R.I.P

renarde-bleue

Lundi.
Lundi lundi lundilundilundilundi l’un dit et l’autre part.
J’ai beau regarder dans le miroir, je ne vois rien. Je ne suis pas là. Ou du moins pas visible.
Je ne ressens plus rien d’autre qu’une intense envie de vomir. Vomir. Encore et encore, tout ce que j’ai dans l’estomac, puis mes tripes partiront elles aussi au fond des toilettes, mes organes suivront, mes os, mes muscles et enfin ma peau. Tout.
Je l’ai entendu se briser hier, c’était un son écoeurant, comme un verre qui éclate, mais un verre organique, et ce sont des morceaux de chair qui m’ont éclaboussé les pieds.
Il est brisé et quelqu’un en a piétiné les morceaux. Je n’ai rien fait pour l’en empêcher. À quoi bon?
Il est brisé dorénavant, mais je n’en aurais plus besoin. Je suis vide. Je suis Le Vide. Est-ce que le vide à besoin d’un cœur ?
Non. Le Vide se contente d’être vide.
Je n’ai déjà plus qu’un vague souvenir de la sensation de son battement.
Mais qu’est-ce qu’un battement de cœur ? Un muscle qui se contracte, une fraction de seconde… Le mien s’est arrêté.
Je devrais en être soulagée, il me faisait tellement souffrir ces derniers temps.
Voilà. Ça, c’est fait.
Il me reste encore à me débarrasser de mes rêves, quoiqu’il n’en reste pas grand-chose.
Puis de mes idées.
Me débarrasser de mes seins aussi, ils me rappellent trop ses caresses. De mes oreilles pour ne plus entendre. De mes yeux pour ne plus rien voir. De mes lèvres qui n’embrasseront plus.
Je dois me débarrasser de tout ça. Je pourrais peut-être faire une sorte de « vide grenier » ?
« -Des seins ! Qui veut des seins ? De beaux nichons bien fermes ! J’offre les fesses en prime !
- Bonjour, je vais vous prendre un œil et la main, là
- Ah désolée ma petite dame mais les yeux se vendent par paires uniquement !
- Oh bon, mais vous n’auriez pas une autre couleur ? ceux-ci paraissent bien ternes…
- C’est qu’ils ont beaucoup pleuré, mais ils sont encore en très bon état ! Allez, vous me prenez l’ensemble et je vous offre un nombril »

Voici qui pourrait être drôle.
Ainsi, je serais telle que je me ressens : rien.
Je pourrais n’être plus qu’un gouffre. Vide. Sans envies, sans sentiments.
Juste un trou. Avec du vide autours.
Et là, enfin, je n’aurais plus mal.
Je pourrais mourir sans crainte de me décomposer.

C’est drôle, je n’ai jamais eu peur de mourir mais seulement de la décomposition. Comme si je risquais d’être enterrée vivante et de me voir dévorée par les vers. C’est stupide, les vers ne mangent pas les vivants.

Et de toutes façons, je ne suis plus vivante depuis longtemps. J’ai seulement cru sentir mon cœur battre ces derniers jours.

J’ai seulement cru être et exister.

Mais je ne suis qu’un rêve dans la tête d’une petite fille morte il y a longtemps.
Tuée sur la plage sous les feux d’artifice.
Qui a cru qu’elle aussi y avait droit.

Au bonheur.

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