ! Après toutes ces années !

Cette musique qu’il a composé elle est fantastique… J’ai passé toute la nuit dernière à essayer de la comprendre, de la jouer mais… mais…

Il avait éclaté en sanglots hystériques et devenait incontrôlable. Le SAMU l’avait finalement transporté aux urgences psychiatriques.

Le soir même, Denis avait copié/collé le dossier « requiem » de la clé USB de Vincent sur une clé vierge avant de ranger cette pièce à conviction.

Il croisa Traoré en sortant du commissariat.

-    Vous m’accompagnez ? J’allais donner ça à Safia Devere. A défaut de lui rendre la clé, on peut lui donner la musique…

-    C’est sympa. Elle va être très contente.

Donnez-la-moi, je lui apporte si ça vous arrange, c’est sur ma route, dit Traoré en lui tendant la main.

-    Dites donc, elle est tout juste veuve alors calmez-v…

-    Non mais vous me prenez pour qui ? Elle me fait de la peine c’est tout.

Par contre sa sœur… dit-il en riant.

Denis le regarda partir, amusé.

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