Réveil matin en jungle urbaine...

cerise-david

Lundi, réveil sonne et brûle une tête embrumée… pourtant j'ai le choix. J'aime les lundis… c'est le début d'une nouvelle, le démarrage en trombe, le café renversé. C'est la chaussette qu'on ne retrouve pas, et la culotte à l'envers. C'est une course contre la montre qui va durer 5 jours… C'est des talons dans le métro, des pigeons sur les fenêtres. C'est des bruits de couloirs et des histoires tard le soir…

Pause.

Aujourd'hui, le lundi sera suite du dimanche et s'étira jusqu'au mardi… le lundi sera silence et couette chaude. Petit-déjeuner au lit… manque un corps tout aussi chaud… des croissants au beurre et des oreillers en plumes. Des bulles de savon et des remous spa. Le genre de lundi où tout est permis… bien mieux ainsi. Pouvoir regarder le monde continuer de tourner et mettre sur pause les passages qui me plaisent. Un chocolat en terrasse, clavier sur les genoux. Le Cactus et ses passants qui m'aident à m'évader, la pluie fine qui ne coule pas dans ma nuque mais sur les vitres salles d'un bus… et ce sourire qui de ma bouche aux oreilles transforme le lundi en dimanche éternel…

Lundi qui me rend douce et docile plutôt que lionne ronchonne… quand le soleil d'octobre chauffe ma peau et qu'Aaron reprend la mélodie… quand les dessous coton se transforment en fine dentelle. Que moi devient jeu… dans un lit immense à dévorer des sushis… quand tout se mélange et que le temps se fige, que les émotions deviennent plus intense… que le goût sucré du vin rend le risque si doux… et qu'on se laisse noyer dans les effluves de l'autre… quand le lundi se fait dangereux souvenirs. Quand le lundi manque d'inspiration et nous aspire.

Je suis fatiguée et je peux rester allongée dans le noir, à scruter demain…

 

 

Le téléphone de Léa sonne dans le vide. Il fait tout juste jour dehors.  Lyon est sous le givre hivernal depuis quelques jours et Léa reste sous la couette à attendre un rayon de soleil… Les grains de sable de cet été sont bien loin à présent. La promesse de vente ne s'est pas concrétiser et elle a décidé de rejoindre l'hôtel pour ne pas avoir a retrouvé sa solitude et le fantôme qui rode dans l'appartement. Elle attend de pouvoir rejoindre sa maison sous les pins… et effacer une fois pour toutes son chagrin… à des centaines de kilomètres Eric apprivoise le sien. Léa repense souvent à lui, à cet été salvateur. A la douceur de l'écume sur ses joues et au doux frisson des figures en surf. Le risque se savoure toujours un peu… son numéro est resté sur un post-it dans la boîte aux lettres de la Radiola. Pour le jour où elle sera prête. Elle ferme les yeux une seconde et revoit le soleil, son paréo, sa peau. Quand sait-on qu'on est prêt ? Le deuil est une aventure, qui dure, dure… Elle attrape son smartphone et check ses mails… toujours pas de nouvelles de Foncia. Sommet de l'incompétence ! Elle décide de descendre prendre un breakfast au bar du Mama.

En bas, les bobos guindés se bousculent dans un brouhaha pour manger une salade sur le pouce. « The place to be », parmis tant d'autres endroits… Léa est lasse de ces jeux de théâtre pour enfants. On se demande qui est la marionnette et l'interprète. Le nombre de guignols est en hausse, suffit de zapper sur BFM.TV. Elle s'engouffre par la porte tournante. Elle s'amuse toujours de voir les passants rester bloqués dedans, poussant désespérément. Comme dans la vie. Quand plus rien ne bouge et que nos cris s'étouffe dans l'espace clos. Comme le jour de sa mort. Quand plus aucun son n'est perceptible car l'on cherche les battements de son cœur. Léa chasse ses pensées, comme les vieilles dames secouent leurs couettes aux fenêtres… quelques plumes parviennent toujours à s'échapper. Le temps laisse toujours filer les pires moments. Du moins, Léa l'espère.

Elle remet son écharpe et avance. Comme lui demande la terre entière. Et ce lundi matin, qui l'oblige à reprendre son destin en main. Elle sait que mercredi viendra à bout de sa volonté. Elle s'en fout. Elle essaye. Pas pour faire semblant, pas pour tricher, ni faire plaisir. Non, juste pour elle. Parce qu'elle se dit qu'il est temps. Que les instants de bonheur ne poussent pas sur les tombes. Qu'il l'a abandonné alors autant se relever et vivre. Sans lui. Avec quelques souvenirs en poche. Et chercher un sourire dans les vitrines. Juste le temps de réapprendre à marcher, à courir, à rires. Le reste viendra. Entre le fromage et le dessert. Un peu comme cet été, par surprise. Au coin des lèvres ou dans le creux d'une main. C'est çà la vie, et ces flans. On ne connait jamais la suite. Et Léa attend. Les journées sont longues et les envies rares. Mais la vie revient. Parce que demain finit toujours par se lever. Que le corps réclame du chocolat et des bananes. Que les muscles se raidissent dans l'eau chlorée, que la peur nous saisit quand vient le crépuscule. Tous ces détails qui nous poussent à reprendre notre souffle. A se battre, quoiqu'il en coûte. Et Léa le sait tout çà. Elle a juste décidé d'avancer à son rythme… de mettre sur pause, le temps de retrouver la chaleur des pins, l'écorce pleine de résine et les vagues qui l'engloutissent et la recrachent. Elle veut sentir les embruns lui fouetter le visage. L'odeur de la ville, l'endort. La nuit le ciel ne s'illumine jamais ici. Trop de lucioles dans les rues pour laisser le ciel s'étoiler. Alors Léa ne dort jamais vraiment. Elle attend. Que le soleil lui laisse le temps. Qu'il s'immobilise dans sa course folle.

En attendant, Léa marche sans vraiment savoir où elle va, laissant les rares odeurs et couleurs de l'hiver la guider parmis les pavés. Elle finit toujours par entrer se réchauffer au comptoir du Cactus café. Elle aime sentir courir ses doigts sur le zinc et entendre tinter la porcelaine sur les cuillères. Elle aime la vapeur épaisse qui s'échappe de la machine à expressos et qui vient embuée l'immense miroir. Elle croise son regard…


...Pas le sien. Non, celui d'Eric. Juste là. Dans le miroir. Entre la porte d'entrée et le comptoir. Qui attend, qu'elle se retourne. Elle n'y croit pas. C'est un mauvais rêve. Le réveil va sonner pour la 4e fois et je vais ouvrir les yeux, seule dans ma chambre d'hôtel, pense-t-elle. Léa rouvre les yeux, Eric pose sa main sur la sienne.

Signaler ce texte