Révélation au Nouveau-Mexique

celineb

Un voyage au coeur de la liberté.

« Tu n'as jamais eu envie, à la fin de ces journées qui ont l'air de ne jamais finir, de t'en aller, loin ? Tu quittes ce lieu où tu viens de passer ta journée, clone de centaines d'autre ; tellement de journées derrière celle-là qu'elles paraissent sans fin. Et là tu n'as qu'une envie : tout balayer, d'un geste de la main, interrompre réellement cette suite, en finir avec cette routine, aussi agréable soit elle.

Partir, dans une autre patrie, voir le ciel, la mer et la montagne, ne même pas prendre le temps de faire tes valises, partir à l'improviste sans prévenir, sans prévoir, sans même y penser juste le faire, y aller. Aller là où personne ne te connaîtra, voir des visages que tu n'as jamais vus et qui ne t'ont jamais vu.

Entouré de gens, de tas de gens mais tous inconnus, un endroit infini où rien ne t'enferme, où personne ne connaît ton passé et où personne ne s'en soucie. Un endroit qui jamais de toute l'histoire n'a connu de barrière et si vaste que tes yeux jamais ne pourront en voir le bout. Aller au-delà des étoiles. Aller au-delà de ton corps et de ton esprit, aller bien plus loin que tout ce qui est en toi.

N'as-tu jamais eu envie à la fin de ces journées qui n'ont l'air de jamais finir, de t'en aller, loin, de voir de tes yeux qu'il te reste le monde entier à découvrir, cet espace incroyable entrant en toi et de te sentir ne serait-ce qu'une fois réellement libre ? »

 

 

C'était ces mots qui avaient mené Clément jusqu'ici. Ils tournaient régulièrement dans sa tête et de manière plus concrète étaient passés de la poche arrière de son jean au compartiment à billet de son portefeuille. La nausée du monde l'avait pris dans les premières années de son adolescence, comme pour la plupart des membres du genre humain mais, lui, la nausée ne l'avait jamais quitté.

 

Et un jour n'en pouvant plus, il avait littéralement vomi le monde et sa société factice. Il s'était dirigé vers l'aéroport le plus proche  et avait pris un billet pour se rendre à San Francisco et enfin vivre ce fantasme qui le suivait depuis toutes ces années. Oui, parfois, ça pouvait être aussi simple que ça : son passeport et son visa étaient toujours à jour et renouvelés régulièrement « juste au cas où » comme un talisman salvateur, une porte de sortie magique pour fuir sa vie et le quotidien qui englue l'imaginaire et l'existence.

 

Il avait parcouru le pays vers l'est, un sac à dos sur le dos et un pouce qui ne se lasse pas de se dresser vers le ciel à l'attention des pick-up, berlines et autre motos de rêves. Durant son trajet, il avait rencontré une femme de soixante-dix ans avec un blouson des Hell's Angels sur le dos, un travesti en trente-six tonnes et une girafe sur une trottinette. 

 

Le hasard de toutes ces rencontres mises bout-à-bout l'avait conduit au nord du Nouveau-Mexique. Là, il avait trouvé une odeur familière, une atmosphère qui lui rappelait le foyer originel et il décida de rester un peu. Un accès wi-fi, quelques touches pianotées sur airbnb et un peu de magie : Clément trouva son bonheur.

 

Sia l'accueillit dans cette grande  maison qui avait abrité les mots d'Aldous Huxley et notre héros pu enfin panser ses maux. Le nom du petit village avait quelque chose de prophétique : San Cristobal. Clément allait ici, découvrir un tout nouveau monde : celui de la vie sauvage de la vraie liberté, des mots naturels qui élèvent et qui libèrent. Il allait découvrir sa vraie personnalité.

 

Lui, qui s'était toujours imaginé peureux, peu habile et casanier, avait découvert un tout nouveau monde et une toute nouvelle personne. Tous les matins, il allait traire les chèvres, ramasser les œufs et concoctait de véritables festins de son invention. Il en apprenait toujours plus sur les animaux des alentours et sur les coutumes des indiens qui vivaient non loin de là. Il apprit à monter à cheval et à faire de la poterie artisanale. Le quotidien, à présent, ne le pesait plus du tout. Il vivait dans un monde sans pesanteur.

De toutes les choses qu'il avait apprises ici, il y  en avait une qui surpassait, de loin, toutes les autres. Les rêves, les plus fous, les plus inaccessibles, ceux qui relèvent du pur fantasme peuvent se réaliser. Il apprit surtout que la vie ne vaut d'être vécue que si chaque atome de notre corps est dirigé dans le but d'atteindre ce rêve et d'accomplir nos passions les plus profondes. Il apprit la plus grande leçon de l'humanité. Bien plus importante que le doute cartésien, ou le « connais-toi toi-même » de la Grèce antique. Il avait enfin connaissance de la seule Vérité qui permettait d'être plutôt que de paraître.

 

Cette nouvelle vérité bien calée au creux de son cœur, emboitant le pas à l'auteur du Serpent à plumes et du Meilleur des mondes, Clément prit un parchemin, une plume artisanale qu'il trempa dans l'encre et démarra l'écriture de son grand roman.

 

 

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