Simon et le rat.

Jesus Romanov

Il y a, à l'étage, toutes ces petites pattes griffues qui grattent. Des bruits trop faibles pour être dérangeants, mais bien trop présents pour être oubliés.

Ils m'obsèdent ces petits pas de rats. Ils résonnent au dessus de ma tête, je peux les sentir, ces immondes rongeurs qui s'amusent à jouer des claquettes au dessus de moi.

Bien sur j'ai déjà essayé de les chasser de plusieurs façons. Un jour étant plus jeune, j'ai pu débusquer le fusil de papa. Empli de joie, chargé de munitions, cette version passée de moi même traversa la maison en arborant fièrement sa nouvelle arme, solution ultime contre ces atroces frémissements nocturnes.

Malheureusement dès la première marche de l'escalier, ma mère et mon père me rattrapèrent pour me gronder. Ils étaient furieux et me punirent sans considération. Cette décision hâtive me rendit très triste, après tout je souhaitais juste mettre un terme à la vie bruyante de ces parasites qui avaient élus domicile chez moi. 

Comprenant qu'il faudrait agir autrement, j'attendis patiemment la nuit suivante. Lorsque que mes bourreaux furent endormis, du plus léger des pas, je descendis les marches qui menaient sous terre, là ou mon père cachait ses outils. Armé de tout mon courage, je m'engouffrais dans l'obscurité de cette cave, sans même une lampe pour m'éclairer.

"Simon, fais attention". Une petite voix souffla ses paroles près de moi, et me fit froid dans le dos. De toutes petites pattes s'approchèrent, et une bougie s'alluma sur la table à ma droite. C'était un rat, qui se tenait là, debout, face à moi.
"Simon, je viens te parler au nom de mon peuple, nous sommes les rats perchés du grenier. Je sais que nous pouvons être gênant parfois la nuit, mais le problème que nous représentons peut être réglé sans violences tu sais.
-Comment monsieur le rat? Avec ses tressautements ma voix  trahissait ma peur.
-Nous mettrons simplement des chaussettes, ainsi nos pas deviendront aussi feutrés que ceux d'un chat."
Puis la bougie s'éteint. Je gravis les marches menant jusqu'à ma chambre à toute vitesse, ne manqua pas de trébucher sur le tapis avant d'atterrir au fond de mes draps. J'écoutais. Plus aucun bruit. Le chef des rats semblait avoir tenu parole.

Et cette nuit là, Simon dormi bien mieux que toutes les autres nuits précédentes. Mais au petit matin, un bruit sourd vint le sortir brusquement de son sommeil.

Ma mère criait après mon père, m'éjectant brusquement de mes doux rêves, le bruit âcre et insupportable d'une dispute. Je descendis, prudemment, pour essayer de suggérer à mes parents de s'arrêter de faire tout ce vacarme. Mais personne n'écoute un enfant, un petit enfant, avec sa si petite voix. Je n'eu d'autre choix que de remonter me terrer dans ma chambre, et entrepris la conception d'un dispositif anti-cris, constitué de couettes, d'oreillers et de draps. Mais je les entendais encore, c'était insupportable.

Plusieurs jours passèrent, et chaque fois que Simon rentrait de l'école, ses parents se disputaient, ils se détestaient matin midi et soir, sans interruption. Il fallait que ça cesse, Simon devait se creuser les méninges, et trouver une solution. Alors, la nuit suivante, il redescendit à la cave, dans l'espoir de rencontrer de nouveau son seul ami ayant tenu parole, le chef des rats.

J'avais encore plus froid que la première fois, pieds nus, sur ce sol humide, je patientais dans l'obscurité, ne sachant comment demander au rat de se montrer à moi, je pensais plus judicieux d'attendre devant la bougie qu'il allumerait sans doutes de nouveau. un bruit d'allumette qui craque. Le voici, debout, se tenant contre la bougie allumée.
"Bonsoir mon jeune ami l'humain, nous ne te dérangeons plus outre mesure? Ce rat avait décidément un ton bien agréable.
-Non, vous non. Le calme est revenu au dessus de mon plafond, et je t'en suis reconnaissant. Mais désormais, ce sont mes parents qui font trop de bruits, et eux ne m'écoutent pas, ils continuent de crier, encore et encore. J'aimerais te demander conseil, toi qui trouve des solutions simples et efficaces.
Le rat prit son regard songeur de rongeur, tourna ses moustaches dans ses doigts crochus, avant d'être visiblement traversé par un éclair de génie :
"Vois tu petit humain, j'ai peut être une solution. Hier au soir, j'ai trouvé un de mes frère, dénué de toute vie. J'ai été très triste en pensant que c'était toi qui l'avait délesté de son âme. Mais je t'observais depuis là haut, et te voyant dans tes tourments, j'ai compris que je devais plutôt mes diriger vers tes bruyants parents. La cause du décès de mon frère se trouve dans le dernier placard de la cuisine, en haut à droite. Si une petite dose peut tuer un rat, elle calmera sans doutes tes parents."
Un courant d'air souffla et la bougie s'éteint.

L'idée du rat était maligne, et le lendemain matin, Simon prit soin de se réveiller bien avant ses parents, exténués par leur dispute de la veille, pour aller trouver ce produit qui les calmerait, le mélanger dans leur café, et leur apporter bien gentiment au lit. Quelle surprise pour ses parents, leur si gentil bambin plein de bonnes intentions, leur apportant leur café encore au lit. Ils s'en délectèrent, sourire aux lèvres, puis le remercièrent en le serrant fort dans leur bras. Simon se félicitait déjà, le plan fonctionnait, ses parents, sont devenus gentils, souriants, ils ne crient plus et font attention à lui.

Mais quelques minutes après, mes parents, étaient là, affalés sur le sol de la cuisine, aussi pâles que le lait que maman avait renversée en s'éclatant la tête au sol.
"Tu verras Simon, tu seras bien plus tranquille comme ça, me souffla la rat en passant près de moi, les grands sont toujours une source d'ennui, puis comme ça, ils ne feront plus de bruit!"

Peu de temps après, de grandes personnes habillés en blancs vinrent me récupérer, pour me faire changer de chambre. Ils étaient gentils, silencieux. Ma nouvelle chambre est toute blanche, des murs au plafond, c'est reposant, même si je ne peux pas en sortir pour le moment.
En revanche, au dessus de ce nouveau plafond, il y à encore des rats, ceux ci ne portent pas de chaussettes, leur pattes grattent contre le sol, ce bruit redevient insupportable. Maman m'a promit qu'elle s'en occuperait la prochaine fois qu'elle viendra me rendre visite.

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