Sang dessus-dessous - 4ème de couverture et préambule

Katrin Blanch

Quand tout bascule vers une fin précipitée, tandis qu'on est en pleine santé, pour un acte malheureux. Le descente aux enfers du corps et du psychisme. Comment et pourquoi on en revient.

4ème de couverture :

J'allais bien, très bien. Un geste maladroit du chirurgien, la surdité d'un service hospitalier à ma plainte et tout a basculé.

J'ignorais la souffrance, la vraie. Celle qui vous tient par la racine des cheveux, vous taraude à des profondeurs insoupçonnées, vous tourmente jour et nuit et vous prive de tout jugement.  Celle qui suspend votre destin et qui n'en finit pas.

Je me suis agrippée rageusement aux mains réparatrices des hommes en blanc, aux âmes sœurs penchées à mon chevet, aux parois du monde pour ne pas le quitter. J'ai été le théâtre d'une lutte organique, cellulaire sans merci. Tout en moi et hors de moi était « sang » dessus- dessous.

Après le tsunami, comment retrouver le chemin de soi- même au cœur de son propre éboulement ?

Aujourd'hui je vais bien, très bien.

Édité par La Grange de Mercure, 2015

Gains reversés à l'ASPAC et Animal Cross (cause animale)

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Préambule :

Nous avons tant de mal à rester quelque chose une fois morts,

A la merci de ceux que nous avons quittés.

C'est pourquoi nous cherchons, vivants, à être tant.

C'est pourquoi il faut tant chercher à être vivant.

C'est pourquoi tu deviens tant pour moi,

N'oublie jamais que tu danses et que tu dors

Avec ma future dépouille.

Et tu m'aimeras.

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Pour tous ceux qui vivent l'expérience de la douleur et de l'hospitalisation, pour qu'ils la subissent un peu moins si elle se prolonge, pour qu'ils aient la parole. Pour les personnes en fin de vie dont plus aucun traitement ne soulage la souffrance. Pour les enfants privés de parc à jeu, dont la place n'est pas au fond d'un lit ni d'un couloir ni d'une chambre grise. Pour tous ceux qui doutent de recouvrer la santé et dont l'espoir balance entre les termes scientifiques, les mots simples des braves gens qui nous aiment et les caprices d'un corps qui parfois se déprogramme sans raison ni clairon. Pour les animaux dans les laboratoires, soumis parfois des vies entières à la vivisection au nom de notre salut d'humains quand nous prend la maladie, la vieillesse ou la dernière mode. Qu'on leur vole la vie pour sauver la mienne et que se réhabilite ma pauvre conscience par ce misérable témoignage ! Pour tous ceux qui ne se relèveront pas d'un mauvais concours de circonstances ou dont l'intégrité se trouve à jamais amputée. Pour nos ancêtres, nos aïeux qui n'ont pas survécu à la souffrance – enfant de la misère – sur les champs de bataille ou les barricades, au fond des hospices ou sous les toits de fortune, au bord des caniveaux et dont le seul placebo fut, au mieux, l'extrême onction. Seuls jusqu'au bout, irréductiblement mais encore capables d'avoir assuré la postérité que nous incarnons, ingrats, amnésiques.

Aux ogres du monde moderne, jamais repus de pouvoir ni d'argent au prix de notre décadence que nous fera payer Mère Nature : qu'ils éprouvent, non pas un instant mais le temps qu'il faudra, à la mesure de leur misère mentale, l'absence de sérénité physique qui, en un éclair, nous condamne à la pire des indigences, à la déchéance et à la merci des autres sans manquer de faire défiler, sur le podium des remords et des regrets, toutes les choses sans prix qu'ils ont tuées pour n'y avoir jamais rien compris.

Aux médecins, aux chirurgiens, aux soignants restés fidèles au Serment d'Hippocrate, qui chaque jour, chaque instant prennent d'inestimables risques et redoutent, au gré de la débilité croissante de notre société, les intentions et les procès de patients sans scrupule, sans discernement, sans foi ni loi.

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A cette heure, j'ai cessé d'être un être humain. Je ne suis plus qu'un amalgame de chair qui contient des organes et encore un cerveau, celui-là même qui s'exprime pour vous emmener à la frontière du corps et de l'esprit en Occident moderne.

Je ne fais plus partie du monde qui s'anime autour de moi. L'individu que j'étais s'est en quelque sorte lyophilisé, réifié et on me manipule comme une chose vivante, un complexe de matières évolutives, tout en continuant de s'adresser à mon reste d'humanité avec beaucoup d'égards. Je ne suis plus capable d'y répondre, je ne suis plus apte à rien d'autre qu'à végéter dans les eaux marécageuses de l'agonie, sans savoir ce qu'il adviendra de moi. D'ailleurs je m'en fous : il n'y a plus d'avenir ni de passé pour moi, juste un monstrueux présent qui n'en finit pas, la torture du corps infligée par un bourreau sans nom. Si : la malchance, qui n'arrive pas qu'aux autres.

Peu importe l'histoire, il en est des semblables ou des pires plein les journaux chaque jour. Une maladresse chirurgicale suivie d'un manque de considération du patient dont la plainte profane est trop timide. La rigidité d'une pensée médicale démunie face à un profil physiologique atypique. Le temps qui passe dans l'incertitude et l'indécision et le mal qui augmente, qui creuse son lit. La prise de conscience brutale et l'enchainement des actes d'urgence. Il faut faire vite, très vite ; il faut sauver le patient, la réputation du chirurgien et l'image de l'institution : on s'y met à plusieurs. L'engrenage. La course à la survie se poursuit pour moi : je suis réparée, nettoyée et sous haute surveillance mais il n'est pas dit que je sois sauvée. Le mal a pu se tapir à des endroits du corps qui restent inaccessibles à la main de l'homme même suppléée par des machines. Tout dépendra de l'évolution de mon « état clinique », c'est-à-dire de mon comportement vital élémentaire quotidien, ainsi que des données chiffrées qu'annonceront les batteries d'examens qui m'attendent. Tout un programme !


  • Merci à vous. Je mets à disposition la suite aujourd'hui. Je découvre avec effarement qu'il y a très régulièrement des cas d'erreur chirurgicale. Et pourtant nous ne pouvons reprocher à la médecine d'être une science inexacte et de commettre encore des erreurs. Il y a un manque de moyens criant. Le confort médical que la France a connu se réduit comme une peau de chagrin.

    · Il y a plus de 7 ans ·
    20160516 003911

    Katrin Blanch

  • ça noue les entrailles. C'est merveilleusement dit, c'est "ça" et rien d'autre. Mon mari a vécu ça. Comas, souffrance, pas de mots pour le dire et des séquelles à l'âme qui ne se soignent pas

    · Il y a presque 8 ans ·
    Bernie aux automn'halles

    Bernadette Dubus

  • Terrible ! Votre texte me fait penser au cas malheureux de Vincent Lambert. Je pense que sa femme va avoir enfin gain de cause pour ce combat qu'elle mène depuis si longtemps. Dire que des parents égoïstes, aux croyances débiles, se battent pour que leur fils continue à vivre comme un légume, c'est tout simplement honteux !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Je suis bien d'accord avec vous concernant Vincent Lambert. Ce n'est pas parce qu'on est parent qu'on a droit de vie (forcée) et de mort (refusée) sur son enfant, majeur de surcroît. A quoi sert de vivre si c'est pour survivre dans les pires conditions ! La mort est une solution et souvent pas la pire. Ce n'est que le début du récit, je vais déposer la suite. Une longue agonie mais qui s'est bien terminée puisque je vous écris et que je n'ai aucune séquelle. Je suis miraculée et j'ai souhaité écrire cela pour rendre hommage à cette chance, pour être un peu la voix de ceux qui n'ont pas (eu) cette chance et pour apprendre à ceux qui n'ont pas (encore) vécu la souffrance ni frôlé la mort que ça peut bien se terminer. Si c'est le cas, on conçoit la vie autrement après, "dangereusement autrement" d'ailleurs. On y fait plus attention mais on relativise un peu trop les facéties humaines... Également pour rendre hommage aux animaux qu'on fait souffrir volontairement pour notre usage.

      · Il y a presque 8 ans ·
      20160516 003911

      Katrin Blanch

  • Que dire de ce témoignage bouleversant et courageux.
    Un texte qui prend aux tripes.

    · Il y a presque 8 ans ·
    Version 4

    nilo

    • Merci à vous. J'écris mieux quand j'ai vécu les choses et comme la vie n'est pas toujours très "rebondissante", ça limite un peu les choses. Bientôt la suite donc. Je souhaitais savoir - ma question est peut-être stupide - si cette forme de poème à 3 vers dans laquelle vous excellez porte un nom ? Une sorte de Haïku ou bien une forme qui vous est propre ? Je me dis toujours que l'expression la plus simple et la plus brève est la plus difficile mais la plus belle...

      · Il y a presque 8 ans ·
      20160516 003911

      Katrin Blanch

    • Merci de votre intérêt pour mes haïkus, si je puis dire car je ne suis pas très initié à cet art Japonais, mais ces petits vers m'inspirent et font plaisir à certains. Cela m'encourage...

      · Il y a presque 8 ans ·
      Version 4

      nilo

    • Ma vie n'a pas été réjouissante non plus suite a un accouchement difficile et un manque d'oxygène. Mes mouvements ne sont pas bien coordonnés mais j'ai juste un peu plus de difficulté et ma vie est comme tous, avec des hauts et des bas !

      · Il y a presque 8 ans ·
      Version 4

      nilo

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