Salamandre

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Salamandre

Tome 1 - Foreground

Chapitre 1

― Monsieur Jenkins, nous vous écoutons.

Le général Orgon posa un regard tranchant sur le technicien. L’homme se leva devant les membres de l’assemblée, le front constellé de gouttelettes.

― Suite au séisme que nous avons tous ressenti hier le dispositif de sécurité de la base s’est enclenché comme prévu. Toutes les portes étanches ont fonctionné et nous avons été isolés de l’extérieur. La coque externe a tenu le coup. Nous n’avons eu aucune fissure, même minime. J’ai vérifié les quatre secteurs et le quartier du commandement. Les bâtiments sont intacts. Il en va de même pour les voies de communications. Tous les shutles sont en état de marche. Le taux de radioactivité à l’intérieur est quasi nul. La température est de 21°C. Par contre…

Jenkins marqua une pause. Sa voix se serra jusqu’à mourir sur le dernier mot.

― Par contre, la température extérieure est anormalement élevée… de l’ordre de 250 degrés Celsius…

La salle se figea. Impassible, le général se tourna vers le responsable des communications.

― Boris, vous avez réussi à établir une liaison avec Paris ?

― Non, monsieur. J’ai essayé tous les centres. Paris, New York, Tokyo, Sidney, Le Caire... Personne ne répond. Nous sommes seuls.

La responsable du centre de nutrition, une quinquagénaire aux cheveux argent, laissa échapper un gémissement. Ils n’étaient venus dans ce gigantesque abri que pour une simple visite de routine. Tous avaient laissé quelqu’un à l’extérieur comme quand on part le matin au bureau. Quelqu’un qu’ils ne reverraient plus.

Le visage émacié du général se tourna vers une jeune femme blonde.

― Combien sommes-nous exactement dans la base ?

Le docteur Barbara Alban, les yeux rivés sur sa tablette tactile, retira le crayon qu’elle avait planté dans son chignon.

― Soixante-quatorze, monsieur. Et il n’y a plus d’espoir de voir d’autres signaux apparaître.

Elle jeta son matériel sur la table, renonçant à suivre des chiffres qui refusaient d’évoluer. Moins de cent personnes dans une base de la taille d’une ville de deux-cent mille habitants, on n’allait pas se bousculer. Du moins, pas tout de suite. Le général Orgon se redressa. Il avait suivi le même raisonnement.

― Quelqu’un a vérifié le centre de procréation ?

Chi Wong Chen leva un doigt timide.

― Moi, monsieur. Le système s’est immédiatement mis en marche. Les premières fécondations artificielles se sont déroulées comme prévu et les couveuses ont démarré aussitôt. En résumé, la nouvelle génération est déjà en route.

Le général posa ses mains à plat sur la table et fixa les veines du bois devant lui. Son heure était venue. Enfin. Il contrôla le frémissement de sa lèvre, repoussa son siège et déploya un corps immense que l’uniforme rendait plus imposant encore.

― Mesdames, Messieurs, une nouvelle ère vient de s’ouvrir pour l’humanité. En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par les autorités des cinq continents, je prends le commandement de la base Salamandre.

Chapitre 2

Le shutle malmenait ses occupants. Ballotés sur des sièges aux ressorts déglingués, certains tentaient d’achever leur nuit, d’autres contemplaient sans vraiment les voir les immeubles endormis le long de la voie, d’autres encore parcouraient d’un œil hagard les images qui s’affichaient sur leur visière-écran. Sans prévenir, un hurlement de freins les projeta tous vers l’avant. L’engin s’arrêtait, presqu’au milieu de nulle part.

L’homme qui monta avait tout du no-life. L’œil terne, les cheveux gras, les vêtements sales et déchirés. Il s’engagea dans l’allée, louvoyant entre les sacs posés au sol tandis que le shutle s’ébranlait, malmenant son équilibre déjà précaire. Le geek s’accrocha de barre en barre pour se laisser tomber sur le premier siège libre, aux côtés de Mara.Dominguez. La femme se raidit et se réfugia contre la vitre, maintenant le maximum de distance avec ce voisin indésirable.

Le geek s’enfonça dans son siège et baissa sa visière-écran. D’un coup d’œil indiscret, Mara aperçut, comme elle s’y attendait, le logo rouge sur fond argent de Virtual Friends. Elle fourra son nez dans le col de son manteau tandis que sa main se crispait sur la poignée de son sac. À travailler dans la tour qui abritait le réseau social, elle avait l’impression d’avoir sa part de responsabilité dans ce grand gâchis.

Enfin, les néons d’un centre commercial blanchirent la nuit. Comme chaque matin au même endroit, Mara fouilla son sac, retournant le plastique fendu d’un vieux tube de rouge à lèvres, un porte-monnaie usé, un trousseau de clés. Elle souleva un paquet de mouchoirs, bouscula une fois de plus ses maigres trésors. Impossible de mettre la main sur la carte magnétique qui permettait l’accès à la tour de Virtual-Friends.

Affolée, elle sortit son portefeuille, tourna chacune des pages plastifiées, le secoua. Rien. Elle passa les mains dans ses poches. Toujours rien. Son cœur cognait contre sa poitrine. Une catastrophe s’annonçait. Les dirigeants ne plaisantaient pas avec la sécurité. La semaine dernière, ils avaient renvoyé un ingénieur pour avoir perdu ce même petit rectangle de plastique blanc. Ils n’auraient certainement pas plus d’égards pour une simple femme de ménage.

Mara tenta de se ressaisir. Ça ne pouvait pas lui arriver. Pas à elle. Elle avait bien trop besoin de ce travail. Le mieux était de ne rien dire. Ou du moins, pas tout de suite. Avec un peu de chance, elle retrouverait sa précieuse carte chez elle dans le fond de son armoire ou entre les coussins d’un fauteuil.

En attendant, il lui fallait une solution pour entrer.

C’est alors qu’elle aperçut, quelques sièges devant elle, la fille du service courrier. Une grande perche à la peau d’un blanc grisâtre façon lait de soja. Discrètement, Mara se défit de son foulard.

Lorsque le shutle ralentit, elle se leva d’un bond, déclenchant les grognements du geek et sauta sur le trottoir, devant la statue du Général Orgon. Comme chaque matin, du haut de son piédestal, le vieillard en uniforme qui régnait sur Salamandre depuis plus de quarante ans la toisait comme si elle s’apprêtait à violer sa Loi. Et pour une fois, il avait raison. Mara se préparait à parler à une inconnue.

Déjà, le Soja abordait le parvis de la tour de verre et d’acier. Mara accéléra son allure.

― Eh ! Attendez ! Vous avez perdu ceci.

Le Soja se retourna et coula un regard creux sur le foulard que Mara lui tendait.

― Il est pas à moi, ce truc-là.

― Ah… Je croyais. J’ai plus qu’à l’amener aux objets trouvés alors…

― Bof… Une poubelle fera l’affaire. Personne ne viendra réclamer une horreur pareille.

Mara crispa son poing sur le carré d’étoffe. Une horreur, son foulard ? Si elle n’avait pas eu besoin de se faire ouvrir la porte, elle lui aurait balancé ses quatre vérités à cette pimbèche.

― Bah… on sait jamais.

Elle glissa le tissu dans sa poche et calqua son pas sur celui de la grande perche. Arrivée, près de la porte, elle fit mine de fouiller son sac. Le Soja agita son sésame.

― C’est bon, j’ai la mienne à la main.

Mara la remercia d’un signe de tête. Intérieurement, elle jubilait. Tout avait fonctionné comme prévu. Mais elle ne voulait pas chanter victoire trop tôt. En femme d’expérience, elle savait que quand une journée commençait mal, il y avait toutes les chances qu’elle se termine de la même manière. Elle rendit son salut au Soja et se dirigea vers le tableau des affectations. Un simple coup d’œil au panneau lumineux confirma ses craintes. On l’avait assignée aux deux derniers étages. Ceux qu’elle détestait. L’âme chavirée, Mara enfila la blouse règlementaire, poussa son chariot dans l’ascenseur et se contorsionna pour atteindre l’avant-dernier bouton. La machine s’élança. Trois secondes pour cinquante étages. Pas même de temps de souffler.

Une dernière secousse et les portes s’ouvrirent. Mara avala sa salive pour conjurer les bourdonnements de ses oreilles et avança. Aussitôt, un détecteur de présence alluma les néons de la salle de programmation, un open-space envahi de gros fauteuils en position semi-allongée, tous pourvus de casques à électrodes.

Mara s’attela à sa tâche. Une giclée de produit désinfectant, un coup de chiffon par-dessus et le tour était joué. Elle arriva rapidement au dernier poste et s’arrêta, la main sur le skaï. Quelle impression pouvait-on bien avoir avec ces ventouses sur le crâne, une visière opaque devant les yeux ? Elle repensa à sa carte perdue. Elle n’aurait peut-être jamais une autre occasion d’essayer. Sans plus y réfléchir, elle arracha le casque de son support. À peine le métal eut-il effleuré ses cheveux que des pointes s’enfoncèrent dans ses tempes.

Et son univers bascula.

Une salle blanche. Vide. Au fond, une porte épaisse, greffée de rouages. Restée entrebâillée, elle laissait apparaître un hall où des gens se pressaient vers des shutles. Non loin de l’ouverture, insensible à cette agitation, un homme se tenait immobile. Soudain, une voix synthétique annonça :

― Phase E enclenchée.

Et un signal d’alerte résonna.

L’homme se retourna. Son rictus de satisfaction retomba lorsqu’il aperçut Mara.

Effrayée, la femme de ménage arracha son casque. La salle de programmation réapparut, presque rassurante. Prise de vertige, Mara s’accrocha à un accoudoir. Elle avait sans doute enlevé son casque un peu trop vite. Elle prit une inspiration et passa et repassa son chiffon sur un siège déjà bien brillant, le temps de se ressaisir. Vraiment, ces nouvelles expériences n’étaient plus de son âge. Mieux valait continuer à faire son ménage. Elle poussa son chariot vers l’ascenseur et débarqua un étage plus haut, sur un sol de marbre, le cœur toujours battant.

Un son mécanique chuinta au-dessus de sa tête. L’œil inquisiteur d’une caméra se posait sur elle, la détaillant de pied en cap. Elle rentra la tête dans les épaules, manœuvra son chariot jusqu’à une porte et, d’un coup rapide, en fit briller la plaque de cuivre au titre ronflant. Bénédice Leroy-Chaumont, Directrice de Projet. Encore une qui se croyait issue de la cuisse d’Orgon à en croire les directives qu’elle lui laissait régulièrement. Qu’allait-elle lui demander aujourd’hui par note interposée ? Cirer son bureau ? Lessiver ses murs ?

La femme de ménage poussa le panneau acajou. Aussitôt, une odeur métallique la saisit à la gorge. Des néons clignotèrent, éclairant par intermittence une scène que Mara n’arrivait pas à interpréter.

Enfin, la lumière se figea.

Et Mara se pétrifia.

Une envie de hurler lui déchira l’estomac.

Une femme était assise derrière son bureau, la tête renversée, le regard fixe.

Un sang noir souillait son chemisier.

Synopsis

Tome 1 - Foreground

Mars 2036. Une éruption solaire calcine la surface de la terre. Dans la base Salamandre, l’unité terrestre de sauvegarde de l’Espèce, le dispositif d’urgence se met en route. Quelques individus survivent.

Aussitôt, le général Orgon prend le commandement.

Quelque quarante années plus tard.

Les systèmes de procréations artificielles ont produit près de vingt mille individus. Dépourvus de cercle familial, les habitants de Salamandre vivent seuls. Le général Orgon, toujours à la tête de la base, se comporte en dictateur. Sa Loi est stricte et tend à limiter les échanges entre les individus. C’est dans ce contexte - et sous le contrôle du Général - que se développe le réseau social Virtual Friends qui attribue à chacun de ses utilisateurs un groupe d’amis virtuels créés par le système.

Dans le secteur rouge de la base Salamandre, Mara Dominguez, femme de ménage chez Virtual Friends vit une dure journée. Alors que la perte de son badge d’accès lui fait craindre un renvoi, elle utilise en fraude un casque de programmation et se retrouve projetée au cœur des données du réseau. Son incartade est découverte par un homme aux intentions suspectes. Vite, Mara repose le matériel mais elle n’a pas le temps de se remettre de ses émotions. Un étage plus haut, elle découvre, dans l’un des bureaux, le cadavre de Bénédice Leroy Chaumont, l’une des directrices de projet de Virtual Friends.

Non loin de là, Vector Hathaway, ingénieur de génie et créateur de Virtual Friends, contemple la tour de verre et d’acier, siège de la société. Si, en se connectant au réseau, l’utilisateur a le sentiment de faire appel à ses cinq sens, c’est uniquement grâce à ses recherches. Et pourtant, il vient d’être injustement licencié par les dirigeants du projet. Mais on ne se débarrasse pas si facilement de Vector Hathaway. Avant de partir, il a déclenché un processus qui, sous peu, va faire s’effondrer le réseau social.

L’âge et la maladie n’ont pas épargné le général Orgon. Pourtant, loin de songer à céder le pouvoir, le vieillard veut durcir les contrôles sur Virtual Friends et utiliser le réseau social pour manipuler ses sujets. Son Conseil n’a pas d’autre choix que de s’incliner.

Un siège vide dans l’une des salles de cours du secteur Bleu. C’est celui de Telma, une adolescente effacée. Il n’en faut pas plus à Yowan, un jeune garçon fantasque, pour tenter de nouer le dialogue avec Alanys, la voisine de classe de Telma. Cette violation de la Loi d’Orgon irrite Alanys. Elle se moque bien de Telma et de son absence. Elle conseille à Yowan d’en faire tout autant et le plante devant le distributeur de repas hyperprotéinés.

Ce n’est qu’à midi que Telma se réveille, les mains et les vêtements pleins de sang. Affolée, elle quitte son appartement avec, dans son blouson, un étrange rectangle de plastique blanc. Le passe de Mara.

Chez Virtual Friends, les inspecteurs Anton et Jasper mènent l’enquête sur la mort de Bénédice Leroy-Chaumont. Ils découvrent que chacun des employés avait au moins une raison de l’assassiner. Pourtant, toutes les preuves, de la vidéo-surveillance à l’analyse ADN, désignent une adolescente : Telma. Sans attendre, les deux inspecteurs se rendent chez la jeune fille. Ils restent dubitatifs.

L’affaire se complique lorsque, dans le secteur Vert, le quartier résidentiel de la base, Donis Marschall, le Chef de la Sécurité de Virtual Friends est étranglé en pleine rue. Son meurtrier, un peintre en bâtiment d’une trentaine d’année, reste à ses côtés, hébété et incapable d’expliquer son geste. Il ne connaissait pas Donis Marschall.

Dans le Centre Universitaire, à la fin des cours, Yowan rejoint Alanys. Il n’a toujours pas de nouvelle de Telma et est inquiet. Alanys est émue par ce jeune homme si différent mais tente de refouler ce sentiment aussi étrange qu’interdit. D’autant que les inspecteurs Anton et Jasper les observent. Les deux adolescents sont interrogés par les policiers. Ont-ils déjà vu Telma s’entretenir avec la femme assassinée chez Virtual Friends ?

Yowan entraîne Alanys à l’abri des regards, dans une réserve. Il lui avoue avoir déjà beaucoup discuté en secret avec Telma. Influencée par Aaron, son contact Virtual Friends, la jeune fille est convaincue que l’existence est possible dans le Monde Incertain, à l’extérieur de Salamandre. Pour Yowan, Telma se sait suspectée du meurtre de Bénédice et cherche à quitter la base par le secteur Jaune. Il veut l’aider.

Impossible, rétorque Alanys. Personne ne peut survivre en dehors de Salamandre et le Monde Incertain n’est qu’une légende. Elle veut rentrer chez elle réviser ses cours. C’est alors que les jeunes gens sont pris en chasse par Anton et Jasper. Les ados réussissent, sans trop de mal, à semer leurs poursuivants mais il est trop tard pour Alanys. Elle ne peut plus faire marche arrière. Elle n’a pas d’autre choix que de suivre Yowan dans le secteur Jaune.

Pendant ce temps, dans le secteur Vert, Alfons Jürgen, le responsable du service Innovations de Virtual Friends est retrouvé mort, écrasé par un shutle. À en juger par la position du corps, il a forcément été poussé. Le général Orgon convoque son Conseil. Il sait qu’au travers de Virtual Friends, c’est lui qu’on essaie d’affaiblir.

Dans un lieu secret de la base, des hommes tiennent une réunion. Ils veulent libérer Salamandre de la tyrannie d’Orgon et se félicitent de leurs premières actions sur Virtual Friends. La Rébellion est en marche.

Les deux ados, Alanys et Yowan, traversent le secteur Jaune, le secteur agricole de Salamandre. Yowan, roi des pitreries, amuse Alanys qui lutte contre ce sentiment aussi nouveau qu’interdit. Sans cesse, les jeunes gens ont la sensation d’être suivis. Il s’agit certainement des deux policiers, Anton et Jasper. Alanys et Yowan tendent un piège à leurs poursuivants.

Rien ne va plus pour Mara, la femme de ménage. Renvoyée pour avoir perdu son badge, elle cherche un nouveau travail. Elle se retourne sans cesse. On la suit.

Le piège d’Alanys et Yowan a fonctionné. Pour leur plus grande surprise, l’homme qui était sur leur trace n’est pas un policier. C’est Vector Hathaway, l’ingénieur à l’origine de Virtual Friends. Vector craint que les meurtres de ces derniers jours ne soient une conséquence de sa dernière modification. Il s’explique : sa vengeance consistait à mélanger les contacts des uns et des autres pour créer une cacophonie fatale dans le réseau social. Quelque chose lui a échappé. Il doit retrouver Telma s’il veut comprendre ce qu’il s’est passé et réparer les dysfonctionnements du système avant qu’il n’y ait d’autres morts.

Vector se connecte au système de sécurité de Virtual Friends et le trio poursuit sa route en suivant des signaux émis par le badge de la femme de ménage, toujours dans la poche de Telma. Ils retrouvent le blouson de la jeune fille dans un sous-sol, à la limite de Salamandre. Soudain, un groupe d’individus surgit. Ce sont des habitants du Monde Incertain. Ils emmènent le trio à l’extérieur de la base.

Telma les y a précédés. Elle est en compagnie de son « ami virtuel », Aaron, qui semble pourtant bien réel. Contrairement à ce que croit Orgon, certains humains ont réussi à survivre à l’éruption solaire et se sont réfugiés sur un ancien campus universitaire. Des exilés de Salamandre, fuyant la Loi d’Orgon sont venus les rejoindre. Parmi eux, Peter Jenkins, qui était membre du Conseil avant que le général ne tente de l’éliminer quelques années plus tôt. C’est lui qui, avec une poignée d’hommes, dont Aaron, a infiltré Virtual Friends.

Vector a beau tourner le problème dans sa tête, cette violation du réseau ne peut être à l’origine de l’épidémie de meurtres.

Dans le secteur Rouge de la base Salamandre, Mara vient de retrouver du travail. Très facilement. Presque trop facilement. À peine prend-elle son nouveau poste, qu’on lui glisse un lacet autour du cou. Avant de mourir, elle reconnaît, dans un miroir, l’homme qui serre le lien. C’est celui qu’elle a aperçu lorsqu’elle a mis le casque de programmation chez Virtual Friends.

Dans le Monde Incertain, Telma se soumet à plusieurs séances d’hypnoses dirigée par un vieil homme, le Doc. Il en ressort que le meurtre de Bénédice lui a été dicté par des images subliminales insérées dans un film diffusé par Virtual Friends.

Les tueurs n’étaient que des pantins entre les mains du réseau. Vector se connecte à Virtual Friends et sauvegarde les preuves de la manipulation. Il ne comprend pas comment tout ceci a pu arriver mais il n’a plus qu’une idée en tête : tout remettre en ordre. Un problème majeur se pose : le cœur du réseau ne peut être atteint que depuis les locaux de Virtual Friends. Vector est obligé de retourner dans Salamandre pour restaurer le système initial. Aaron lui confie un contacteur.

Après quelques péripéties, Vector rejoint enfin la tour de Virtual Friends.

Dans la salle informatique, il s’apprête à opérer. Tout est bientôt fini.

C’est alors que les deux inspecteurs, Anton et Jasper, font irruption dans la salle. Vector est arrêté.

Tome 2 - Background

Dans le Monde Incertain, l’alarme résonne. Le contacteur de Vector s’est déclenché. Il est en danger. Selon les informations dont disposent les ados, il va être incarcéré dans les geôles d’Orgon. Telma, Aaron, Alanys et Yowan décident de retourner dans la base Salamandre pour faire évader Vector.

Ils ignorent qu’Anton et Jasper ont proposé un marché à l’informaticien. Les deux inspecteurs font partie de la Rébellion et c’est leur mouvement qui a inséré les modifications mortelles dans le système afin de détruire le réseau social sur lequel Orgon appuie son pouvoir. Selon le plan de la Rébellion, des militaires devaient recevoir via Virtual Friends l’ordre d’éliminer les têtes pensantes du réseau social. En insérant des modifications qui mélangeaient les contacts des utilisateurs, Vector a contrarié leur projet et des civils ont reçu des ordres destinés à la Rébellion.

Vector accepte d’apporter de nouvelles modifications à Virtual Friends pour le compte de la Rébellion. Il pénètre dans le cœur du réseau et entraîne dans son aventure Telma, Aaron, Alanys et Yowan.

Mais la Rébellion est découverte par la milice d’Orgon.

Tome 3 - Underground

La Rébellion est obligée de fuir dans le Monde Incertain.

Orgon passe à une phase ultime de son projet. Il utilise Virtual Friends pour embrigader son peuple. Une guerre s’engage.

Elle se terminera par l’effondrement de la base Salamandre.

Les personnages

Alanys Martaens  : Études, études et encore études. Alanys, seize ans, ne se décroche guère des cours dispensés par les ordinateurs de Salamandre. Comme tous les ados, elle vit dans le secteur Bleu dont elle ne saurait sortir : Alanys est dépourvue de tout sens de l’orientation. La Loi d’Orgon, elle la connait sur le bout des doigts et pour rien au monde elle n’irait à l’encontre du plus petit alinéa. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Yowan.

Yowan Ansquer: Sa bouille ronde et ses cheveux en bataille en font un sympathique adolescent de dix-sept ans. Intelligent, altruiste et courageux, il est surtout fantasque. Il peut tout à coup se mettre à parler en vers, pirouetter, jongler ou exécuter un tour de magie pour amuser son auditoire. Tout cela, bien sûr, à l’encontre de la Loi d’Orgon.

Telma Vaslin : Comme beaucoup (trop) de jeunes de son âge, cette adolescente consacre plus que son temps libre au réseau social Virtual Friends. Timide, presqu’effacée, rien ni dans son physique ni dans son allure n’attire spécialement l’attention. Elle veut croire qu’il existe un monde en dehors de la base et son ami virtuel, Aaron, ne fait rien pour l’en dissuader. Peut-être ont-ils raison.

Aaron Lebihan : Beau, grand et musclé, Aaron est l’un des amis virtuels de Telma. Son credo : le Monde Incertain existe et il est sans danger. C’est le discours qu’il tient en permanence à Telma. Mais Aaron n’est-il qu’une entité virtuelle ?

Vector Hathaway : Mieux vaut se fier à son œil vif qu’à ses gestes patauds. Ce trentenaire est un informaticien de génie. Il est à l’origine du réseau social de Salamandre, Virtual Friends et c’est lui qui y a implanté la sensation d’y utiliser ses cinq sens. Vector n’a jamais supporté les injustices et particulièrement celle qui vient de le frapper : être limogé du projet qu’il a lui-même créé. Avant de quitter la société, il a concocté une petite vengeance a priori sans conséquences mais qui prendra une ampleur démesurée.

Le général Orgon : Tout le monde connait son regard bleu et son visage sec. Et pour cause : les statues et les portraits du général Orgon sont partout présents sur la base. Dès la mise en service de la base Salamandre, ce militaire de carrière en a pris le contrôle. Il se comporte en dictateur mégalomane et impose une Loi des plus strictes au peuple de Salamandre.

Peter Jenkins : Peter Jenkins est technicien sur la base Salamandre. Sa connaissance de la base et de son matériel en font un adversaire redoutable pour Orgon. Le général tentera de l’éliminer sans succès. Peter connaissait un passage vers le Monde Incertain où il se réfugiera.

Barbara Alban : Le médecin au chignon blond de la base Salamandre est également la conseillère principale d’Orgon… et le chef d’un mouvement d’opposition secret, la Rébellion. Son plus grand rêve est de retrouver le monde qu’elle a connu avant l’éruption solaire. Et pour cela, il lui faut se débarrasser du dictateur.

Chi Wong Chen : Chen a su prendre très rapidement la responsabilité du centre de procréation. Elle dirige le secteur Bleu, réservé aux enfants et aux adolescents. Elle ne peut supporter que les êtres qu’elle crée soient ainsi soumis à l’impitoyable Loi d’Orgon. Alors, tout comme Barbara, elle fait partie du mouvement de la Rébellion.

Bénédice Leroy-Chaumont : Une femme grande, froide, abjecte. Redoutée par chacun des membres de son équipe, elle est la directrice de projet la plus détestée depuis la création. Aussi, son assassinat dans les locaux de Virtual Friends soulage ses collaborateurs plus qu’il ne les étonne.

Donis Marschall : Chef de la Sécurité des Données de Virtual Friends, il est le deuxième employé de la société à se faire assassiner. Sa mort est-elle liée à celle de Bénédice Leroy-Chaumont ?

Alfons Jürgen : Responsable du service Innovations de Virtual Friends, Alfons Jürgen est pourtant loin d’être un créatif. Ses fonctions consistent à faire évoluer l’application de manière à donner de plus en plus de contrôle à Orgon sur ses sujets. Son assassinat, le troisième sur la liste, ébranle le général et son Conseil.

Mara Dominguez : Petite, brune, ni vraiment belle, ni vraiment laide, Mara est femme de ménage chez Virtual Friends. C’est elle qui a découvert le corps de Bénédice Leroy-Chaumont. Mais, pour son plus grand malheur, elle a assisté à une scène virtuelle qu’elle n’aurait dû jamais voir. Mara en sait trop.

Le Doc : Médecin avant l’éruption solaire, ce vieil homme a des connaissances dans toute sorte de médecine, y compris en Hypnothérapie. Il vit dans le Monde Incertain où il partage ses connaissances.

Anton Karpov : Un costume gris, des cheveux en brosse, une attitude débonnaire, l’inspecteur Anton fait partie de la police de Salamandre. Aussi, personne ne se douterait qu’il est également membre de la Rébellion.

Jasper Mac Kinley : Il porte lui aussi un costume gris mais ses cheveux sont rares et son attitude plus nerveuse. Inspecteur de la police de Salamandre, Jasper est l’acolyte d’Anton tant dans son rôle d’enquêteur que dans celui de membre de la Rébellion.

Salamandre

1

― Monsieur Jenkins, nous vous écoutons.

Le général Orgon posa un regard tranchant sur le technicien. L’homme se leva devant les membres de l’assemblée, le front constellé de gouttelettes.

― Suite au séisme que nous avons tous ressenti hier le dispositif de sécurité de la base s’est enclenché comme prévu. Toutes les portes étanches ont fonctionné et nous avons été isolés de l’extérieur. La coque externe a tenu le coup. Nous n’avons eu aucune fissure, même minime. J’ai vérifié les quatre secteurs et le quartier du commandement. Les bâtiments sont intacts. Il en va de même pour les voies de communications. Tous les shutles sont en état de marche. Le taux de radioactivité à l’intérieur est quasi nul. La température est de 21°C. Par contre…

Jenkins marqua une pause. Sa voix se serra jusqu’à mourir sur le dernier mot.

― Par contre, la température extérieure est anormalement élevée… de l’ordre de 250 degrés Celsius…

La salle se figea. Impassible, le général se tourna vers le responsable des communications.

― Boris, vous avez réussi à établir une liaison avec Paris ?

― Non, monsieur. J’ai essayé tous les centres. Paris, New York, Tokyo, Sidney, Le Caire... Personne ne répond. Nous sommes seuls.

La responsable du centre de nutrition, une quinquagénaire aux cheveux argent, laissa échapper un gémissement. Ils n’étaient venus dans ce gigantesque abri que pour une simple visite de routine. Tous avaient laissé quelqu’un à l’extérieur comme quand on part le matin au bureau. Quelqu’un qu’ils ne reverraient plus.

Le visage émacié du général se tourna vers une jeune femme blonde.

― Combien sommes-nous exactement dans la base ?

Le docteur Barbara Alban, les yeux rivés sur sa tablette tactile, retira le crayon qu’elle avait planté dans son chignon.

― Soixante-quatorze, monsieur. Et il n’y a plus d’espoir de voir d’autres signaux apparaître.

Elle jeta son matériel sur la table, renonçant à suivre des chiffres qui refusaient d’évoluer. Moins de cent personnes dans une base de la taille d’une ville de deux-cent mille habitants, on n’allait pas se bousculer. Du moins, pas tout de suite. Le général Orgon se redressa. Il avait suivi le même raisonnement.

― Quelqu’un a vérifié le centre de procréation ?

Chi Wong Chen leva un doigt timide.

― Moi, monsieur. Le système s’est immédiatement mis en marche. Les premières fécondations artificielles se sont déroulées comme prévu et les couveuses ont démarré aussitôt. En résumé, la nouvelle génération est déjà en route.

Le général posa ses mains à plat sur la table et fixa les veines du bois devant lui. Son heure était venue. Enfin. Il contrôla le frémissement de sa lèvre, repoussa son siège et déploya un corps immense que l’uniforme rendait plus imposant encore.

― Mesdames, Messieurs, une nouvelle ère vient de s’ouvrir pour l’humanité. En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par les autorités des cinq continents, je prends le commandement de la base Salamandre.

2

Le shutle malmenait ses occupants. Ballotés sur des sièges aux ressorts déglingués, certains tentaient d’achever leur nuit, d’autres contemplaient sans vraiment les voir les immeubles endormis le long de la voie, d’autres encore parcouraient d’un œil hagard les images qui s’affichaient sur leur visière-écran. Sans prévenir, un hurlement de freins les projeta tous vers l’avant. L’engin s’arrêtait, presqu’au milieu de nulle part.

L’homme qui monta avait tout du no-life. L’œil terne, les cheveux gras, les vêtements sales et déchirés. Il s’engagea dans l’allée, louvoyant entre les sacs posés au sol tandis que le shutle s’ébranlait, malmenant son équilibre déjà précaire. Le geek s’accrocha de barre en barre pour se laisser tomber sur le premier siège libre, aux côtés de Mara.Dominguez. La femme se raidit et se réfugia contre la vitre, maintenant le maximum de distance avec ce voisin indésirable.

Le geek s’enfonça dans son siège et baissa sa visière-écran. D’un coup d’œil indiscret, Mara aperçut, comme elle s’y attendait, le logo rouge sur fond argent de Virtual Friends. Elle fourra son nez dans le col de son manteau tandis que sa main se crispait sur la poignée de son sac. À travailler dans la tour qui abritait le réseau social, elle avait l’impression d’avoir sa part de responsabilité dans ce grand gâchis.

Enfin, les néons d’un centre commercial blanchirent la nuit. Comme chaque matin au même endroit, Mara fouilla son sac, retournant le plastique fendu d’un vieux tube de rouge à lèvres, un porte-monnaie usé, un trousseau de clés. Elle souleva un paquet de mouchoirs, bouscula une fois de plus ses maigres trésors. Impossible de mettre la main sur la carte magnétique qui permettait l’accès à la tour de Virtual-Friends.

Affolée, elle sortit son portefeuille, tourna chacune des pages plastifiées, le secoua. Rien. Elle passa les mains dans ses poches. Toujours rien. Son cœur cognait contre sa poitrine. Une catastrophe s’annonçait. Les dirigeants ne plaisantaient pas avec la sécurité. La semaine dernière, ils avaient renvoyé un ingénieur pour avoir perdu ce même petit rectangle de plastique blanc. Ils n’auraient certainement pas plus d’égards pour une simple femme de ménage.

Mara tenta de se ressaisir. Ça ne pouvait pas lui arriver. Pas à elle. Elle avait bien trop besoin de ce travail. Le mieux était de ne rien dire. Ou du moins, pas tout de suite. Avec un peu de chance, elle retrouverait sa précieuse carte chez elle dans le fond de son armoire ou entre les coussins d’un fauteuil.

En attendant, il lui fallait une solution pour entrer.

C’est alors qu’elle aperçut, quelques sièges devant elle, la fille du service courrier. Une grande perche à la peau d’un blanc grisâtre façon lait de soja. Discrètement, Mara se défit de son foulard.

Lorsque le shutle ralentit, elle se leva d’un bond, déclenchant les grognements du geek et sauta sur le trottoir, devant la statue du Général Orgon. Comme chaque matin, du haut de son piédestal, le vieillard en uniforme qui régnait sur Salamandre depuis plus de quarante ans la toisait comme si elle s’apprêtait à violer sa Loi. Et pour une fois, il avait raison. Mara se préparait à parler à une inconnue.

Déjà, le Soja abordait le parvis de la tour de verre et d’acier. Mara accéléra son allure.

― Eh ! Attendez ! Vous avez perdu ceci.

Le Soja se retourna et coula un regard creux sur le foulard que Mara lui tendait.

― Il est pas à moi, ce truc-là.

― Ah… Je croyais. J’ai plus qu’à l’amener aux objets trouvés alors…

― Bof… Une poubelle fera l’affaire. Personne ne viendra réclamer une horreur pareille.

Mara crispa son poing sur le carré d’étoffe. Une horreur, son foulard ? Si elle n’avait pas eu besoin de se faire ouvrir la porte, elle lui aurait balancé ses quatre vérités à cette pimbèche.

― Bah… on sait jamais.

Elle glissa le tissu dans sa poche et calqua son pas sur celui de la grande perche. Arrivée, près de la porte, elle fit mine de fouiller son sac. Le Soja agita son sésame.

― C’est bon, j’ai la mienne à la main.

Mara la remercia d’un signe de tête. Intérieurement, elle jubilait. Tout avait fonctionné comme prévu. Mais elle ne voulait pas chanter victoire trop tôt. En femme d’expérience, elle savait que quand une journée commençait mal, il y avait toutes les chances qu’elle se termine de la même manière. Elle rendit son salut au Soja et se dirigea vers le tableau des affectations. Un simple coup d’œil au panneau lumineux confirma ses craintes. On l’avait assignée aux deux derniers étages. Ceux qu’elle détestait. L’âme chavirée, Mara enfila la blouse règlementaire, poussa son chariot dans l’ascenseur et se contorsionna pour atteindre l’avant-dernier bouton. La machine s’élança. Trois secondes pour cinquante étages. Pas même de temps de souffler.

Une dernière secousse et les portes s’ouvrirent. Mara avala sa salive pour conjurer les bourdonnements de ses oreilles et avança. Aussitôt, un détecteur de présence alluma les néons de la salle de programmation, un open-space envahi de gros fauteuils en position semi-allongée, tous pourvus de casques à électrodes.

Mara s’attela à sa tâche. Une giclée de produit désinfectant, un coup de chiffon par-dessus et le tour était joué. Elle arriva rapidement au dernier poste et s’arrêta, la main sur le skaï. Quelle impression pouvait-on bien avoir avec ces ventouses sur le crâne, une visière opaque devant les yeux ? Elle repensa à sa carte perdue. Elle n’aurait peut-être jamais une autre occasion d’essayer. Sans plus y réfléchir, elle arracha le casque de son support. À peine le métal eut-il effleuré ses cheveux que des pointes s’enfoncèrent dans ses tempes.

Et son univers bascula.

Une salle blanche. Vide. Au fond, une porte épaisse, greffée de rouages. Restée entrebâillée, elle laissait apparaître un hall où des gens se pressaient vers des shutles. Non loin de l’ouverture, insensible à cette agitation, un homme se tenait immobile. Soudain, une voix synthétique annonça :

― Phase E enclenchée.

Et un signal d’alerte résonna.

L’homme se retourna. Son rictus de satisfaction retomba lorsqu’il aperçut Mara.

Effrayée, la femme de ménage arracha son casque. La salle de programmation réapparut, presque rassurante. Prise de vertige, Mara s’accrocha à un accoudoir. Elle avait sans doute enlevé son casque un peu trop vite. Elle prit une inspiration et passa et repassa son chiffon sur un siège déjà bien brillant, le temps de se ressaisir. Vraiment, ces nouvelles expériences n’étaient plus de son âge. Mieux valait continuer à faire son ménage. Elle poussa son chariot vers l’ascenseur et débarqua un étage plus haut, sur un sol de marbre, le cœur toujours battant.

Un son mécanique chuinta au-dessus de sa tête. L’œil inquisiteur d’une caméra se posait sur elle, la détaillant de pied en cap. Elle rentra la tête dans les épaules, manœuvra son chariot jusqu’à une porte et, d’un coup rapide, en fit briller la plaque de cuivre au titre ronflant. Bénédice Leroy-Chaumont, Directrice de Projet. Encore une qui se croyait issue de la cuisse d’Orgon à en croire les directives qu’elle lui laissait régulièrement. Qu’allait-elle lui demander aujourd’hui par note interposée ? Cirer son bureau ? Lessiver ses murs ?

La femme de ménage poussa le panneau acajou. Aussitôt, une odeur métallique la saisit à la gorge. Des néons clignotèrent, éclairant par intermittence une scène que Mara n’arrivait pas à interpréter.

Enfin, la lumière se figea.

Et Mara se pétrifia.

Une envie de hurler lui déchira l’estomac.

Une femme était assise derrière son bureau, la tête renversée, le regard fixe.

Un sang noir souillait son chemisier.

Synopsis

Tome 1

Foreground

Mars 2036. Une éruption solaire calcine la surface de la terre. Dans la base Salamandre, l’unité terrestre de sauvegarde de l’Espèce, le dispositif d’urgence se met en route. Quelques individus survivent.

Aussitôt, le général Orgon prend le commandement.

Quelque quarante années plus tard.

Les systèmes de procréations artificielles ont produit près de vingt mille individus. Dépourvus de cercle familial, les habitants de Salamandre vivent seuls. Le général Orgon, toujours à la tête de la base, se comporte en dictateur. Sa Loi est stricte et tend à limiter les échanges entre les individus. C’est dans ce contexte - et sous le contrôle du Général - que se développe le réseau social Virtual Friends qui attribue à chacun de ses utilisateurs un groupe d’amis virtuels créés par le système.

Dans le secteur rouge de la base Salamandre, Mara Dominguez, femme de ménage chez Virtual Friends vit une dure journée. Alors que la perte de son badge d’accès lui fait craindre un renvoi, elle utilise en fraude un casque de programmation et se retrouve projetée au cœur des données du réseau. Son incartade est découverte par un homme aux intentions suspectes. Vite, Mara repose le matériel mais elle n’a pas le temps de se remettre de ses émotions. Un étage plus haut, elle découvre, dans l’un des bureaux, le cadavre de Bénédice Leroy Chaumont, l’une des directrices de projet de Virtual Friends.

Non loin de là, Vector Hathaway, ingénieur de génie et créateur de Virtual Friends, contemple la tour de verre et d’acier, siège de la société. Si, en se connectant au réseau, l’utilisateur a le sentiment de faire appel à ses cinq sens, c’est uniquement grâce à ses recherches. Et pourtant, il vient d’être injustement licencié par les dirigeants du projet. Mais on ne se débarrasse pas si facilement de Vector Hathaway. Avant de partir, il a déclenché un processus qui, sous peu, va faire s’effondrer le réseau social.

L’âge et la maladie n’ont pas épargné le général Orgon. Pourtant, loin de songer à céder le pouvoir, le vieillard veut durcir les contrôles sur Virtual Friends et utiliser le réseau social pour manipuler ses sujets. Son Conseil n’a pas d’autre choix que de s’incliner.

Un siège vide dans l’une des salles de cours du secteur Bleu. C’est celui de Telma, une adolescente effacée. Il n’en faut pas plus à Yowan, un jeune garçon fantasque, pour tenter de nouer le dialogue avec Alanys, la voisine de classe de Telma. Cette violation de la Loi d’Orgon irrite Alanys. Elle se moque bien de Telma et de son absence. Elle conseille à Yowan d’en faire tout autant et le plante devant le distributeur de repas hyperprotéinés.

Ce n’est qu’à midi que Telma se réveille, les mains et les vêtements pleins de sang. Affolée, elle quitte son appartement avec, dans son blouson, un étrange rectangle de plastique blanc. Le passe de Mara.

Chez Virtual Friends, les inspecteurs Anton et Jasper mènent l’enquête sur la mort de Bénédice Leroy-Chaumont. Ils découvrent que chacun des employés avait au moins une raison de l’assassiner. Pourtant, toutes les preuves, de la vidéo-surveillance à l’analyse ADN, désignent une adolescente : Telma. Sans attendre, les deux inspecteurs se rendent chez la jeune fille. Ils restent dubitatifs.

L’affaire se complique lorsque, dans le secteur Vert, le quartier résidentiel de la base, Donis Marschall, le Chef de la Sécurité de Virtual Friends est étranglé en pleine rue. Son meurtrier, un peintre en bâtiment d’une trentaine d’année, reste à ses côtés, hébété et incapable d’expliquer son geste. Il ne connaissait pas Donis Marschall.

Dans le Centre Universitaire, à la fin des cours, Yowan rejoint Alanys. Il n’a toujours pas de nouvelle de Telma et est inquiet. Alanys est émue par ce jeune homme si différent mais tente de refouler ce sentiment aussi étrange qu’interdit. D’autant que les inspecteurs Anton et Jasper les observent. Les deux adolescents sont interrogés par les policiers. Ont-ils déjà vu Telma s’entretenir avec la femme assassinée chez Virtual Friends ?

Yowan entraîne Alanys à l’abri des regards, dans une réserve. Il lui avoue avoir déjà beaucoup discuté en secret avec Telma. Influencée par Aaron, son contact Virtual Friends, la jeune fille est convaincue que l’existence est possible dans le Monde Incertain, à l’extérieur de Salamandre. Pour Yowan, Telma se sait suspectée du meurtre de Bénédice et cherche à quitter la base par le secteur Jaune. Il veut l’aider.

Impossible, rétorque Alanys. Personne ne peut survivre en dehors de Salamandre et le Monde Incertain n’est qu’une légende. Elle veut rentrer chez elle réviser ses cours. C’est alors que les jeunes gens sont pris en chasse par Anton et Jasper. Les ados réussissent, sans trop de mal, à semer leurs poursuivants mais il est trop tard pour Alanys. Elle ne peut plus faire marche arrière. Elle n’a pas d’autre choix que de suivre Yowan dans le secteur Jaune.

Pendant ce temps, dans le secteur Vert, Alfons Jürgen, le responsable du service Innovations de Virtual Friends est retrouvé mort, écrasé par un shutle. À en juger par la position du corps, il a forcément été poussé. Le général Orgon convoque son Conseil. Il sait qu’au travers de Virtual Friends, c’est lui qu’on essaie d’affaiblir.

Dans un lieu secret de la base, des hommes tiennent une réunion. Ils veulent libérer Salamandre de la tyrannie d’Orgon et se félicitent de leurs premières actions sur Virtual Friends. La Rébellion est en marche.

Les deux ados, Alanys et Yowan, traversent le secteur Jaune, le secteur agricole de Salamandre. Yowan, roi des pitreries, amuse Alanys qui lutte contre ce sentiment aussi nouveau qu’interdit. Sans cesse, les jeunes gens ont la sensation d’être suivis. Il s’agit certainement des deux policiers, Anton et Jasper. Alanys et Yowan tendent un piège à leurs poursuivants.

Rien ne va plus pour Mara, la femme de ménage. Renvoyée pour avoir perdu son badge, elle cherche un nouveau travail. Elle se retourne sans cesse. On la suit.

Le piège d’Alanys et Yowan a fonctionné. Pour leur plus grande surprise, l’homme qui était sur leur trace n’est pas un policier. C’est Vector Hathaway, l’ingénieur à l’origine de Virtual Friends. Vector craint que les meurtres de ces derniers jours ne soient une conséquence de sa dernière modification. Il s’explique : sa vengeance consistait à mélanger les contacts des uns et des autres pour créer une cacophonie fatale dans le réseau social. Quelque chose lui a échappé. Il doit retrouver Telma s’il veut comprendre ce qu’il s’est passé et réparer les dysfonctionnements du système avant qu’il n’y ait d’autres morts.

Vector se connecte au système de sécurité de Virtual Friends et le trio poursuit sa route en suivant des signaux émis par le badge de la femme de ménage, toujours dans la poche de Telma. Ils retrouvent le blouson de la jeune fille dans un sous-sol, à la limite de Salamandre. Soudain, un groupe d’individus surgit. Ce sont des habitants du Monde Incertain. Ils emmènent le trio à l’extérieur de la base.

Telma les y a précédés. Elle est en compagnie de son « ami virtuel », Aaron, qui semble pourtant bien réel. Contrairement à ce que croit Orgon, certains humains ont réussi à survivre à l’éruption solaire et se sont réfugiés sur un ancien campus universitaire. Des exilés de Salamandre, fuyant la Loi d’Orgon sont venus les rejoindre. Parmi eux, Peter Jenkins, qui était membre du Conseil avant que le général ne tente de l’éliminer quelques années plus tôt. C’est lui qui, avec une poignée d’hommes, dont Aaron, a infiltré Virtual Friends.

Vector a beau tourner le problème dans sa tête, cette violation du réseau ne peut être à l’origine de l’épidémie de meurtres.

Dans le secteur Rouge de la base Salamandre, Mara vient de retrouver du travail. Très facilement. Presque trop facilement. À peine prend-elle son nouveau poste, qu’on lui glisse un lacet autour du cou. Avant de mourir, elle reconnaît, dans un miroir, l’homme qui serre le lien. C’est celui qu’elle a aperçu lorsqu’elle a mis le casque de programmation chez Virtual Friends.

Dans le Monde Incertain, Telma se soumet à plusieurs séances d’hypnoses dirigée par un vieil homme, le Doc. Il en ressort que le meurtre de Bénédice lui a été dicté par des images subliminales insérées dans un film diffusé par Virtual Friends.

Les tueurs n’étaient que des pantins entre les mains du réseau. Vector se connecte à Virtual Friends et sauvegarde les preuves de la manipulation. Il ne comprend pas comment tout ceci a pu arriver mais il n’a plus qu’une idée en tête : tout remettre en ordre. Un problème majeur se pose : le cœur du réseau ne peut être atteint que depuis les locaux de Virtual Friends. Vector est obligé de retourner dans Salamandre pour restaurer le système initial. Aaron lui confie un contacteur.

Après quelques péripéties, Vector rejoint enfin la tour de Virtual Friends.

Dans la salle informatique, il s’apprête à opérer. Tout est bientôt fini.

C’est alors que les deux inspecteurs, Anton et Jasper, font irruption dans la salle. Vector est arrêté.

Tome 2

Background

Dans le Monde Incertain, l’alarme résonne. Le contacteur de Vector s’est déclenché. Il est en danger. Selon les informations dont disposent les ados, il va être incarcéré dans les geôles d’Orgon. Telma, Aaron, Alanys et Yowan décident de retourner dans la base Salamandre pour faire évader Vector.

Ils ignorent qu’Anton et Jasper ont proposé un marché à l’informaticien. Les deux inspecteurs font partie de la Rébellion et c’est leur mouvement qui a inséré les modifications mortelles dans le système afin de détruire le réseau social sur lequel Orgon appuie son pouvoir. Selon le plan de la Rébellion, des militaires devaient recevoir via Virtual Friends l’ordre d’éliminer les têtes pensantes du réseau social. En insérant des modifications qui mélangeaient les contacts des utilisateurs, Vector a contrarié leur projet et des civils ont reçu des ordres destinés à la Rébellion.

Vector accepte d’apporter de nouvelles modifications à Virtual Friends pour le compte de la Rébellion. Il pénètre dans le cœur du réseau et entraîne dans son aventure Telma, Aaron, Alanys et Yowan.

Mais la Rébellion est découverte par la milice d’Orgon.

Tome 3

Underground

La Rébellion est obligée de fuir dans le Monde Incertain.

Orgon passe à une phase ultime de son projet. Il utilise Virtual Friends pour embrigader son peuple. Une guerre s’engage.

Elle se terminera par l’effondrement de la base Salamandre.

Les personnages

Alanys Martaens  : Études, études et encore études. Alanys, seize ans, ne se décroche guère des cours dispensés par les ordinateurs de Salamandre. Comme tous les ados, elle vit dans le secteur Bleu dont elle ne saurait sortir : Alanys est dépourvue de tout sens de l’orientation. La Loi d’Orgon, elle la connait sur le bout des doigts et pour rien au monde elle n’irait à l’encontre du plus petit alinéa. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Yowan.

Yowan Ansquer: Sa bouille ronde et ses cheveux en bataille en font un sympathique adolescent de dix-sept ans. Intelligent, altruiste et courageux, il est surtout fantasque. Il peut tout à coup se mettre à parler en vers, pirouetter, jongler ou exécuter un tour de magie pour amuser son auditoire. Tout cela, bien sûr, à l’encontre de la Loi d’Orgon.

Telma Vaslin : Comme beaucoup (trop) de jeunes de son âge, cette adolescente consacre plus que son temps libre au réseau social Virtual Friends. Timide, presqu’effacée, rien ni dans son physique ni dans son allure n’attire spécialement l’attention. Elle veut croire qu’il existe un monde en dehors de la base et son ami virtuel, Aaron, ne fait rien pour l’en dissuader. Peut-être ont-ils raison.

Aaron Lebihan : Beau, grand et musclé, Aaron est l’un des amis virtuels de Telma. Son credo : le Monde Incertain existe et il est sans danger. C’est le discours qu’il tient en permanence à Telma. Mais Aaron n’est-il qu’une entité virtuelle ?

Vector Hathaway : Mieux vaut se fier à son œil vif qu’à ses gestes patauds. Ce trentenaire est un informaticien de génie. Il est à l’origine du réseau social de Salamandre, Virtual Friends et c’est lui qui y a implanté la sensation d’y utiliser ses cinq sens. Vector n’a jamais supporté les injustices et particulièrement celle qui vient de le frapper : être limogé du projet qu’il a lui-même créé. Avant de quitter la société, il a concocté une petite vengeance a priori sans conséquences mais qui prendra une ampleur démesurée.

Le général Orgon : Tout le monde connait son regard bleu et son visage sec. Et pour cause : les statues et les portraits du général Orgon sont partout présents sur la base. Dès la mise en service de la base Salamandre, ce militaire de carrière en a pris le contrôle. Il se comporte en dictateur mégalomane et impose une Loi des plus strictes au peuple de Salamandre.

Peter Jenkins : Peter Jenkins est technicien sur la base Salamandre. Sa connaissance de la base et de son matériel en font un adversaire redoutable pour Orgon. Le général tentera de l’éliminer sans succès. Peter connaissait un passage vers le Monde Incertain où il se réfugiera.

Barbara Alban : Le médecin au chignon blond de la base Salamandre est également la conseillère principale d’Orgon… et le chef d’un mouvement d’opposition secret, la Rébellion. Son plus grand rêve est de retrouver le monde qu’elle a connu avant l’éruption solaire. Et pour cela, il lui faut se débarrasser du dictateur.

Chi Wong Chen : Chen a su prendre très rapidement la responsabilité du centre de procréation. Elle dirige le secteur Bleu, réservé aux enfants et aux adolescents. Elle ne peut supporter que les êtres qu’elle crée soient ainsi soumis à l’impitoyable Loi d’Orgon. Alors, tout comme Barbara, elle fait partie du mouvement de la Rébellion.

Bénédice Leroy-Chaumont : Une femme grande, froide, abjecte. Redoutée par chacun des membres de son équipe, elle est la directrice de projet la plus détestée depuis la création. Aussi, son assassinat dans les locaux de Virtual Friends soulage ses collaborateurs plus qu’il ne les étonne.

Donis Marschall : Chef de la Sécurité des Données de Virtual Friends, il est le deuxième employé de la société à se faire assassiner. Sa mort est-elle liée à celle de Bénédice Leroy-Chaumont ?

Alfons Jürgen : Responsable du service Innovations de Virtual Friends, Alfons Jürgen est pourtant loin d’être un créatif. Ses fonctions consistent à faire évoluer l’application de manière à donner de plus en plus de contrôle à Orgon sur ses sujets. Son assassinat, le troisième sur la liste, ébranle le général et son Conseil.

Mara Dominguez : Petite, brune, ni vraiment belle, ni vraiment laide, Mara est femme de ménage chez Virtual Friends. C’est elle qui a découvert le corps de Bénédice Leroy-Chaumont. Mais, pour son plus grand malheur, elle a assisté à une scène virtuelle qu’elle n’aurait dû jamais voir. Mara en sait trop.

Le Doc : Médecin avant l’éruption solaire, ce vieil homme a des connaissances dans toute sorte de médecine, y compris en Hypnothérapie. Il vit dans le Monde Incertain où il partage ses connaissances.

Anton Karpov : Un costume gris, des cheveux en brosse, une attitude débonnaire, l’inspecteur Anton fait partie de la police de Salamandre. Aussi, personne ne se douterait qu’il est également membre de la Rébellion.

Jasper Mac Kinley : Il porte lui aussi un costume gris mais ses cheveux sont rares et son attitude plus nerveuse. Inspecteur de la police de Salamandre, Jasper est l’acolyte d’Anton tant dans son rôle d’enquêteur que dans celui de membre de la Rébellion.

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