Scud en plein Sud !
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En ouvrant les yeux ce matin, un pressentiment prégnant occupait toutes mes pensées. Un pressentiment xxl, un de ceux que l’on ne peut éconduire. Je savais d’ores et déjà que ce jour serait particulier, pour moi. Je le ressentais au plus profond de mes cellules, au tréfonds de mes atomes.
Les premiers rais kamikazes filtraient par les persiennes, je m’étirai longuement, en prenant tout mon temps, puis me levai enfin, ouvrai la porte-fenêtre -et ses paupières- qui donnait sur une terrasse immense. Le double azur de la mer et du ciel me saisit comme au premier jour. Je m’imprégnais de cette beauté, de ce jour balbutiant porteur de nouvelles promesses. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé le friselis du matin, où la lumière du soleil ondule, cherche sa fréquence, et où les cachotteries de la nuit s’évanouissent dans l’efflorescence de l’aurore.
La glycine embaume déjà ! Elle court tout en grâce le long de la terrasse, solitaire, mais généreuse. La table tout en rotondité et les chaises en rotin sont encore recouvertes de larmes de fées…de rosée. C’est ici dans ce décor, face à la mer, face à cette psyché marine, que je me sens vivant, libre et heureux. Heureux d’apercevoir les pointus tirer des traits sur la Méditerranée, et laisser mon imaginaire se fondre dans leur houache. Heureux de respirer ce sud, d’humer ses parfums capiteux. Heureux de me réchauffer à son soleil orgueilleux. A ce panorama en cinémascope, j’ai soutiré tous ses mots, toute sa luminosité, toutes ses histoires pour en faire des livres, des romans de deux sous.
Voilà plus de trente ans que le Sud me sustente de sa sève, de son essence…et mon appétit pour cette provence est tourjours aussi gargantuesque. J’aperçois les restanques stoïques que la brise du large vient carresser. Vignes, pins, soleil et mer, mon quartor préféré. Quelle formation !
Mains posées sur la balustrade j’inspire à pleins poumons, une fois, deux fois. Je vampirise la moelle de ce jour de printemps…Puis soudain, une douleur vive dans la poitrine m’assaille, m’oppresse. Je glisse le long de la rambarde, la douleur redouble d’intensité, et migre vers ma mâchoire et mon bras gauche. Je peine à trouver mon souffle. Le pressentiment de l’éveil !!! Sacré matin, mon dernier !
le scud céleste a fait mouche en plein cœur, en plein sud. J’avais presque oublié que la mort aussi pouvait frapper en ce lieu béni.
La crise cardiaque me terrasse sur cette terrasse qui fut avant tout une scène à ciel ouvert, où rires, larmes, joies, drames, torpeurs se sont succédés à tour de rôle, et quelquefois en simultané. Je n’ai pas peur de la grande déconnexion, j’ai vécu ma vie à haut débit…Point de regrets alors, ou peut-être celui de ne pas goûter à la nouvelle cuvée tout en devenir, qui s’étage en contrebas de la terrasse. Mes yeux se ferment sur la glycine…
Mourir au Sud, en plein soleil est un luxe, un cadeau du ciel !
E.Rx.
sacd