Roulez jeunesse

merlin

Le bichon avançait, seul sur le trottoir. Plutôt il boitait. Il devait avoir cent ans (en âge chien évidemment). Ma chienne courut à sa rencontre en frétillant du cul, puis devant l'animal déplumé et brinquebalant, elle préféra reculer prudemment, comme on cherche à éviter le mauvais sort, comme si une forte odeur de mort émanait de sa carcasse.

Je m'arrêtai pour regarder la pauvre bête. Personne à l'horizon. Abandonné ? Une mouette riait au-dessus de nos têtes. Avec ses grandes ailes de planeur, elle me fit l'impression d'un vautour survolant tranquillement son repas.

Alors que je m'apprêtais moi aussi à abandonner le vieux chien à son triste sort, je la remarquai. Cinquante-cinq ans, peut-être soixante, une paire de lunettes noires siglée Dior, chevelure flamboyante relevée en chignon, lèvres nourries au Botox, peau tirée ravagée par les UV à hautes doses, elle était au volant de sa Smart. Elle roulait au pas. Sa clope au bec enfumait l'habitacle, donnant la sensation étrange qu'elle brûlait vive dans sa voiture et que cela ne semblait pas la perturber plus que cela. Elle était trop occupée à surveiller l'animal avec l'inquiétude névrotique d'une mère juive.

Madame promène son chien...

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