Smoking or no smoking ?

Si je devais porter un smoking femme, je le ferais avec distinction et style. Je me plaquerais les cheveux sur la tête comme un jeune américain des années 50-60 allant à son premier bal. Je mettrais des derbys pour une fois plutôt que mes éternels escarpins. Je serais alors encore plus intimidante et sûre de moi. Je te signifierais "je n'ai pas envie". J'introduirais assez de distance entre toi et moi. Avec peu de maquillage, je pourrais avoir l'air d'un homme même si parfois j'en suis un. Pas d'une femme qui se déguise. Je te marcherais sur les pieds. Tu diras que je suis pire que toi. Je serais peut-être trop caricaturale. Alors tu riras. Ou alors tu diras que je suis encore plus femme.

Si je devais porter un smoking femme, je sentirais la fluidité du tissu tout en ayant la sensation que mes fesses sont enveloppées comme de petits pois enfermés dans leur propre enveloppe. Ne serait-ce que d'une pression de l'index et du pouce, sentir, deviner leur chair sans pourtant trop apercevoir ; sentir la rondeur du petit pois fondant dans la bouche. Une enveloppe suffisamment taillée sur mesure, qui ne me serrerait pas à l'intérieur des cuisses, ou dont la ceinture du pantalon ne baillerait plus à cause de ma taille trop fine pour des jambes trop galbées. Oui, un truc qui sied à ma peau, sans coller et sans vulgarité. C'est tout ça un style. Ou une idée d'un style?

Les femmes qui veulent te montrer leurs avantages, elles te rient au nez si tu leur demandes de porter un smoking. Un truc de soirée guindée où on se saoule mais pas trop tout de même. Où on s'ennuie. Peut être trop sage pour du champagne qui coule à flot. Pour des soirs de festivals pépères où l'on ne drague pas. Ou pour les soirées de l'académie, pour ne pas déstabiliser les vieux. Enfin elles imaginent.  Demande leur.  Les femmes, elles veulent signifier qu'elles sont belles et qu'elles existent par des fringues piquées aux nouveaux guides de la sape de rue, aux magazines ou à la garde robe de la grande frangine. Robes décolletés, fourreau, mini, sexy : chacun son style. Il est vrai qu'il y a rien de pire que l'indifférence d'un homme pour une femme.

Et les autres ? Elles veulent qu'on les laisse tranquilles. Le vêtement  signifie beaucoup quand on vient d'un certain milieu, si on a des coutumes, des traditions, une religion. Donc ne pas mettre n'importe quoi : un smoking on imagine même pas. Un vêtement d'homme.

Et puis les femmes moyennes que l'on croise dans les RER bondés des semaines de travail mornes, demande leur de porter un smoking : elles te riront au nez. Un truc de mec ça ! Saint-Laurent : un homo ! Elles te diront les homos, qui font la pluie et le beau temps de la mode, n'ont jamais touché une femme ! A part peut-être leur mère. Qu'ils ont pour idéal des femmes anorexiques. Que la femme qui porte un smoking se doit être inabordable ! Oui inabordable, une créature, une création. N'est ce pas comme cela que la femme est vue par les hommes homosexuels ? Ils en savent tout, ils ont tout compris de la féminité  jusqu'à considérer l'homme hétérosexuel ignare, abruti par sa fascination des femmes, englouti par la séduction à deux balles d'une bimbo. Mais ils se permettront de dire tout haut qu'elles sont des salopes. Devinent-ils au moins un sein qui se balance dans un chemisier ? De la bimbo à la potiche du RER... Le sein, est ce que c'est un truc de salope ?

Un smoking trois pièces ce n'est pas très sexy avoue-le. Si le pantalon est trop droit et la veste trop ample c'est presque clownesque. Vise ce pantalon qui sied juste comme il faut. Pourtant, le pantalon est bel et bien l'attribut vestimentaire le plus sexy. Si l'on demande l'avis d'Alex cet antihéros et obsédé  sexuel du "complexe de Portnoy ": il y verrait d'abord la " chatte" derrière la braguette du pantalon moulant. L'épaisseur du pubis. Si la femme a du bide, des bourrelets, si elle se laisse aller, le pantalon montre tout. Il montre tout, devant, derrière.

La jupe ou la robe font sac autour du corps avec plus ou moins d'étroitesse et cachent l'entrejambe. Élément fondamental dans la perception de la femme en dessous de la ceinture. Le pantalon révèle non seulement les fesses mais ce que la femme porte ou pas en-dessous : string, slip, boxer ou rien du tout. Puis ensuite la nature des fesses : grosses fesses, fesses plates, petites fesses dodues, grosses fesses super dodues, petites fesses avec hanches affirmées, grosses fesses ou petites affaissées, fesses altières , fesses pointues, fesses musclées, vilaines fesses, fesses de ménopausées, fesses de vierge, fesses de blanches, fesses de blacks (et quel fessier), fesses jaunes, fesses complexées, fesses généreuses et ouvertes.

Si tu descends, tu apercevras la couture du milieu du pantalon la façon dont la raie dessine et structure la région entière des deux faces jusqu'aux territoires plus inaccessibles de l'entrecuisse jusqu'à la "chatte" dirait encore Alex. Et là, encore c'est une autre topographie. Tu pourrais rajouter que tout dépend de la "structure" sur laquelle les dites fesses s'imbriquent : des cuisses grosses, musclées, de tigresse, fines, sans relief ou galbées, avec ou sans cellulite etc. Il s'agit donc de la "descente" des dites fesses. Ensuite sur quels types de hanches et de rein ? Là encore la liste est longue et donc les possibilités de femmes à partir d'un fessier, de cuisses, de hanches et de chute de reins sont infinies. Différentes topographies de silhouettes, de la plus tentante, l'endroit où l'homme aime à glisser sa main de manière impudique, à celle où il reste indifférent. Oui, l'entrecuisse est tout de même le suprême objet de convoitise exposé au regard des hommes, quelqu'ils soient. 

Et là, que le pantalon vienne de chez Zara ou Dior, rien n'y fait : la nature est injuste et ne saura faire aucune distinction entre les deux marques si les fesses ne sont pas dignes d'être regardées. Le pantalon Dior sera mieux coupé et rendra des fesses plates moins plates. Il changera juste la platitude en quelque chose de plus chic. Il rendra les grosses fesses plus dignes de respect. Pense à cela quand tu enlèveras mon pantalon. Derrière le vêtement je suis nue et soumise. Quand il faudra se déshabiller une profonde angoisse montera en moi, celle de se révéler tel quel avec mes imperfections de femme (même infime) et non les perfections de créatures inventées par un homosexuel de la mode ou par Photoshop.

Mais la jupe et la robe auront aussi leur mot à dire. Et donc voudront revendiquer leur statut extra-féminin. C'est pour cela que le smoking s'est transformé en robe smoking. Une aberration ! Soit on est smoking jusqu'au bout mais pas demi-smoking pour arranger des ladies en mal de féminité. Que disent robe et jupe alors?  Elles clament que la main de l'homme pourra en toute occasion se glisser dans l'entrecuisse, et sous le string, le slip, le boxer ou sans rien, carrément direct et sans peine pour atteindre la région inaccessible  qu'enserre  le pantalon. Que cette main pourra sentir l'humidité et  la pilosité de la femme excitée par les doigts virils. Peau contre peau. Peau moirée ou exsangue, veineuse ou bronzée, avec ou sans grain de beauté etc. Et puis de toute façon pour faire l'amour à une femme il faut lui écarter les jambes. Écarter les jambes sans quitter la robe ou la jupe. Et Dimitri (voir L'hiver de l'amour) est aussi d'accord là dessus et Alex adore cela. Dans les toilettes, dans une voiture, sur le banc ombragé d'un jardin public, sur un canapé, sous la table d'une soirée un peu arrosée, la liste est longue. Et si un regard extérieur soupçonne des actions lubriques, la jupe ou la robe retombent aussitôt comme un rideau après un spectacle détonnant. Chapeau.

Devrait on dire que les femmes en pantalon sont fermées à cette opportunité mais qu'elles veulent néanmoins montrer que leurs corps enveloppés autour du pantalon sans faux plis restent extrêmement tentateurs ? La robe et la jupe sonnent, dans l'extrême absolu, pute alors qu'avec le pantalon la femme imite l'homme ou alors se donne un détachement tout en étant en devenir pute sans l'être ? C'est peut-être le questionnement du vêtement. J'adopte donc le smoking pour sa distance et sa présence, pour le cul moulé et les épaules cintrées. Un homme, et quel homme, aura vite faite de prendre une paire de ciseaux, couper et couper, mettre tout cela en l'air, réduire le vêtement en lambeaux.