Salamandre

serenitefr

Le centre équestre de Capville accueillait pour la première fois une vente aux enchères. La crise aidant, la structure n’était plus autosuffisante et devait trouver d’autres sources de revenus, comme de vendre les chevaux d’un autre centre en faillite suite à un lourd incendie.

Pour l’occasion, la carrière grouillait de lads tenant les numéros de lot au bout de leur longe. Ils tournaient en rond comme les mécanismes d’une montre bien rôdée. Dans les tribunes, les futurs acheteurs, les yeux rivés sur les muscles en sueur et les naseaux frémissants, n’avaient que quelques minutes pour discerner la pépite de la carne. De toute façon, tous ceux qui ne seraient pas vendus finiraient à la boucherie. Pour l’un d’entre eux, l’issue semblait certaine. Il s’agissait d’un petit cheval, pie noir, maigre et atonique, avec de larges zones rouges sur tous le corps. Cote d’amour : zéro.

Un haut-parleur annonça le début de la vente. Lot 1, lot 2, lot 3, de magnifiques alezans. Lot 9, une pouliche de sept ans. Lot 10, une tripotée de Shetlands. Lot 12, un postier breton de 800 kilos tout mouillé.

-          Lot 13, Salamandre, hongre de 7 ans, selle français, par Glad du Hills et Killer Joe, annonça le haut-parleur grésillant. Début de l’enchère à 100 euros.

-          100 euros ! C’est déjà beaucoup trop ! s’exclama un acheteur

Le cheval, lui, s’excusait presque d’être là, mais n’avait pas bougé d’un iota. Il semblait souffrir énormément de sa condition, mais ne bronchait pas. Une main se leva dans le public.

-          100 euros à ma droite ! annonça le commissaire-priseur de sa voix rauque.

-          Carla ? Tu vas pas acheter ce bourrin, il est à moitié cuit ! s’insurgea un voisin de tribune.

-          A moitié prix tu veux dire ! s’amusa un autre.

-          100 euros une fois, deux fois, trois fois, adjugé à ma droite !

Carla, la quarantaine brune, se leva, accompagnée d’un jeune homme dénommé Kuko, dont la beauté juvénile dissimulait son âge. Carla régla ses dettes assorties des frais annexes de vente alors que Kuko examinait déjà le petit cheval des yeux. Il laissa entendre à Carla qu’il n’y avait pas beaucoup d’espoir à avoir sur l’avenir de son investissement, qui n’avait d’ailleurs toujours pas esquissé l’ombre d’un mouvement. Carla fit signe à Kuko de faire le nécessaire, comme il avait été convenu. Il sortit une seringue.

Pour une fois, le soleil chauffait vraiment en ce joli matin d’avril. Carla travaillait dans la cour, lorsque la porte de la maison s’ouvrit sur une jeune fille en chaise roulante.

-          Vanille, il fait encore froid, attends un peu.

-          Tu rigoles maman ! Vanille se leva de son siège, prit une grande inspiration et demanda : où est-il ?

Vanille regarda sa mère d’un air accusateur.

-          Il est là, n’est-ce pas ?

-          Ecoute…

-          Maman ? Dis-moi que tu l’as ramené ! Les jambes de Vanille commencèrent à lui faire défaut, mais elle tint bon.

-          Vanille ! lança Carla, inquiète.

-          Où est-il ? Où l’avez-vous mis ?! Réponds !

-          Tout sa mère ! sourit Kuko qui arrivait dans la cour. Sal est dans le grand box. Il t’attend.

Vanille soupira de soulagement dans les bras de sa mère.

-          Ma chérie, il est mal en point. Très… mal en point, avertit Carla en lui déposant un baiser sur la joue.

-          On sera deux ! convint Vanille qui partit vers les écuries.

Elle se dirigea vers le grand box et commença à apercevoir deux oreilles, puis une encolure, et finalement le même petit cheval qu’à la vente aux enchères. La gorge serrée, Vanille regarda les blessures de son protégé et comprit l’immobilisme de ce dernier. Le seul fait de respirer devait déjà terriblement le faire souffrir et pourtant il ne disait rien. Des bruits de pas se firent entendre à l’autre bout de l’écurie. Kuko et Carla arrivaient, accompagnés du vétérinaire, qui posa sa sacoche sur la paille du box d’à côté.

-          Merde Carla ! lança Raymond en voyant l’état du cheval. C’est un mort-vivant que tu as ramené !

Raymond fit le tour du cheval en marquant des pauses sur les plaies pour mieux les examiner. Il ressortit du box tout en entraînant Carla à l’écart.

-          Carla, j’ai ce qu’il faut dans ma sacoche, on ne peut pas le laisser dans cet état.

-          Tout à fait d’accord, mais tu es là pour le soigner.

-          Il est foutu ton canasson ! Je sais même pas comment il a survécu à tout ça !

-          Les hommes n’ont pas le monopole de l’instinct de survie.

-          Tu ne te rends pas compte, vous vous embarquez pour six à sept heures de soins quotidiens !

-          Ecoute Raymond, ce cheval est trop important pour Vanille, s’il veut se battre, son calvaire sera le nôtre, ponctua Carla.

-          OK.

Raymond revint sur ses pas pour reprendre sa sacoche et s’en alla.

La maison commença à vivre au rythme de Sal. Les mouvements, y compris la simple mastication, lui étaient difficiles et nécessitaient de petits apports de nourriture réguliers, neuf en tout. Sur les conseils de Raymond, Kuko, tout jeune praticien qu’il était, stimulait le système lymphatique du petit cheval pour améliorer son immunité. Il travaillait également sa peau pour qu’elle cicatrise plus rapidement en restant bien souple. Il espérait que, par ce biais, Sal puisse plus rapidement recouvrir sa complète mobilité.

Vanille, elle, lui parlait beaucoup. Des cours par correspondance qu’elle avait dû prendre pour pouvoir s’occuper de lui. De la pluie, du beau temps, du soleil dont il faudrait qu’il se protège quand il irait mieux. Elle lui parlait de tout, de rien, mais toujours de quelque chose. Elle voulait rester en contact avec lui et développer une empathie qu’elle espérait salvatrice.

Comme tous les soirs, Vanille quittait Sal à regret. Carla l’appelait de la cuisine, mais elle l’ignorait sciemment, feignant de ne pas l’entendre du fond du box. Sal, lui, l’entendait bien et orientait ses oreilles comme pour mieux capter l’origine du bruit. S’en suivait alors un jeu de regards qui en disait long sur leur non-envie réciproque de se quitter. Sal n’hésitait d’ailleurs pas à pousser du museau Vanille dès qu’il le pouvait. Une sorte de « c’est toi le chat, attrape-moi si tu peux ». Généralement, cela annonçait l’arrivée de Kuko, juste avant le seizième appel de Carla, armé d’une cravache pour mettre fin à toute potentielle rébellion du camp adverse.

Vanille rentrait alors à regret et mangeait avant d’aller dormir. Vanille n’aimait pas aller se coucher, car elle avait très régulièrement des cauchemars. De ceux qui reviennent sans cesse, de ceux qu’on aimerait éteindre définitivement avec un extincteur qu’on ne trouve jamais. Carla, malgré toute l’attention dont une mère est capable, n’arrivait pas à diminuer les assauts réguliers de ces chevaliers noirs, comme les appelait Vanille. « Ils finiront par disparaître » disait-elle, comme pour remonter le moral de sa mère en panne de solution. Et puis le soir, comme le matin, Vanille toussait beaucoup. La journée était tellement active qu’elle ne pensait plus à son état, mais à Sal et à ses soins. Jusqu’au jour où des hennissements alertèrent Carla d’une défaillance de Vanille. Elle était tombée inconsciente aux pieds de Sal qui appela le 112 à sa façon.

Le médecin accourut et la sentence ne mit pas longtemps à tomber : bronchite. Vanille était assignée à résidence jusqu’à nouvel ordre. Carla prit la relève auprès de Sal qui sembla redoubler d’effort pour aller mieux. Il ne recula pas devant les inévitables douleurs de la guérison car il avait l’endurance d’un marathonien piétinant des planches à clous. Il faisait face à tout ce qui aurait fait plier la majorité des âmes équines, mais lui ne lâcha rien. Jamais. Kuko le massait pour qu’il évacue toutes les toxines médicamenteuses emmagasinées pendant le traitement et Sal semblait apprécier ces moments-là, même s’il montrait une mauvaise humeur manifeste dès qu’il voyait ou entendait Kuko arriver. Il tournicotait alors dans son box comme pour l’empêcher de rentrer. Kuko, fort de ses racines roumaines, lui tenait tête et finissait par arriver à ses fins, non pas qu’il eut le dessus, mais surtout parce que Sal avait enfin décidé de le laisser travailler. Sal disait toujours non avant de dire oui. Solide comme un roc. Droit dans ses sabots.

Un matin, suite à un moment de distraction de son panseur, Sal en profita pour sortir de son box. C’était la première fois qu’il avait enfin la possibilité de s’évader. Il n’eut aucune hésitation. Il arriva dans la cour qui jouxtait la maison. Kuko était derrière lui, vexé que le petit cheval lui ai échappé. Il ne tenta cependant rien et laissa Sal s’avancer jusqu’à la fenêtre de la cuisine. Vanille y prenait son gouter et quand elle croqua son pain au chocolat, elle vit la buée des naseaux sur la double fenêtre de la cuisine. Vanille eut un éclat de joie et Carla un sursaut, les deux vantaux accrochés en espagnolette venaient de céder pour laisser passer l’encolure du petit cheval. Vanille alla l’embrasser, mais l’odeur du pain au chocolat fut la plus forte et Sal vola le reste des mains de Vanille qui exultait de bonheur. Carla et Kuko assistaient à la scène avec un plaisir non dissimulé.

-          Est-ce que je peux sortir ?

-          Le docteur a dit…

-          Maman, s’il te plaît ? Il fait beau, ça fait plus d’une semaine, allez, j’en peux plus !

-          D’accord, mais tu…

Sa fille avait déjà disparu à l’étage, dans sa chambre.

-          T’habilles correctement…

-          Je t’aime maman ! lança Vanille qui redescendit pour sortir comme une fusée de la cuisine pour rejoindre Sal.

Une semaine qu’elle ne l’avait pas vu. Il l’attendait dans la cour. Elle posa sa main doucement sur son chanfrein, la fit passer sur sa joue, puis glisser sur son encolure. Sal ne disait rien, il était immobile. Sa peau frissonnait au passage de la caresse. Vanille s’aventura sur le garrot puis sur la croupe, même frissonnement, mais pas de mouvement de recul. Cela faisait maintenant six mois que les soins avaient commencés. A certains endroits, la peau rose laissait apparaître une pigmentation renaissante et quelques poils noirs.

-          Je veux le monter.

-          Quoi ! Tu n’y penses pas ! s’exclama Carla

-          Kuko, tu as de la crème solaire ? demanda Vanille

-          Vanille, non !

-          Maman, on est prêt, je t’assure, insista Vanille en caressant Sal qui secouait son encolure en mélangeant sa crinière aux quatre vents.

-          Carla, on essaye et on voit. Si ça ne va pas, j’arrête tout, ok ? rassura Kuko.

Vanille et Sal partaient déjà vers les écuries quand Kuko s’avança vers Carla.

-          Ça ne sert à rien de reculer. Ça devait arriver. Tu le savais en achetant ce cheval. Ecoute, voyons cela sous un autre angle. Ta fille a suffisamment mauvais caractère pour nous faire vivre l’enfer si tu refuses ?

-          Oui.

-          Donc, c’est une bonne décision !

A ce moment-là, une voiture se gara dans la cour. Ses hôtes n’annonçaient rien de bon. Les dettes s’accumulaient et les soins de Sal coûtaient chers malgré le bénévolat. Ils listèrent les biens, Sal fût rangé dans la catégorie des « animaux de loisirs ».

Il fallut plusieurs jours pour s’assurer que Sal ne souffrait pas de la selle et du poids de sa cavalière. Les retrouvailles furent une délivrance pour tous, même pour Raymond. Celui qui ne disait mot, laissa échapper une émotion qu’il ne s’était certainement jamais permis de ressentir jusqu’à cet instant : Le regret. Il avait eu tort. Il s’était trompé sur Sal et sa détermination à survivre. Raymond avait balayé d’une façon péremptoire toutes possibilités ou toutes issues positives le concernant, comme on abattrait un cheval après une mauvaise chute. Il s’en voulait et c’était là, à la fois sa pénitence et sa récompense. Voir ce cheval galoper le remplissait à la fois d’une joie émue et d’un courage qu’il n’aurait certainement jamais eu lui-même, pour assurer sa propre survie. Secrètement, il s’excusa également d’avoir eu l’inconscience dans un réflexe, de craquer une allumette à côté de Sal pour rallumer sa pipe. Vanille eut beaucoup de mal à calmer sa monture face à cet évènement si… futile. Ce jour-là, Raymond comprit qu’il vieillissait salement et qu’il était temps qu’il se retire.

Vanille et Sal reprirent l’entraînement, et malgré sa relative petitesse, il sautait haut. Très haut. Kuko s’en étonnait à chaque fois qu’il le retrouvait en train de brouter dans le pré d’à côté. Il n’avait peur de rien, ni des fils électriques, ni des multiples essais infructueux de palissades que Kuko avait spécialement construites pour l’empêcher de passer. A chaque fois, Sal sautait.

Après plusieurs discussions, Vanille en arriva à la conclusion qu’il était prêt pour reprendre la compétition. Cette fois-ci, Carla ne dit rien. Elle garda son inquiétude pour elle pendant que Kuko posait sa main sur son épaule en guise de soutien. Vanille avait patiemment attendu cette confiance, elle était fragile, mais elle était là, il était grand temps maintenant que, Sal et elle fassent leur baptême du feu. C’était vital. Peut-être que ça éloignerait une bonne fois pour toutes, les chevaliers noirs.

La compétition se passait au centre équestre de Capville. Elle n’était pas d’un niveau national, mais suffisait à repartir sur des bases saines et accessibles. Vanille voulait sentir Sal et voir comment il pouvait se comporter en société. Alors que Kuko pansait l’intéressé, Vanille reconnaissait le parcours en compagnie de sa mère. Il y avait quelques difficultés, surtout l’enchaînement des trois derniers obstacles, deux triples pour finir sur un oxer, mais Vanille semblait confiante. Ils partiraient en septième position.

Il n’y avait pas foule dans les gradins, mais les familles des cavaliers mettaient malgré tout une certaine ambiance. Le n°7 s’élança sur la piste. Top départ ! Après trois minutes trente de parcours, Vanille félicita Sal de quelques belles caresses sur l’encolure. Dans le public, des murmures firent suite aux applaudissements.

-          Tu sais que c’est le cheval qui a survécu à l’incendie du centre équestre de la Salantine.

-          Ah bon ? Y’en a qui s’en sont sortis ?

-          Dans cette partie de l’écurie, un, oui. Avec l’incendie, le toit s’est effondré sur les chevaux, les box étaient tous ouverts mais c’est le seul à être sorti. Il paraît qu’il a éteint sa couverture enflammé en se roulant dans la carrière.

-          Tu plaisantes ?

Vanille était satisfaite, les deux premières manches s’étaient plutôt bien passées et le concours était bien engagé. A mesure que les épreuves se déroulaient, Sal semblait retrouver ses sensations. Il était enthousiaste et attaquait les obstacles avec envie. Il avait protesté, comme à son habitude, avant d’aller s’échauffer mais tout disparaissait dès les premières foulées.

Troisième manche, le tour des n°7 arrivait, mais l’organisation souhaita marquer une pause car la nuit commençait à tomber. Pour l’occasion, ils allumèrent des torches tout autour de la carrière. Carla regarda Kuko qui comprit que les limites de l’inquiétude venaient d’être franchies pour atteindre une détresse abyssale. Vanille assistait à la même scène tout en essayant de maintenir Sal qui commençait à montrer des signes d’énervement. Elle aussi était happée par la situation. Elle regardait les flammes qui dansaient sur chacune des torches et voyait la fumée s’en dégager au gré du vent. Elle sentait l’odeur âcre de la paille se consumer à grand train et pouvait palper l’épaisse fumée qui couvrait maintenant la totalité des écuries. Les hennissements des chevaux étaient insupportables et les craquements du bois de charpente alimentant le brasier ajoutaient de la panique à la terreur. Par où sortir ? A droite, à gauche, désorientée, plus de repères, tout droit ? A quatre pattes, les poumons rongés par la fumée, ses mains cherchaient une issue, un signe. Des coups de sabots contre les stalles, des bruits de voix, des cris, des hurlements, mais pas de solutions. L’intensité de la chaleur, de violents craquements, puis tout à coup un bruit assourdissant d’effondrement : une partie du toit venait de rendre l’âme sur tous ses occupants. A côté, encore des hennissements, des bruits de sabots, une ombre qui passa à toute vitesse à quelques mètres en défonçant une porte à moitié ouverte avant de s’évanouir dehors. Dehors ! Les sirènes retentirent. Les haut-parleurs rappelèrent à l’ordre le concurrent n°7. Il ne lui restait que quelques secondes avant la disqualification.

Sal eut un mouvement d’humeur en grattant le sol de son antérieur droit. « TIME ! » crachèrent les haut-parleurs comme un tir de pistolet, Vanille eut à peine le temps de se redresser quand Sal les propulsa sur la piste. Il sauta le premier obstacle complètement dégroupé et fonça sur le second. Il se rassembla au dernier moment et le sauta in extremis. Vanille ne parlait plus à Sal, qui s’emballait vers le reste du parcours, jusqu’à la dernière ligne droite qui était bordée de torches. Les mains de Vanille se crispèrent davantage et Sal s’arrêta net au pied de l’obstacle en propulsant Vanille dans les barres du triple. Le public poussa un cri de stupeur.

-          Vanille ! bondit Carla.

Vanille se releva. Pendant que les barres étaient remises en place, elle récupéra ses rênes et remonta en selle tout en pleurant. Elle fit une volte pour récupérer sa trajectoire. Sal repartit directement au galop, mais refusa une seconde fois l’obstacle toujours sous les réactions du public. Carla serrait la main de Kuko qui serrait lui-même les dents pour ne pas crier de douleur. Après trois refus, c’est l’élimination pensa Vanille qui refit une volte pour se remettre dans l’axe de l’obstacle. Le chrono tournait toujours. Elle décida de relâcher complètement ses rênes, Sal donna deux coups de tête pour être sûr de sa liberté et redémarra au triple galop. Il avala les trois derniers obstacles d’un trait. Carla cria de soulagement, tout comme Kuko : Elle avait enfin lâché sa main.

Ils rejoignirent Vanille qui pleurait de joie dans l’encolure de Sal.

-          Futur champion ce petit cheval ! lança un homme des gradins.

-          C’est déjà un champion ! rétorqua Vanille.

-          Quelle tête de mule celle-là ! dit Carla, avec une fierté non dissimulée.

-          C’est de famille ! lança Kuko.

Un homme s’approcha du groupe.

-          Carla Landry ?

Après une réponse positive, deux autres hommes prirent les rênes de Sal malgré les protestations de Vanille.

-          Maman !

Carla ne répondit pas, alors qu’ils repartaient avec Sal.

-          Trop de dettes... expliqua Kuko.

-          Je ne savais comment te le dire, murmura Carla.

-          Avec des mots, hurla Vanille, irradiant de colère malgré ses larmes. Elle s’éloigna d’eux pour regarder Sal partir dans un van.

Quinze jours que Vanille ne disait plus un mot, lorsqu’elle entendit des bruits de sabots dans la cour. Sal était en bas. Vanille dévala les escaliers de l’étage pour passer ses bras autour de son encolure sous le regard incrédule de Carla et Raymond.

-          Attendez un peu avant de le ramener, demanda Vanille sans grand espoir.

Kuko pensa alors qu’il n’était pas le seul à construire des barrières trop basses car c’était la cinquième visite de Sal. Visiblement, il n’avait pas du tout l’intention de se laisser vendre aux enchères une seconde fois et avait pris son destin en main. Mais chacune de ses tentatives d’évasion s’était systématiquement soldée par un retour à la case départ. Cette fois encore, Sal repartit dans son fourgon blindé, tout en fomentant sa prochaine escapade qu’il espérait bien être la dernière… Mais personne ne le revit.

Plusieurs mois s’écoulèrent dans un silence religieux. Déprimée, Vanille faisait pénitence dans sa chambre, pendant que Carla et Kuko s’inquiétaient. Un matin Carla demanda à sa fille de descendre manger car elle avait déjà sauté le diner de la veille. Elle rechigna puis finit par le faire. Vanille était comme ça, elle disait toujours non avant de dire oui. Alors qu’elles étaient dans la cuisine, des naseaux se collèrent à la fenêtre. Vanille poussa un cri et fonça dehors, suivi de Carla. Après quelques minutes le nez dans son encolure…

-          C’est trop dur maman.

-          Il reste là, rassura Carla.

-          Quoi ! s’exclama Vanille, qui fit sursauter Sal.

-          Nous avons pu le racheter, dit Kuko d’un large sourire.

Vanille se jeta dans leurs bras et les embrassa à les étouffer, puis monta Sal à crue, pour aller se promener, peau contre peau, comme deux siamois. Comme avant.

Dépôt : 29042b77d79cf203b1531f4b86d8aca62758cdd0

Signaler ce texte