Rupture

yunahreb

 

Il est rentré. Je le vois se garer de ma cachette. Je me suis tapie dans l'encadrure de la fenêtre guettant son retour. Depuis des heures qu'il est parti chercher de quoi nous restaurer, les soupçons d'une quelconque fellonie laissent place à cette angoisse qui me mord et me flagelle. Maintenant qu'il est là, je ne suis pas du tout rassurée. J'aimerais éviter son contact, ne pas entendre les mensonges qu'il va me distribuer, tel un commercial avisé. En même temps, je veux qu'il sache mes inquiétudes et ses blasphèmes. Il ne doit pas s'en tirer comme ça. Pas cette fois.

Je cours et me précipite sur le trousseau de clefs. Verrouille la porte.

Il tape, sonne, tente de rentrer ses clefs dans la serrure entravée par les miennes. Suis-je en train de reprendre ma liberté de femme en l'empêchant de rentrer? En tout cas, je me trouve enfermée, prisonnière de ma propre volonté et de ma désapprobation à le laisser continuer.

- « Ouvre-moi! A quoi rime ce cinéma? Je suis désolé, je n'ai pas vu l'heure tourner. »

Les mots se bousculent et s'entrechoquent dans ma bouche. Ils sont si pressés de le faire saigner, tels des rasoirs lancés sur un corps nu, qu'aucun son ne sort de ma bouche. Il est trop tard, mon coeur l'a placé sur l'échaffaud de mon âme.

Je ne dis rien, je retourne me coucher.

Ce fut la rupture la plus silencieuse et la plus brutale que je connus. Grand bien m'en fît...

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