Sexe, mensonges et sites de rencontres

magadit

nternet m’a rendu belle, je suis sexy du pixel.
Je suis Blondemaisblondefoncée sur Meetic, Femmesexymaisaccessible sur match.com, Tenduecommeunstring sur feu Caramail… Je suis Cancerascendantbalance sur Cosmotwin, Jeunebellericheintelligente sur Attractive World, et Propriétaireattentionnée sur Adopte un kem. Je suis un mail, un compte MSN, mais pas vraiment le mien, un autre pour être tranquille. Je suis 50 mots de passe, mais en fait toujours le même. Je suis connectée partout mais jamais là. Je suis célibataire en pâture sur internet, mais je ne chasse pas.

Alors forcement je suis un peu celle que vous voulez. Je mets ma photo, celle qui va bien de 1979, un peu floue, un peu retouchée. Je ne fais pas mon âge, alors je mens sur mon âge. Je suis grande mais ça fait peur, alors je rétrécie à l’envie. Je suis sportive pour les sportifs et tant pis si je risque l’infarctus au premier rencart, je suis non fumeuse pour les anti-tabac et je dirai que j’ai rechuté, amatrice de cinéma d’art et d’essai pour les intellos et bourrine pour les bourrins. A vrai dire ou est le mensonge ? Je suis un savant mélange de tout ça, ça dépend du quart d’heure. Mais les mélanges c’est moins vendeur. Une métisse sociale d’occasion, pas toujours sure de ses goûts ni de ses humeurs, c’est moins accrocheur. Je ne mens donc pas vraiment je m’adapte au marché.

Et le marché me le rend bien. Leur approche toujours subtile est un baume au cœur. Je suis « bonne » dans le pire des cas. Je suis « mystérieuse » quand ils ne comprennent pas le second degré. Je suis « captivante » quand ils veulent faire croire qu’ils me lisent. Une femme avec un cerveau ça impressionne. Une femme qui s’en sert ça fait carrément peur. Je suis « Mother Nature » pour les expats’, je suis « excitante » pour les excités. Ils me collent des étiquettes de partout. Ils veulent des photos de partout. De mes dessus et surtout de mes dessous. Ils me veulent, ils me volent. Ils me prennent sur la toile, me choisissent me soupèsent, me reposent, et m’oublient.

On se poke, on s’écrit, on se palpe. Au jeu du grand mensonge chacun connait les ruses et décrypte à coup de clavier l’énigme de l’autre pseudo. C’est le Koh Lanta des célibataires, il faut éviter les pièges pour ne pas finir par crever de faim. C’est aussi un peu fort Boyard mais je n’ai encore trouvé personne capable d’assumer le rôle de Passepartout. Même si eux voudraient bien passer partout. A moi les clefs, à moi les pièces. A moi les tigres en cage, à moi le fouet, la sanction au bout de la souris.

Tu me saoules, je te bloque. Tu te la raconte je t’oublie. Tu deviens collant je t’ignore, tu deviens jaloux je t’allume. Je suis à ma table de contrôle, je contrôle mon image du bout des doigts, je fais un strip tease virtuel et me livre centimètre par centimètre sous le meilleur angle, à la lueur des bougies. C’est moi qui commande c’est moi qui pilote. Tu n’auras que ce que je donne, parfois du vrai, souvent du vent. Je sais que tu joues aussi. Toi aussi tu soupèses chaque mot, tu vérifies ton image dans la glace avant de la poster sur le serveur. Vérités ou mensonges, je m’en tape. La vraie vie fera ensuite le tri.

C’est mon jeu, c’est mon cœur. Pas question de le livrer aux enchères. C’est ma vie et un peu mon bonheur aussi. Pas de soldes, pas de rabais, pas de concessions sur la qualité de la passion. Pour le reste je m’en fou, blond grand brun taré voire complètement fou. L’emballage ne compte plus, il est tronqué, mystifié. Dans l’arène des sites internet il faudra qu’ils se battent, je veux du sang, de la sueur et Russell en toge. De l’éclat, du panache dans la lutte, ayez des couilles que diable, à cœur vaillant rien d’impossible…

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